Appleton 2003 et 1984, la Hearts Collection II


Joy Spence et Luca Gargano ont remis ça. Après les 94, 95 et 99, c’est au tour d’un 2003 (18 ans) et d’un 1984 (37 ans, ah punaise !) d’être mis en bouteille noire. Je ne vous refais pas le speech, vous pourrez en apprendre plus dans mon précédent article mais sachez simplement que le vieillissement de ces deux rhums a été intégralement tropical – à la distillerie – et qu’ils sont issus de deux marks différents.

Appleton Estate 2003 Hearts Collection – 63%

Appleton Estate 2003 Hearts Collection – 63%

1er nez : plutôt fruité sur l’orange et la banane, mais aussi de la mélasse réglissée, de la vanille et du bois. On reconnait sa nature jamaïcaine (entre autres grâce à un note de colle) mais il prend des accents de Port Mourant (et m’a même aussi fait penser à certains Bellevue 98). Très expressif, il laisse ensuite place à des notes plus sombres de tabac, de café et de caramel cuit. Une petite acidité, une pointe médicinale et la puissance de l’alcool (qui se sent) apportent de la fraîcheur et amènent un certain équilibre. C’est complexe et intéressant mais il manque un peu de gourmandise à mon goût.
2ème nez : il change, autant aromatiquement qu’en puissance alcoolique (qui augmente). Le boisé réglissé s’est développé et devient même légèrement piquant, le tabac se mêle de cuir mais l’acidité demeure, portée par l’orange. A noter, dans les points positifs, l’apparition de fruits à coque torréfiés.
Plus de repos : la pomme fait son apparition, une pomme fraîche mais engluée dans le caramel. Il s’assagit, comme mis en sourdine par la cire, qui elle aussi vient d’arriver. Attention, il reste expressif tout de même.
Beaucoup plus de repos : au bout de trois heures, il est un peu éteint et fait un peu penser à un Monymusk continental en plus chaud. Un petit tour dans le verre le réveille, sans retrouver cependant son intensité première.
Bouche : belle présence, vivacité certaine (sans brûlure), attaque gourmande et explosion aromatique. On retrouve l’intensité du nez et, fidèle au nez, il déroule de manière logique son éventail d’arômes. Il me fait encore penser à mutant Jamaïque-PM-Bellevue, qui évolue plutôt sur une palette sombre.
Finale : très longue, elle est menée par un boisé à chauffe très forte et ses accents empyreumatiques – et une petite amertume. Mais il y a de la place pour que d’autres arômes s’expriment : épices, cacao, réglisse, vanille, amande amère, tabac. Il n’en a pas fini avec nous !

Pas de défaut, et même un certain nombre de qualités – concentration et complexité – pour cet Appleton 2003. Pas mal de personnes ont déclaré beaucoup l’aimer ce 18 ans full tropical. Pour ma part, il n’y aura pas eu de coup de cœur, c’est un bon rhum mais je n’ai pas eu d’émotion en le dégustant.

Appleton Estate 1984 Hearts Collection – 63%

Appleton Estate 1984 Hearts Collection – 63%

1er nez : superbe ! Plus proche d’un vieux Demerara, dans la lignée des bombes sorties par Velier. La concentration et l’intensité sont remarquables. Il faut y passer un moment pour décortiquer tout ce qu’il a à offrir. Coco, orange, vanille, mélasse, cacao, fruits secs, épices douces, fruits à coque… Le résultat est vraiment très réussi et gourmand ; l’alcool parait mieux intégré que sur le 2003.
2ème nez : là aussi le boisé (carbonisé) ressort assez nettement et couvre partiellement les fruits et leur exotisme. L’alcool, lui, reste mesuré. Du fond du verre remontent des notes pâtissières très agréables, avec leur lot de fruits à coque saupoudrés de vanille, qui se frayent un passent au travers des volutes de tabac.
Plus de repos : on retrouve le profil si opulent et plaisant du premier nez mais en gardant la touche pâtissière. Je pourrais vraiment y passer des heures sur ce nez. Malgré le long repos (j’en suis à 90 minutes), il confirme sa nature concentrée à l’extrême où les arômes sont emmêlés et englués les uns aux autres, toujours sous le signe d’une grosse gourmandise.
Beaucoup plus de repos : trois heures plus tard, bien qu’assagi, il garde son identité très gourmande, entre fruits exotiques et pâte à gâteau. L’étaler sur les parois du verre le rend plus mordant, autant en alcool qu’en arômes, qui sont à nouveau boostés. Resurgissent encore une fois des notes plus noires, avec tabac et réglisse
Bouche : on reste sur une concentration hors du commun, mais sa nature change et après l’incroyable exotisme et douceur du nez, on se prend une claque de boisé et d’amertume. Le rhum est épais et colonise toute la bouche. La seconde gorgée est un peu plus agréable, surtout l’attaque, et on y retrouve quelques marqueurs du nez mais le bois, en embuscade, réapparaît bien vite en compagnie de sa copine l’amertume.
Finale : interminable, on garde l’amertume boisée (un peu moins intense qu’en bouche), alors que les fruits à coque et la vanille tentent – à grand peine – de refaire surface et y parviennent quelques instants. Tabac, cuir et notes empyreumatiques sont, en revanche, bien présentes. Entre ces dernières et le boisé amer, c’est vraiment très sombre et peu plaisant, d’autant moins les minutes passant.

Là j’ai eu des émotions, aux deux extrémités du spectre… Un nez vraiment époustouflant avec moult éléments que j’aime beaucoup : là aussi complexité et concentration (remarquable cette concentration !) mais aussi énormément de gourmandise multi-facettes. A ce moment-là, j’étais conquis. Et comme vous l’aurez compris, ce fut ensuite une déception en bouche, avec trop de bois et d’amertume. Ce fut d’autant plus une désillusion après ce nez enchanteur. Tout n’est pas à jeter cependant et je connais des énergumènes qui se sont régalés de cette concentration boisée.
Le temps, une fois la bouteille ouverte, voire l’adjonction d’eau (que je ne me suis pas résolu à faire), pourrait peut-être aider, mais en l’état c’est vraiment compliqué. Peut-être qu’Appleton et Velier ont inventé le concept de l’alcool qui ne fait que se sniffer et qui du coup est interminable et sans impact sur la santé !

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