Distilia : The Golden Age of Piracy

Je n’avais encore jamais dégusté des rhums embouteillés par Distilia. La série The Golden Age of Piracy n’est que l’une de leurs gammes. C’est en lisant le Blog à Roger que j’en avais appris un peu, puis c’est ensuite mon pote Pietro qui m’en a parlé. C’est d’ailleurs par son intermédiaire, que Distilia m’a envoyé plusieurs samples, dont les quatre dégustés dans cet article.

Diamond 1996-2023 – Captain Benjamin Hornigold – 50.2%

Distilia The Golden Age of Piracy - Diamond 1996-2023 - Captain Benjamin Hornigold
Distilia The Golden Age of Piracy – Diamond 1996-2023 – Captain Benjamin Hornigold

Allez savoir pourquoi, mes narines s’attendaient à réceptionner un profil plus végétal. Elles se plantaient. C’est un rhum rond et confortable qui se présente au nez, où vanille et fruits à coque occupent le premier rang. Sa nature pâtissière est plaisante même s’il apparait assez simple. Le deuxième nez pousse d’un cran l’alcool mais il reste sans danger (non, il ne faut quand même pas le boire par le nez). C’est la trame pâtissière qui gagne encore en assurance, vraiment gourmande. Malgré l’apparition du zeste d’orange, c’est la noix qui sort gagnante. Il faut signaler de fugaces passages d’olive et de terre, qui ne diminuent pas le plaisir éprouvé sur ce nez, et au contraire, aiguisent notre curiosité. Un peu plus de repos aura tendance à « assombrir » quelque peu le rhum, où une veine torréfiée et une pointe de tabac émergent. Mais la noix est toujours aux avant-postes.
Les 50 % sont remarquablement bien dosés ! Si on y ajoute une texture grasse et les arômes pâtissiers, nous voilà face à un rhum dangereux à l’extrême. Il mériterait peut-être un peu plus de fruits et un peu plus de fraicheur pour être équilibré, mais on s’en moque, tant il est plaisant et facile.
La finale, entre bois fortement toasté, beurre, noix torréfiée et tabac, nous accompagne assez longuement.

Voilà un rhum très agréable. On ne se prend pas la tête à l’analyser des heures, on le savoure. Et on en reprend une lichette.

TDL 1991-2023 – Bartholomew Roberts Black Bart – 62.7%

Distilia The Golden Age of Piracy - TDL 1991-2023 - Bartholomew Roberts Black Bart
Distilia The Golden Age of Piracy – TDL 1991-2023 – Bartholomew Roberts Black Bart

Plus vif, sans pour autant calciner les vibrisses (vous irez chercher ce mot dans le dictionnaire), il se livre torréfié, vanillé et fruité. Ces fameux fruits rouges et noirs qui marquent, sur certaines références de chez TDL, cette provenance. Pas aussi tonitruants que sur d’autres embouteillages, ils permettent néanmoins un apport de fruits bienvenu. Bon, cette fois-ci, une fois le rhum étalé sur les parois du verre, il va falloir être prudent si on souhaite garder nos narines. Heureusement, pas besoin de trop s’en approcher pour sentir arriver un nouvel acteur, qui emporte tout sur son passage : Caroni. À vrai dire, j’ai vraiment l’impression d’être sur un rhum de la distillerie disparue : goudron, fumée et caoutchouc avec en prime beaucoup de vanille. Plutôt bien foutu, on sort des repères TDL classiques, même si l’on sait que des fûts de Caroni ont été utilisés comme « bonificateurs » sur certaines vieilles cuvées. Les minutes passant, Caroni bat en retraite et ce sont les marqueurs vanillés et torréfiés, relativement sages, qui reviennent en force. Fruits et hydrocarbures ont disparu. L’agiter de nouveau fera remonter les notes de la-distillerie-disparue-puis-retrouvée-dans-la-jungle-par-l’Indiana-Jones-italien.
Belle vivacité sur l’attaque, les arômes explosent, mais pas l’alcool, bien joué. Nous avons droit à une belle association des notes caronesques et de la vanille, alors que la fin de bouche voit les fruits refaire un passage éclair.
La finale évolue sur les deux registres : la noirceur Caroni et la gourmandise du fût sous ses accents vanillés. C’est bon et c’est long, c’est long et c’est bon (double contrepèterie incroyable).

Un TDL qui me plait, où l’apport Caroni joue un rôle indéniable.

Grenada 1993-2023 – Ned Edward Low – 64.5%

Distilia The Golden Age of Piracy - Grenada 1993-2023 - Ned Edward Low
Distilia The Golden Age of Piracy – Grenada 1993-2023 – Ned Edward Low

Edward semble être un grand timide, il peine à sortir du verre. On imagine un distillat au haut pourcentage alcoolique où le bois a pris l’ascendant, sans pour autant transformer le rhum en planche. C’est un boisé légèrement vanillé et une pointe de citron qui se distinguent pour l’instant. C’est sur le deuxième nez que la gourmandise boisée sort du verre, avec quelques vapeurs alcooliques, mais qui n’empêchent pas d’y mettre le tarin. Caramel et vanille se tiennent main dans la main et forment le fidèle bras droit du boisé. Le citron s’est mué en orange et une note végétale est apparue. Il fallait juste lui donner un peu de temps ; gardons-le encore un peu plus longtemps dans le verre. Non, les minutes passant vont le faire retomber dans le fond. Il ne faudra pas hésiter à faire tourner le calice (en le gardant sur un plan horizontal hein…) pour le réveiller.
La sucrosité surprend et l’alcool assèche un peu les papilles, sans brûler. Il est cependant plus compliqué de le garder longuement en bouche que les précédents. En revanche, comme sur le TDL, cette étape de la dégustation nous offre la synthèse du premier et du second nez : vanille, bois, vivacité et (relative) fraicheur.
Là encore, la finale se distingue par son arôme beurré marqué. Le bois présent là aussi, se fera de plus en plus sombre, les secondes défilant.

Sans évoluer exactement sur le même canevas, il me fait un peu penser au Diamond, par sa nature facile (malgré le degré), ainsi que sa bouche et sa finale gourmandes. Un petit manque de caractère ? Peut-être.
Décidément, j’ai le palais en téflon moi aujourd’hui.

Caroni 1999-2021 – Edward Teach Blackbeard – 65.7%

Distilia The Golden Age of Piracy - Caroni 1999-2021 - Edward Teach Blackbeard
Distilia The Golden Age of Piracy – Caroni 1999-2021 – Edward Teach Blackbeard

Le contraste avec le précédent est flagrant. Non seulement il se montre très expressif, mais il le fait en suivant la trame bien connue des rhums de la distillerie Caroni. Le goudron et le caoutchouc s’en donnent à cœur joie. Petit déficit fruité pour l’instant avec juste une touche d’agrumes. Ce sont sûrement eux qui donnent à ce rhum un caractère frais, un peu surprenant. Et du caramel, il y en a ? Oui, un peu. Encore plus étonnant, mon nez est toujours intact. Après avoir agité le liquide, le profil devient plus sévère. Les marqueurs Caroni sont bien en place – et ont même gagné du poil de la bête – mais la facette fraiche, herbacée et médicinale n’apporte pas de gourmandise. Ce nez ne me plait pas tellement, nous sommes sur une facette Caroni qui ne peut trahir ses origines, mais qui manque de plaisir. Le repos nous rapproche de la première impression, moins austère, avec ses agrumes et son caramel.
Paf ! Claque de Caroni ! Dès la première goutte sur la langue, la bouche est envahie, colonisée. On retombe sur notre trio goudron/caoutchouc, agrumes et note médicinale. Sur celui-ci aussi, l’alcool assèche la bouche, mais n’agresse pas – j’ai été touché par la grâce du full proof aujourd’hui. La fin de bouche, la gorgée à peine avalée, s’avère fort agréable, avec son nuage de Caroni, de vanille, de citron, de caramel et de camphre.
La finale se calque sur le modèle des gros Caroni un peu sales, marqués d’une vanille grasse. Le menthol/camphre rôde toujours. Elle se fait de plus en plus sombre, où fût carbonisé, mélasse et tabac se laissent aller. Ah oui, et elle est interminable.

Nous voilà pleinement dans la distillerie de Trinidad et Tobago. Cependant, il lui aurait fallu plus de fruits pour me convaincre.

Distilia The Golden Age of Piracy - TDL 1991-2023 Bartholomew Roberts Black Bart, Grenada 1993-2023 Ned Edward Low et Diamond 1996-2023 Captain Benjamin Hornigold
Distilia The Golden Age of Piracy – TDL 1991-2023 Bartholomew Roberts Black Bart, Grenada 1993-2023 Ned Edward Low et Diamond 1996-2023 Captain Benjamin Hornigold

Sincèrement, je n’attendais pas beaucoup de cette dégustation. Je trouve qu’il commence à y avoir trop d’embouteilleurs, qui sélectionnent un peu tous la même chose : plus des noms, des comptes d’âge et des étiquettes que des jus de qualité.
Tel ne fut pas le cas ici. Le Diamond et le TDL sont vraiment bien foutus.

Il me reste trois échantillons commercialisés par Distilia à déguster, j’ai maintenant hâte de les découvrir !

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