Et c’est reparti pour un tour !
Il nous reste un certain nombre de choses sur lesquelles je veux revenir.
On va commencer par un embouteilleur indépendant peu connu (pour l’instant) : Rum Bullion. On les connaissait grâce à leurs deux Caroni sortis il y a quelques temps de cela (ainsi d’autres dont je n’avais personnellement jamais entendu parler), mais là ils passent la seconde (la troisième et la quatrième aussi par la même occasion) et viennent nous proposer plus d’une dizaine de nouveaux rhums.
Jean Boyer, qui est derrière cette marque, est plus connu des amateurs pour ses embouteillages de whiskys. Là cependant, en élargissant sa gamme (de manière variée et abordable, on va y revenir), il quitte sa place d’embouteilleur de rhum très occasionnel.
Nous allons passer en revue, relativement rapidement, une bonne partie de cette gamme, qui se divise en deux groupes : les blends et les millésimés / small batchs.
A noter qu’aucun de ces rhums n’est filtré à froid et qu’aucun ajout n’est réalisé, ce qui est à noter !

Leur blanc de Guadeloupe, vraiment étonnant
Débutons par leur assortiment de blends, et par l’unique blanc.
Il s’agit d’un blanc de mélasse nous venant de Guadeloupe, réduit à 45%.
Au nez, il offre un profil qui ferait presque penser à un grand arôme. A vue de nez (c’est le cas de le dire), je dirais qu’il y a même une partie de la distillation qui se fait sur pot still, avec beaucoup d’esters. Il est cependant unique et ça en est déstabilisant mais très intéressant 🙂
La bouche est dans cette lignée mais en moins complexe.
La finale, elle, est très longue, à tendance empyreumatique. Ce rhum marque le palais (et ce n’était peut-être pas la meilleure idée de commencer la dégustation par celui-ci…). Cette finale est intéressante mais pas franchement gourmande.
Pas mal du tout ce blanc et selon la personne derrière le stand, je n’étais pas le seul à le penser d’après les quelques retours des visiteurs du salon.
Quatre vieux sont ensuite disponibles, j’en ai goûté trois (j’ai fait l’impasse sur le Trinidad).
On passe vite fait sur le Caraïbes (45%), qui n’est pas passionnant.
Le Guyana est très abordable gustativement. Il est sec et l’alcool bien dosé pour ses 40%. Il est simple et réussi.
Le Jamaïque pour finir, qui est typique de l’île, et bien que lui non plus ne soit pas très complexe, il constitue une bonne porte d’entrée dans le monde des rhums de cette origine.
Alors en effet, aucun de ces rhums (si ce n’est peut-être le blanc) n’est indispensable. Mais j’ai eu une excellente surprise en attendant la réponse à ma question sur le prix de ces bouteilles : de 25€ à 37€. Et là du coup, ça devient beaucoup plus intéressant, car elles sont vraiment abordables !

Les blends de chez Rum Bullion
La partie supérieure de leur gamme maintenant, avec cette fois-ci une fourchette de prix allant de 55€ à 75€ ; toujours raisonnable. Ils en proposent six mais je n’en ai dégusté “que” quatre.
C’est parti avec un Panama 2008. Au nez il est sec et gourmand, sur la vanille et le bois. La bouche est sèche et l’on pourrait presque croire à un rhum de tradition anglaise plus qu’espagnole. La finale est longue et toastée. Pas mal ce rhum, pas génial mais pas mal.
Un Barbade 2008 ensuite, il est simple et assez linéaire (mais agréable) puisque du nez à la finale on est sur un profil typique de la Barbade avec un fût américain bien marqué.
Retour à la Jamaïque, avec un blend de trois distilleries (à noter que l’assemblage se fait avant vieillissement). Un nez qui ferait penser à Hampden avec son côté lacté (en plus des typiques fruits très murs et du vernis) ; une bouche plus épicée et poivrée et une finale longue immanquablement jamaïcaine. Selon le prix, cela peut être intéressant, même s’il commence à vraiment y avoir beaucoup de rhums issus de cette île chez les embouteilleurs indépendants.
Un Guyana 2008 pour finir. Au nez, son profil est chaud et gourmand avec des arômes de banane bien présents. La bouche se distingue par ses notes torréfiées et épicées, tandis que la finale, longue, garde ce profil chaud et les arômes trouvés sur la bouche.
Voilà, on a fait le tour de ce que Rum Bullion a à nous proposer. Comme je le disais, il faudra voir les prix de chacune des bouteilles pour voir si cela vaut le coup, mais il y en a quelques-unes qui devraient tirer leur épingle du jeu (surtout sur les blends à vrai dire).
On reste avec un embouteilleur indépendant français, même si le décrire ainsi ne serait pas lui rendre honneur, tant il expérimente (il distille même son propre rhum). Je veux parler de Guillaume Ferroni et des rhums de Marseille.
Six nouveautés à déguster cette année, trois blancs et trois autres (je ne dis pas vieux, étant donné que l’un d’entre eux n’a passé que trois mois en fût).

Dame-Jeanne 2 et 3 – La série s’étoffe
Guillaume est un gars qui m’a toujours (enfin depuis que je le connais ^^) donné l’impression d’un savant fou, en ce sens qu’il maitrise ce qu’il fait, autant de manière théorique que concrète, et qu’il essaye et teste plein de choses, comme certains des rhums, dont je vais vous parler, le montrent.
La série Dame-Jeanne s’enrichit de deux nouvelles références, l’une de mélasse et l’autre de jus de canne, les deux à 57%.
La matière première de la Dame-Jeanne 2 nous vient de deux distilleries : le Galion en Martinique (l’une des rares distilleries au monde produisant encore du rhum grand arôme) et Oxenham de l’Île Maurice.
Le nez est assez doux et comme “épais”. Le profil grand arôme est présent mais discret. La réglisse, la vanille et de légères notes de banane sont les arômes dominants. En bouche, il est plus gourmand et plus intense, voire puissant. La finale est longue et c’est véritablement à ce moment-là que ses ascendances partielles de grand arôme se font sentir.
Pas inintéressant que ce rhum ; encore une association qui marche 🙂
Le Dame-Jeanne 3 est lui aussi un blend de deux origines. En effet, des rhums pur jus de canne, de variété canne rouge, provenant de chez Longueteau (Guadeloupe) et de chez Chamarel (Île Maurice), ont été assemblés pour confectionner ce rhum.
Le nez est presque exclusivement sur la canne gourmande (que l’on retrouve sur le parcellaire n°9 de Longueteau), ce qui n’est pas pour me déplaire. La bouche est intense, principalement sur la canne, mais apparaissent de surprenantes légères touches florales et poivrées. On retrouve encore la canne sur la finale, qui est longue et qui offre également de discrètes notes terreuses et d’agrumes.
Pour moi, cela ne fait que confirmer que j’apprécie tout particulièrement les rhums purs jus issus de cannes rouges 🙂
On termine les blancs par un prototype, avec Les Ciseaux. C’est un rhum pur jus de Guyane Française (La Belle Cabresse), qui a été ensuite redistillé sur pot still par Guillaume Ferroni. L’idée derrière ce rhum (et ceux à venir) est de pratiquer des coupes précises pour avoir des profils différents issus d’une même distillation.
Au nez, nous avons un profil d’une grande finesse, dominé par la canne mais aussi par une fraîcheur citronnée. La bouche confirme ce nez, avec en plus de la finesse, de la canne et de la fraîcheur, une dimension poivrée. La finale apporte une certaine amertume verte pas désagréable.
Nouvelle “innovation” et nouvelle réussite.

Les deux nouveautés de Ferroni partiellement vieillies en fût de rye
Passons aux vieux, avec un rhum de Cuba vieilli 6 ans avec une double maturation : 3 ans en fûts de bourbon et 3 ans en fût de rye whisky.
Le nez est dominé par le caramel, la vanille, les céréales (le rye whisky se faisant sentir) et les épices. La bouche est puissante (58.5% tout de même) et sèche. Elle manque un peu de gras ou d’exubérance. La finale est longue et bien marquée par le fût de bourbon avec des notes appuyées de coco.
Ce n’est pas forcément mon truc, mais cette double maturation apporte indéniablement quelque chose.
On part pour la Jamaïque avec un rhum de 2010 de la distillerie Worthy Park. Lui aussi est partiellement vieilli en fût de rye whisky mais il s’agit ici seulement d’un court finish, ce qui va plus marquer par les céréales que par le bois.
C’est bien ce qui se passe au nez, avec de la gourmandise, des céréales et un profil jamaïcain pour une identité inhabituelle et agréable. La bouche est puissante et on perd l’influence du finish, alors que la finale marque le palais assez longuement.
J’ai bien apprécié l’empreinte du rye (que je ne connaissais pas), que je trouve très gourmande.
Finissons ce petit tour d’horizon avec l’Overproof (74%) dont Guillaume est très fier. C’est un assemblage (encore une fois) de rhums de la Jamaïque, de l’Île Maurice et de la Martinique. Il est vieilli 3 mois en fût de vin cuit – on continue résolument dans l’originalité.
C’est avant tout ses origines jamaïcaines qui le caractérisent au nez, et l’on aurait pu s’attendre à un alcool bien plus présent, mais ce n’est pas le cas. En bouche, il ne sera pas nécessaire d’en prendre trop ; quelques gouttes nous permettront d’en apprécier ses caractéristiques complexes. Sa relative douceur lui apporte un équilibre accru. La finale est assez longue sur les marqueurs jamaïcains avec du menthol en prime.
Après juste quelques mois de vieillissement, je suis impatient de voir ce qu’il va devenir d’ici quelques temps 🙂

Masterclass Ferroni sur les finitions (vous pouvez en voir pas mal sur la table)
Encore un petit mot sur Guillaume Ferroni et ses rhums puisque j’ai eu la chance d’assister à une de ses masterclass, dont le sujet était justement les finitions. C’était vraiment super intéressant mais je ne vais pas vous la refaire ici. Simplement une petite phrase qui m’avait fait marrer : “On m’a dit que je pouvais apporter un maximum de 4 bouteilles à déguster, alors je vous en ai amené 9.” 😀
Je vais juste évoquer deux potentielles futures créations, précisément utilisant les finish, mais pas n’importe lesquels puisque Guillaume a décidé de faire quelques expérimentations avec des fûts ayant contenu de l’Elixir du Coiron (une liqueure similaire à la Chartreuse) et d’autres ayant précédemment vieilli du Negroni, qui est un cocktail qu’il avait choisi de faire vieillir il y a de nombreuses années. Les résultats sont très intéressants !
Comment ne pas parler, pour finir, des Ti arrangés de Ced’ ?
A chaque fois que je déguste les dernières créations de Cédric Brément, je n’ai d’autre choix que d’écrire à leur sujet, tant sa démarche et ses produits sont remarquables (et en plus il est super sympa, ce qui ne gâche rien ;)).
Et encore deux nouveautés présentées lors de ce Rhum Fest.

Ti Arrangés de Ced’ – Fraise-basilic en magnum au premier plan
Démarrons par le rhum arrangé fraise basilic. Cela ne partait pas très bien, je n’aime pas la fraise… Mais avant d’y goûter, penchons-nous sur son élaboration.
La “base” tout d’abord – le rhum donc, ou plutôt LES rhums, puisque cette base est composée de deux rhums (identiques, AOC Martinique) travaillés différemment. Le premier est vieilli pendant un an dans des fûts de vieux pineau rosé (encore un produit local de vers chez Cédric). Y est infusé du basilic thaï pendant 15 jours. Le second n’est pas vieilli et y est mis à infusé du basilic pendant 2 jours. Les deux sont ensuite assemblés, avant que les fraises n’y soient ajoutées. Ouais, ça va être compliqué de faire ça à la maison 😀
Au nez, la fraise est omniprésente mais est bien soutenue par une fraîcheur marquée (venant a priori du basilic thaï). La bouche n’est pas trop sucrée, la fraîcheur demeure, et la fraise est “fine”. On reste sur cette finesse sur la finale, qui est persistante et équilibrée. Ben merde alors, je n’aime pas la fraise et j’aime bien ce rhum à la fraise…
Le second est une nouvelle déclinaison d’un rhum arrangé ananas. En 2015, Cédric avait réalisé un rhum arrangé avec des ananas Victoria label rouge. Et bien, certaines bouteilles avaient été mises de côté et sont restées à se reposer bien sagement pendant… 2 ans et demi. Ces fruits ont donc macéré, infusé, donné leur parfum pendant deux bonnes années, une première ! Etonnamment, les lamelles d’ananas sont en parfait état dans la bouteille.
Le nez est sur l’ananas confit. La bouche est suave et l’ananas se fait rôti. La finale est longue, le sucre disparait mais la star, l’ananas, reste.
Trop doux pour moi, mais cela reste une expérience, car il est bien différent du rhum sorti en 2015.

La gamme des Ti Arrangés de Ced’ et la veste gris-bleu de leur créateur 😉
Comme à chaque fois que l’on se croise, Cédric partage sa passion pour ses produits, produits qui n’ont de cesse d’évoluer pour toujours tendre vers plus de précision et de maîtrise de chaque élément composant ses rhums. Il est toujours dans cette recherche permanente d’innovation et de nouveauté, qui lui permet de proposer des rhums arrangés uniques en leur genre et ainsi de toujours garder deux longueurs d’avance sur la concurrence 🙂
Pour les mêmes raisons que Guillaume Ferroni, Cédric Brément est aussi un savant fou 😉
Et voilà, c’est sur cette touche de douceur que s’achève ce troisième article consacré au dernier Rhum fest !
Si vous avez loupé les deux premiers articles sur cette édition 2017, c’est par-là :
Mon Rhum Fest 2017 – partie 1
Mon Rhum Fest 2017 – partie 2
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