En voilà un qui s’est drôlement fait attendre ! Ce Libération, ou plutôt ces Libération, puisqu’ils vont par deux : une version réduite à 45% et une version full proof, appelée Integrale, furent annoncés et même présentés (en version non définitive) au Whisky Live 2019. Autant vous dire que l’attente fut longue et les espérances hautes. Mais pourquoi y a-t-il une telle anticipation pour ces rhums ? J’aimerais pouvoir dire que cela vient de la qualité des versions précédentes (2010, 2012, 2015 et 2017) mais ça ne serait malheureusement que partiellement vrai. Je garde (comme beaucoup de monde) un souvenir ému du 2012 Integrale, qui est une perle. Sa version réduite se défend plutôt pas mal non plus mais les suivants n’ont jamais atteint ce niveau. J’avais même été franchement déçu par le 2017 et son boisé trop prononcé.
Non, la raison pour laquelle une telle hype s’organise autour de ces rhums, c’est bel et bien pour leur valeur spéculative, comme pour les Caroni en quelque sorte. Les quelques bouteilles disponibles sont très dures à trouver chez les cavistes mais se retrouvent très rapidement sur le second marché à des prix gonflés. Vous connaissez le refrain.
Dès lors, deux uniques méthodes pour les déguster : sur un salon, comme au Whisky Live 2021, ou alors en trouver des échantillons auprès d’amateurs qui ont réussi à en acheter. J’ai eu la chance de faire les deux et après ma première impression sur salon, je voulais me poser pour prendre le temps de les découvrir et les décortiquer dans de meilleures conditions (merci à qui de droit !). Voici donc le résultat de la dégustation de ces deux nouveaux Rhum Rhum Libération 2020 en version réduite et en version full proof.
Rhum Rhum Libération 2020 – 45%

Un premier nez bien timide où je ne reconnais pas le profil Libé, du tout. Un boisé neuf, un peu de beurre, des fruits secs, une note végétale… On va essayer de lui donner du temps. Heureusement après aération, il devient plus causant, avec pour mener les débats, les agrumes : orange, citron, clémentine. Arrive ensuite un peu de chocolat au lait au gingembre. Notre réglisse fait également son apparition et le rhum semble comme gagner en texture, avec un grain particulier – on verra en bouche. Ce n’est toujours pas une bombe d’exotisme ou de concentration mais il a un petit quelque chose à proposer.
J’ai été un peu surpris par la puissance sur l’attaque (et sur la suite aussi à vrai dire). La texture est agréable mais on retombe sur ce profil assez léger et discret, aux arômes pas très francs. Ces derniers ne sont pas désagréables pour autant : boisé léger, fruits secs, un peu de citron légèrement amer. A noter une très légère note de poudre à canon en rétro-olfaction.
La finale est un peu plus longue que ce à quoi je m’attendais ; dominée par un boisé amer, la réglisse et toujours les agrumes – ici assez discrets.
Pas convaincu par cette version réduite, qui manque d’intensité et de plaisir.
Rhum Rhum Libération 2020 – 58%

L’intensité augmente, sans que l’alcool ne semble gagner en puissance. On retrouve nos acteurs de la version réduite mais qui ont sérieusement gagné en assurance sous une allure générale plus opulente et généreuse. Le zeste d’orange n’est pas là pour faire de la figuration et le bâton de réglisse se remarque. Le deuxième nez monte le volume. Nos premiers rôles sont bien en place et nous voyons apparaître une note chocolatée, une dimension pâtissière caramélisée et une touche discrète de poudre à canon. En d’autres termes : je retrouve le profil Libération, et ça fait du bien !
Dès l’attaque, cet Integrale colonise bien la bouche et fait saliver (entre autres par sa puissance alcoolique mais aussi grâce à sa texture). Un peu plus boisé que ce que le nez laissait envisager, il garde sa dimension tropicale et chaude, avec un beau mélange d’agrumes, de poudre à canon, de notes torréfiées, de sucre brun et une pointe de poivre.
La finale est assez longue et se voit dominée par le bois (on imagine ici le fût à la chauffe très forte), la réglisse, le cacao, le zeste d’orange et toujours une touche de poudre à canon.
Réussi ce 2020 à haut degré dans l’ensemble. J’ai renoué avec l’ADN Libération, ce qui m’a bien fait plaisir. J’ai trouvé l’alcool un peu trop marqué et il n’arrive clairement pas au niveau d’un 2012 mais c’est un bon rhum.
Quelles conclusions tirer de cette dégustation ? Tout simplement, que le réduit est très moyen et que le full est bon mais qu’en tous cas, nous sommes loin de la superbe du 2012. Si c’est pas synthétique ça…