La Maison Ferrand et les rhums Plantation

Pendant le tour du monde, j’ai découvert et visité nombre de distilleries, de l’Asie à la Martinique, en passant par les Etats-Unis. C’était bien.
Une fois rentré en France, j’avais un peu de temps avant la reprise du travail, aussi me suis-je dit que c’était l’occasion parfaite d’aller à la rencontre de certains acteurs du monde du rhum, en métropole. Je vous ai déjà fait le récit de ma journée hors du commun en Loire-Atlantique avec Cédric Brément, à la découverte de ses Ti Arrangés de Ced, mais je ne me suis pas arrêté là.

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Là où des soirées d’anthologie se dérouleront

Il y a quelques semaines de ça, je me suis rendu (très bien accompagné) du côté de Cognac afin d’en apprendre plus sur les rhums Plantation.
Un plan bien huilé (merci Benoist !) avec train, location de voiture, deux nuits au Château de Bonbonnet et une visite des cognacs Grosperrin le matin du départ (jetez un œil à ma page Facebook pour en savoir plus sur cette dernière étape ;), nous voilà prêts !

Accueillis à Angoulême, avec d’autres amateurs, par Alexandre Mourigué de la Maison Ferrand, nous prenons notre voiture de location et faisons la route jusqu’aux abords de Cognac, à Ars, là où se situe le siège de Ferrand, entreprise créatrice de la marque Plantation (ainsi que du gin Citadelle).
Nous découvrons ce magnifique lieu, prenons nos quartiers et pouvons nous laisser guider par notre hôte pour débuter ce séjour exceptionnel.

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Niveau météo on aura pas eu à se plaindre

Nous avons tout d’abord eu droit à un petit historique de Ferrand et de son propriétaire, Alexandre Gabriel. Ce dernier est une figure remarquée de l’univers du rhum pour plusieurs raisons ; chercheur touche à tout, voyageur curieux et expérimentateur insatiable, il est également un conférencier passionnant et charismatique. Si l’on ajoute à cela sa présence sur les réseaux sociaux, on obtient un acteur majeur et visible du monde du distillat de canne à sucre. On ne devient cependant pas une personnalité rhumesque juste en étant visible (n’en déplaise à certains) ; ce sont bien évidemment les rhums Plantation qui ont créé cette notoriété mais c’est un autre évènement, plus récent celui-ci, qui a permis de donner une autre dimension à Ferrand : le rachat de la West Indies Rum Distillery. La WIRD – pour les intimes – distillerie de la Barbade est celle qui produit, et de loin, le plus de rhum dans le pays. Une bonne partie de cette production est revendue en gros, pour Malibu par exemple. La WIRD dispose non seulement de grandes colonnes continues pour produire en masse un alcool presque neutre à très fort degré, mais également d’appareils de distillation différents pour une production plus qualitative, tel que le Vulcain, une création étrange à mi-chemin entre la colonne et l’alambic, unique en son genre. Le choix de la Barbade est logique pour Ferrand puisque bon nombre des rhums de la gamme classique de chez Plantation viennent de cette île.
Il faut également savoir que la West Indies Rum Distillery possède un tiers de la Société Nationale de Rhum Jamaïcain et ainsi des distilleries Clarendon et Long Pond, pour laquelle j’ai un gros faible je dois l’avouer 🙂
Bref, outre la distribution des rhums Plantation dans près de 70 pays, il faut désormais compter sur Ferrand comme producteur et non plus uniquement éleveur/embouteilleur !

Après ce récapitulatif matinal, il était temps de se sustenter et nous sommes donc allés déjeuner dans le restaurant d’un hôtel de Cognac, étrange et colossal bâtiment de pierre, de métal et de verre, récemment commandité par un riche austro-azerbaïdjanais-moldave. Un bon repas, assez léger pour ma part, ce qui sera totalement compensé sur le reste des deux jours.

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Quelque peu post-apocalyptique

C’est plein d’énergie que nous partons alors pour ce qui sera sans doute l’activité majeure du séjour : la visite des chais. C’est bien simple, tout l’après-midi y aura été dédié. Nous en avons exploré deux ; bâtiments noircis, partiellement recouverts de lierre. J’imagine que vous maitrisez le concept de caverne d’Alibaba, on est en plein dedans : de nombreux fûts de multiples origines et de d’âges variables, sans compter les différentes essences de bois. Et là, non seulement ces messieurs de Plantation (Alexandre notre guide rejoint par Benjamin Galais, le directeur technique chez Ferrand) avaient sélectionné quelques pépites à nous faire découvrir, mais nous pouvions également demander à déguster ce que nous voulions – je ne me suis pas fait prier 😀

 

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Deux, trois petits trucs

Voici de manière non-exhaustive et dans le désordre, ce dans quoi nous avons pu mettre le nez.
Deux Mount Gilboa. J’ai préféré le cadet que j’ai trouvé plus fin et moins écœurant mais en tout cas cela confirme que je n’apprécie pas trop ce profil.
Direction la Jamaïque ensuite avec entre autres des Clarendon (distillerie dont est issue la marque Monymusk) dont deux 35 ans. Ah oui quand même ! Beaucoup de complexité et sans surprise un boisé bien marqué avec une certaine amertume qui plaira, ou pas. Les convives étaient divisés à ce sujet. Il est aussi à noter que ces deux rhums sont sensiblement différents mais qu’ils offrent tous deux un nez très charmeur.

 

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Un Hampden <H> 2001 ensuite, pas du tout à mon goût celui-ci, avec des accents de parfum, voire de désodorisant ; un Hampden brise marine ?
Panama pour continuer, brut de fût et non édulcoré avec un 91 et un 96. Le premier est très gourmand sur le chocolat au lait et les fruits à coque, tandis que le second possède un nez encore plus agréable avec une fraicheur accrue, il se fait cependant moins aromatique en bouche.
Un Bélize vieilli en fût de merisier, encore trop jeune mais déjà marqué par l’influence particulière de cette essence de bois.

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On enchaine avec deux TDL (Trinidad Distillers Limited) de 1997 mis à vieillir dans deux fûts de Kilchoman (whisky tourbé écossais). Tout dans leur vieillissement est identique – les fûts sont même l’un à côté de l’autre dans le chais – si ce n’est bien sûr le fût lui-même. Et bien, ces deux rhums sont bien distincts l’un de l’autre avec l’un nettement plus marqué par les arômes fumé/tourbé. Un test intéressant et je crois, un rhum qui vient d’être mis en bouteille.

Plantation fûts - 3

Petit arrêt à Sainte Lucie pour des millésimes 2007 et 2010 respectivement distillés sur alambic Vendome et John Dore, qui auront eu beaucoup de succès. Moi je dois avoir un problème avec les rhums de cette île, il y a souvent un truc qui ne me plait pas, un manque d’équilibre peut-être.
Nous finirons cette balade à la Réunion avec deux rhums agricoles de chez Savanna. Le premier, un 2004, a trouvé grâce à mes yeux. Plus fin que pas mal d’autres dégustés sur la journée, même si le rhum y est difficilement reconnaissable. Il offre beaucoup de fraicheur et les 60 degrés sont très bien intégrés. Le second un 2005 est sur la même veine que son aîné mais en plus gourmand et plus expressif ! Peut-être bien mon favori sur toute la journée, et vu la compétition ce n’est pas peu dire.

Plantation fûts - 1

C’est durant cet après-midi que nous avons pu aborder plusieurs sujets fort intéressants :
– un rhum qui a vieilli en fût de vin – intégralement ou non – va souvent présenter des arômes de pierre à fusil/poudre à canon ; cela vient souvent du fait que pour éviter que les fûts de deviennent mauvais/moisissent, y sont consumées des mèches de souffre, d’où ce petit goût. Ça casse un peu le truc quand même…
– les étiquettes des rhums Plantation ont commencé à arborer le dosage ou sucre ajouté. Ce n’est pas encore le cas sur toutes les bouteilles mais cela le deviendra d’ici la fin d’année prochaine.

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“Accroches-toi au pinceau, je retire l’échelle !”

– au premier janvier 2021 toutes les boissons qui voudront être commercialisées en Europe sous l’appellation rhum devront passer sous la barre des 20g de sucre par litre. J’en connais deux, trois qui vont passer en boissons spiritueuses ^^
– l’obscuration n’a rien à voir avec l’obscurité, malgré leur proximité linguistique. Ça peut sembler idiot pour ceux qui le savent mais je sais que beaucoup de personnes pensent qu’il s’agit de rendre un rhum plus foncé à l’aide caramel, et bien pas du tout. L’obscuration est “simplement” une manière de mesurer le sucre ajouté : 1% d’obscuration correspond à 4g de sucre (quand la boisson est à 40% d’alcool).

 

Plantation lineup

Des bouteilles qui trainaient

Déjà la fin d’après-midi ! Bien temps d’aller acheter de quoi se baffrer autour d’un barbecue. Je dois avouer que je ne pensais pas prendre autant de plaisir à faire les courses. Mais si ce n’est la bonne humeur généralisée, l’achat de tant de bonnes choses m’a ravi 😀 Côtes de bœuf, vins, charcuterie, magrets de canard, fromages et un peu de verdure, enfin je crois. Et c’est sans même évoquer les amateurs de cognac qui se sont rués sur quelques bouteilles de Grosperrin (je vous invite à aller voir mon petit article sur ma page Facebook si vous voulez en savoir plus sur les cognacs Grosperrin).

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L’heure de l’apéro

La soirée qui s’en suivit fut épique et voici quelques-uns des ingrédients clef de cette réussite : un bon cuisto, du vin à dégazer, de la bonne viande, un tire-bouchon, un oftd dégazé, une crème brûlée au grand arôme, un pouilly fuissé et une vinaigrette au Plantation Pineapple. Alors oui bien sûr, les convives aussi ont leur importance et là aussi ce fut un sans-faute 🙂

 

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Vue de la chambre

Après une nuit trop courte à mon goût de presque quarantenaire, nous avions rendez-vous avec Benjamin – une mine de connaissance et d’informations ce jeune homme ! – qui nous avait préparé un petit exercice fort intéressant : réaliser notre propre blend.
Les verres remplis nous attendaient déjà dans la salle de réunion et un entêtant parfum de rhum embaumait déjà la pièce à notre arrivée – rien de tel pour démarrer la journée ! A notre disposition, nous avions un Vulcain, un jeune Clarendon, un très vieil Hampden, un Barbade très coco, un Long Pond et un Fiji. A noter que trois de ces rhums avaient été vieilli en fûts inhabituel avec du châtaignier, du merisier et de l’acacia. Les consignes étaient relativement simples : imaginer un blend sur des notes florales, fruitées et gourmandes en utilisant tous les rhums proposés. Une fois les proportions de chaque rhum identifiées et couchées sur le papier, Benjamin et son assistante sont passés aux travaux pratiques et ont élaboré nos blends à chacun afin de pouvoir les déguster et désigner un vainqueur. L’exercice ne fut pas simple mais très intéressant. Contre toute attente et malgré un blend qui tendait vers la perfection, je n’ai pas gagné cette petite “compétition” 😀

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Studieux que nous étions

J’ai passé sous silence une autre activité matinale. Entre le moment où nous avions rendu nos copies pour l’atelier blend et celui où nos créations avaient trouvé vie, nous avons eu un peu de temps, temps qui a été consacré au gin. Je n’y connais rien en gin et pour moi c’est loin d’être un alcool “noble” puisqu’on y fourre à macérer ce qu’on veut – en gros. Cela m’aura donc d’autant plus intéressé de découvrir comment le gin Citadelle (la marque de gin de chez Ferrand) est élaboré. Cinq jours sont nécessaires avec une macération successive de différentes épices, agrumes et herbes aromatiques (18 composants en tout). Selon leur puissance, on les laisse plus ou moins longtemps dans l’alcool, qui variera en degré. Par exemple, le premier jour sont mises à macérer les baies de genièvre dans l’alcool qui est aux alentours des 80%, puis on ajoutera le deuxième jour une autre famille d’épices après avoir procédé à une réduction alcoolique d’environ 15 points, tout en laissant la genièvre et ainsi de suite sur les cinq jours en finissant par des éléments très aromatiques (de la famille de l’anis) qui ne viendront s’ajouter aux précédants que pour quelques heures et dans une macération qui sera autour des 35% d’alcool afin que l’extraction aromatique soit moins forte. C’est moins facile à expliquer sans le schéma qui va bien mais j’espère avoir été clair sur cette étape. La suivante consiste à distiller ce mélange avant de le réduire à 44%.

 

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Les baies de genièvre

Il est à noter que Ferrand fait vieillir une partie du gin produit dans différentes essences de bois, dont entre autres du… genévrier. Oui, ils poussent le truc à fond ! Sur ce produit, le genièvre est tellement intense qu’on a l’impression d’être face à une huile essentielle !
Histoire de parfaire notre connaissance de cet alcool, nous nous sommes rendus sur un terrain récemment acquis par Ferrand, où poussent des genévriers. Je crois bien que c’est la première fois que je me suis retrouvé face à cet arbre couvert d’épines (sympa pour la récolte, un bon thème de team building :D).

 

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Notre line up cognac

C’est après un autre déjeuner d’une ridicule légèreté (escargots, magret d’oie et crème brulée) qu’une partie des convives a dû nous quitter. Seuls les meilleurs sont restés, bien entendu et ont pu profiter, après une pause salutaire, d’une petite session cognac avec la dégustation de quatre bouteilles dont deux millésimes sacrément sympathiques ! J’ai naturellement et bêtement préféré le plus vieux (et donc le plus onéreux) et me suis fait penser à ces visiteurs du Rhum Fest qui, en fin de salon, se jettent en titubant sur les stands qui servent encore en demandant d’une voix pâteuse s’ils peuvent avoir une lampée du rhum le plus cher. Bref.

Puis dans un remake de la veille, nous sommes retournés au supermarché mais avons fait l’impasse sur la viande ! C’était soirée fruits de mer et poissons et… mayonnaise, parce qu’il ne faudrait pas manger trop léger non plus 😛 Et c’est pendant que je défonçais du bulot, qu’un flambage d’anthologie de crevettes au Plantation Pineapple avait lieu, vraiment multi usages ce rhum 😀

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Ca passait quand même extrêmement bien cette affaire

Qu’est-ce qu’on a pu se marrer encore ce soir-là entre des gin toniques, des dégustations de Caronis de la Caroni ceremony (dont un truc sacrément dégueu qui donnait tout son sens à l’expression jus de bois), des vins natures, un cocktail improbable avec de l’élixir de Chartreuse et des Plantation Extrême.

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Bien content d’avoir pu y goûter à nouveau

C’est sur ces dernières agapes que s’est achevée cette (trop) courte parenthèse en pays cognaçais à la découverte des rhums Plantation et de la Maison Ferrand dans son ensemble.

C’est le moment des remerciements ! Merci à mes parents sans lesquels je ne serais pas là pour écrire mes bêtises, merci à ma bande “Les 4 Fantalcooliques”, merci à tous les autres convives avec lesquels j’ai pu échanger et bien me poiler et merci à Alexandre et à Ferrand pour cet incroyable accueil ! On se refait ça quand vous voulez 😉

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Au revoir jolie demeure

3 thoughts on “La Maison Ferrand et les rhums Plantation

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