Les grands arrangés de Ced

Le rhum arrangé, ce n’est pas mon truc.

Voilà qui commence bien pour vous parler de ma récente visite en Loire Atlantique pour découvrir l’univers des arrangés de Ced.

Et oui, non content d’avoir il y a peu conclu un fantastique tour du monde, je continue de partir en vadrouille par-ci par-là. J’évoquais il n’y a pas longtemps sur ma page Facebook, des aventures irlandaises ou encore berlinoises ; ma soif de connaissance du monde du rhum, des spiritueux, et plus récemment des bières est insatiable. Cette fois je suis resté en France pour cette récente étape (mais pas la dernière 😉

Direction la région nantaise après que rendez-vous fut pris avec sieur Brément, avec dans l’idée d’en apprendre encore plus sur ses créations et de passer un bon moment !

Cédric m’attendait de pied ferme à la gare de Sainte Pazanne et m’avait préparé tout un programme pour cette journée qui s’annonçait chargée (et tant mieux !). On monte dans sa voiture et on fait un petit détour avant d’aller là où tout se passe, afin qu’il puisse me montrer où tout avait commencé, un petit hangar, depuis longtemps délaissé pour un local plus grand.

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Le genre d’environnement qui me donne envie de travailler !

Et justement on y arrive, un grand bâtiment austère, qui ne paye pas de mine ; et tant mieux, car mieux vaut ne pas trop attirer l’attention quand on travaille avec de l’alcool. Je découvre un lieu divisé en plusieurs espaces, avec l’atelier, le stock, le chai et la partie administrative. Mon briefing de la journée, donné par Cédric, se fera dans la salle de réunion richement décorée de bouteilles. Je saute directement dans l’action, j’enfile des chaussures de protection et une blouse et file à l’atelier pour y couper du fruit et faire connaissance avec une bonne partie de l’équipe déjà à pied d’oeuvre. L’endroit n’est pas gigantesque et abrite en son centre la chaine de production où certaines étapes sont automatisées (rinçage des bouteilles avant remplissage ou encore collage des étiquettes) mais où la plus importante est réalisée à la main : la découpe des fruits et leur insertion dans les bouteilles. Quatre hommes sont à la tâche dans un délicieux parfum de fruit, qui prend même le pas sur le rhum. Mon mentor, “l’ancien” de l’équipe m’explique parfaitement ce que je dois faire et même si je ne m’en sors pas trop mal, j’ai quand même bien fait chuter la productivité pendant cette grosse demi-heure de découpe, le tout dans la bonne humeur 🙂 J’en ai profité pour goûter de la mangue, et le mot qui m’est venu en tête n’était autre que “perfection”. Merci les gars !

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Appliqué dans la bonne humeur 🙂

Après avoir mis les mains dans le cambouis (un cambouis sucré fort agréable ^^), retour à la salle de réunion, où Cédric, Jean-François, son responsable de production et moi-même nous sommes livrés à une dégustation fort intéressante.

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Quelques rhums agricoles

Préparez-vous à une longue parenthèse.

Mais avant de vous la décrire, je dois vous parler d’autre chose : comment sont faits les rhums de Ced. Alors oui, ça dépend lesquels, mais l’idée générale c’est : du rhum blanc agricole, du sirop de sucre et des fruits (sans oublier un occasionnel passage en fût). Pas compliqué, si ? Ben non, enfin, ça peut le devenir quand on est un jusqu’au boutiste qualitatif. Cédric devrait plaider coupable, et ce depuis le début de l’aventure, et ça ne s’arrange pas. Il s’interroge sur chacun des éléments qui composent ses arrangés, dans le détail.
Le rhum : il l’a longtemps obtenu de la Martinique, de la distillerie du Simon. Mais depuis quelques années, une partie de son approvisionnement vient de la distillerie Longueteau en Guadeloupe. Il a donc eu l’idée de créer une blend des deux pour sa base rhum. Pour se faire il a testé des associations des deux à différents pourcentage pour arriver au mélange qu’il utilise actuellement. Mais quand on aime le rhum blanc agricole et qu’on connait un peu son sujet, on s’interroge sur la réduction alcoolique. C’est ce qu’il fait. On sait que cette étape doit être effectuée dans les règles de l’art, très lentement et progressivement afin de na pas “choquer” le rhum. Autant il reçoit le Longueteau en brut de colonne, mais le martiniquais arrive déjà réduit à 50% – réduction effectuée en métropole. Or on sait à quel point les différences gustatives peuvent être de taille lorsque la réduction est faite trop précipitamment. On a des exemples (Bielle et Dillon pour ne citer qu’eux), les rhums réduits (et mis en bouteille) en métropole souffrent de nombre de défauts. Aussi Cédric et son équipe vont voir s’il est possible d’obtenir le rhum du Simon en brut de colonne pour un résultat optimal.

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Les odeurs étaient à la hauteur des couleurs

Les fruits : ils doivent être les plus frais possibles. C’est pour cette raison que plusieurs des fruits exotiques qui rentrent dans l’élaboration de certains rhums arrangés de la gamme viennent par avion (comme les mangues) et sont mûrs juste ce qu’il faut. Les fruits qui poussent par chez nous, eux, viennent de sources les plus proches possible (les fraises de la Fraiseraie par exemple). Les uns et les autres sont ensuite traités avec beaucoup d’attention, entre autres durant la phase de découpe où le temps entre cette découpe et la mise en bouteille est de seulement quelques secondes afin de garder le plus de jus possible (sauf quand c’est moi qui m’en occupe parce que je suis lent).
Le sirop de sucre : il est réalisé maison afin de parfaitement contrôler son pouvoir sucrant et ses composants. Il est à noter que les arrangés de Ced sont 40% moins sucrés qu’à la création de la marque.

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Dans le chai

Le vieillissement : c’est une couche supplémentaire qui est susceptible d’apporter un surcroît de complexité et de gourmandise. Cette étape ouvre toute une panoplie d’options que Cédric ne va pas se priver d’utiliser. Il possède actuellement dans les 200 fûts ; porto, vin rouge de Bordeaux, rhum, bière, whisky et j’en passe, il y a de quoi faire.
Vous le voyez, le fondateur des Ti Arrangés de Ced travaille en profondeur à ce que ses rhums soient les plus qualitatifs possible. Cela reflète bien sa passion pour ce qu’il fait et pour son respect du client.

Et quand on lui demande ce que l’avenir réserve aux Rhums de Ced, il répond :
“Toujours explorer tous les paramètres qui peuvent rentrer dans un RA qualitatif et continuer toutes nos expérimentations, tout en trouvant de nouveaux partenariats et en faisant des rencontres qui continueront de nous faire vibrer et peut-être que ça fera aussi vibrer le consommateur.”

Fin de la parenthèse un peu longue

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Premier apéro ^^

Revenons-en à la dégustation de fin de matinée : nous avons testé les rhums blancs utilisés pour les arrangés (Longueteau et Simon) puis le blend des deux ; le tout à trois degrés alcooliques différents : 50%, 60% et 70%. Deux conclusions de mon côté : Longueteau en blanc, c’est quand même fichtrement bon et le blend des deux est vraiment pas mal du tout.
Juste le temps de prendre un ti’punch (au Longueteau 50 pour moi ^^) et il était déjà temps d’aller déjeuner.

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Qu’est-ce qu’il m’a fait du bien ce plateau !

Orgie de fruits de mer précédée de sangria maison, accompagnée de muscadet et conclue par un verre de Dillon VSOP. On a dû rester à table plus deux heures, ce qui nous a permis, outre de profiter de ce délicieux repas, de parler de beaucoup de choses, on s’est même pas mal éloigné du rhum par moment. Cependant un des gros sujets abordés a été celui de la vente de son entreprise au profit de Dugas plus tôt cette année. Cette opération a suscité pas mal de questions et a fait froncer quelques paires de sourcils. Au final, que du bénef pour Cédric (et je ne parle presque pas d’argent), puisque cela lui a permis d’enlever un énorme poids de ses épaules : la responsabilité du patron. Il garde les rênes (c’est bien lui et son équipe qui décident des recettes) et va tous les jours au boulot mais l’esprit plus léger, ce qui a déjà commencé à avoir des répercussions positives sur la vie privée de ce bourreau de travail.

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J’ai demandé à Cédric d’arrêter la voiture afin de pouvoir photographier ce cheval qui se tenait là de manière presque irréelle et pourtant en parfaite adéquation avec son environnement

Après cette pause, il était temps de se remettre au “travail”, l’estomac lourd et l’esprit léger.
Quand je vous ai parlé des différents ingrédients qui rentrent dans la composition des rhums de Ced, il y en a un que j’ai laissé de côté : l’immersion dans les marais salants. Seules certaines bouteilles reçoivent ce traitement de faveur, dont les fameux Point G. C’est précisément pour en apprendre plus sur cette étape que Cédric m’a ensuite conduit aux salines de Millac, dans le marais breton, là où certains arrangés vont passer deux mois sous l’eau, juste sous la surface, afin de voir leur texture devenir plus onctueuse et les saveurs de fruits se concentrer. Un lieu paisible, je me souviens très bien du silence omniprésent à peine la portière de la voiture ouverte.
J’ai pu rencontrer un autre grand fou, Mano, ce paludier qui permet à Cédric de faire ses expériences salines. Ce genre d’individu qui vous accepte instantanément dans son monde et vous transmet très rapidement sa passion. Cette passion que lui et sa compagne Nat ont pour le sel, pour cet environnement très particulier et la réhabilitation de celui-ci. Produire ce sel, tout en respectant l’écosystème et plus généralement la nature est au centre de leur démarche.

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Les salines de Millac

De retour dans les locaux, j’ai cette fois eu droit à une visite en bonne et due forme de l’ensemble des installations et ai pu m’apercevoir que là encore, la place commence à manquer. Des projets d’agrandissement sont peut-être déjà dans les tuyaux, qui sait ? ^^

Il m’avait gardé “le meilleur” pour la fin avec son chai de vieillissement. Toujours un bonheur de se retrouver dans un tel lieu aux parfums enivrants, là où le temps fait son oeuvre. J’ai pu, de première main, vérifier si ce bon vieux temps faisait bien son travail et je dois avouer être tomber sur un ou deux trucs qui pourraient être mis en bouteille tels quels. J’ai dégusté des rhums vieillis en fût de Porto, de rhum (Cédric a récupéré les fûts des premiers embouteillages de L’Esprit !), de Saint Emilion, de Sauternes ou encore de quarts-de-chaume. Ce dernier après quatre ans de vieillissement se laissait vraiment bien boire 🙂

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Ultime dégustation de la journée

Cette dégustation dans le chai aura conclu cette exceptionnelle journée de fort belle manière, définitivement placée sous le signe du plaisir et du partage. Monsieur Brément, merci !

Finalement, le rhum arrangé, c’est peut-être un peu mon truc ^^

7 thoughts on “Les grands arrangés de Ced

  1. Bel article, moi même pas grand fan de RA industriel, je me noie souvent dans ceux que je fais, tellement plus abordable et moins sucrés que ceux du commerce. Mais votre article me donne envie de relaissé une chance a ces RA la, que je n’ai pas aimé il y a qq années

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