Swell de Spirits – Embouteillages fin 2023

Dur de passer à côté de Swell de Spirits. Ce (toujours) jeune embouteilleur s’est fait remarquer de nombreuses fois au travers de sélections pointues, qualitatives ou originales (voire les trois en même temps). Rhum, whisky, cognac, armagnac… tous les spiritueux passent à la casserole, et ils ne se plaignent pas, nous non plus.

Vous pouvez trouver sur ce blog un article consacré aux premières sorties de Swell, il y a environ un an et demi. J’avais découvert le haut niveau de ces embouteillages. C’était donc non sans excitation que j’ouvrais le colis envoyé par Michael (le boss de Swell de Spirits) pour y découvrir neuf échantillons des dernières sorties.

Au programme de cet article, vous aurez quatre whiskies, trois rhums, un cognac et une liqueur. Pour ne rien vous cacher, j’ai mené cette dégustation en deux séances, d’abord les whiskies et la liqueur de plantes, puis, dans un second temps, le cognac et les rhums.

On y va ?

Swell de Spirit – #2 Wild Series Secret Sutherland Distillery 2010 – 57.3%

Swell de Spirit - #2 Wild Series Secret Sutherland Distillery 2010
Swell de Spirit – #2 Wild Series Secret Sutherland Distillery 2010

Le premier nez nous dévoile un whisky équilibré à plus d’un titre. Expressif sans excès, il s’avance sur des notes fraiches d’agrumes (j’ai même eu un passage orange givrée, dessert dont j’étais très friand étant enfant), ainsi que des arômes plus ronds de fruits à coque et de céréales légèrement grillées. Ces deux facettes lui vont bien et en font un whisky au nez « plein ». Il dégage aussi un petit quelque chose de vin blanc et un quartier de pomme. Une fois le liquide étalé dans le verre, le profil global ne change pas vraiment mais chaque arôme – ainsi que l’alcool – voit son curseur monter d’un cran. Ça fonctionne, d’autant qu’avec plus de repos, un peu de cacao vanillé (ça existe ?) en poudre se dépose gentiment sur les agrumes.
Vif et très texturé sur l’attaque, c’est d’abord son côté grillé qui saisit le palais, puis le citron revient nous saluer. Sa puissance nous empêche de le garder en bouche longtemps mais je ne pense pas que ce soit un souci car il se révèle assez simple.
La finale est longue et y demeure ce voile gras en bouche, fort agréable. Un boisé mesuré et beurré nous accompagne un long moment.

Très bien. Un whisky au profil ni exubérant, ni ultra-expressif, ni très complexe mais qui évolue sur sa trame resserrée et qui le fait drôlement bien. Ah, et la texture est remarquable.

Swell de Spirit – #11 Private Garden Unpeated Ledaig 1994 – 55.8%

Swell de Spirit - #11 Private Garden Unpeated Ledaig 1994
Swell de Spirit – #11 Private Garden Unpeated Ledaig 1994

Me voilà face à un profil que je ne connais pas. Si je l’avais dégusté à l’aveugle, je ne suis pas certain que j’aurais pensé whisky. Plus tropical que le précédent, il se présente aussi plus boisé. Son côté fruité est représenté par les raisins et la goyave, tandis que son visage plus chaud est incarné par la vanille, le tabac et le cacao. Le repos, dévoile plus avant sa nature maltée, ainsi que la noix. Le deuxième nez renforce encore l’influence du sherry à grands coups de fruits bien mûrs saupoudrés de cacao et d’épices. Très gourmand. Une légère note de carton se balade, ainsi qu’une impression balsamique.
L’attaque nous offre ce qui avait été promis : une exubérance tropicale et mûre, à moins que ce ne soit une mûre et exubérante tropicalité. C’est chaud, épicé, réconfortant, poudré et presque suave. L’alcool est mieux dosé que sur le premier, ce qui permet à chaque recoin de la bouche de le découvrir et de l’apprécier.
La finale joue longuement sur la même gamme, chaleureuse, épicée et plus boisée.

Grosse, grosse gourmandise, très sherry. J’ai beaucoup aimé.

Swell de Spirit – #17 Wonder Series Kornog 2016 – 52.7%

Swell de Spirit - #17 Wonder Series Kornog 2016
Swell de Spirit – #17 Wonder Series Kornog 2016

Nous sommes bien sur l’expression tourbée de la Celtic Whisky Distillerie, pas de doute. Cependant, la tourbe se voit complétée par des herbes aromatiques, du citron et quelques épices. Je trouve l’ensemble frais et engageant. Décidément, j’en viens à apprécier les Kornog, qui m’amènent doucement mais sûrement vers l’univers des whiskies fumés, cendrés et médicinaux. Enduire les parois du verre va le rendre plus chaud et lui octroie même une pointe exotique. Mais ce sont la tourbe et le citron qui dominent. Nos herbes reculent d’un rang, alors la pomme et les fruits des bois apparaissent.
La bouche est homogène avec le début de la dégustation : tourbe, fruits frais, épices, aimable ce Kornog.
En revanche, dès la fin de bouche, puis sur la finale, la tourbe prend toute la place, tant pis pour les agrumes, qui sont recouverts de goudron et les épices, qui sont noyées dans la cendre.

J’ai beaucoup apprécié le nez, et peut-être même encore plus la bouche, mais la finale est trop portée sur la tourbe monolithique pour moi.

Swell de Spirit – #2 That’s the Spirit Bunnahabhain Staoicha 2013 – 55.4%

Swell de Spirit - #2 That’s the Spirit Bunnahabhain Staoicha 2013
Swell de Spirit – #2 That’s the Spirit Bunnahabhain Staoicha 2013

La tourbe se fait ici plus cendrée, plus conforme à l’idée que je me fais des whiskies tourbés. Et puis, dans un registre pas si lointain, se rapproche un étonnant trio, quelque part entre hydrocarbures, sueur et acidité. Dit comme ça, ça ne fait pas forcément rêver mais ce n’est pas désagréable. Des baies tentent de se frayer un chemin mais sans y parvenir tout à fait. Le deuxième nez augmente l’intensité, autant aromatique qu’alcoolique (presque trop). La cendre devient feu de cheminée et éclosent des arômes médicinaux. Avec encore plus de repos (et après avoir dégusté le Kornog), il semble assagi, et offre même des notes rondes de caramel et d’amande ; qui ne sont cependant pas là pour faire long feu.
L’attaque démarre immédiatement par un feu de cheminée mais, l’alcool permettant de le garder en bouche, se développent ensuite d’autres saveurs plus gourmandes : banane, boisé vanillé et gingembre (tant aromatiquement que par un côté piquant). Ces dernières sont progressivement étouffées par les cendres.
Compliqué pour les notes non dérivées de la tourbe de se faire une place sur cette finale (très longue, bien sûr). Peut-être un peu de vanille ? Peut-être.

Un peu le même constat que sur le breton : nez et bouche (surtout) très appréciables, finale plus compliquée car trop simple et d’un bloc.

Swell de Grandmont Batch 1 – Liqueur – 48.4%

Swell de Grandmont Batch 1 – Liqueur
Swell de Grandmont Batch 1 – Liqueur

Très expressive, cette liqueur vous prend tout de suite par les narines pour vous emmener vers des contrées herbacées et épicées. Curry, verveine, gentiane, ainsi qu’une pointe poivrée et mentholée se partagent le devant de la scène. Très stable, il n’offre pas d’évolution avec du repos, si ce n’est avec l’anis et des écorces d’agrumes qui font leur entrée, mais peut-être étaient-ils déjà là précédemment.
Tout aussi démonstrative en bouche qu’au nez, ses arômes explosent littéralement et prennent possession de chaque recoin, de la bouche au palais, en passant par les gencives. Sa texture sirupeuse accentue encore cette prise de contrôle buccale. Une facette florale entre en scène.
La finale, interminable, récapitule et conclue bien la dégustation.

Une remarquable liqueur de plantes, où arômes, sucre, texture et puissance sont superbement équilibrés.

Swell de Spirits – #4 Field Trip Series Tiffon Petite Champagne Lot 45 – 49.2%

Swell de Spirits - #4 Field Trip Series Tiffon Petite Champagne Lot 45
Swell de Spirits – #4 Field Trip Series Tiffon Petite Champagne Lot 45

Intense, complexe et fin à la fois, voilà qui n’est pas donné à tous les spiritueux. Frais et profond, il a beaucoup à dire après toutes ces années sous bois. Les arômes s’enchainent mais c’est une trame fruitée qui domine. Fruit de la passion, pruneau, raisin, orange… très attirant, d’autant que les fruits s’avèrent être à pleine maturité. Le fût a laissé son empreinte, d’une patine boisée et vanillée et d’une touche de tabac. Ajoutez-y un bouquet de fleurs séchées et d’herbes aromatiques et vous obtenez un beau nez sur lequel on peut passer des heures. Étaler le cognac sur le verre (oui, oui, toujours à l’intérieur, sinon vous allez en foutre partout), monte l’intensité de quelques décibels organoleptiques – nouveau concept. L’ensemble des acteurs demeure mais deux nouveaux entrent sur scène : la pomme et les épices que je n’avais pas encore ressenties.
Quelle entrée en bouche ! Le palais est littéralement colonisé par les arômes tellement ils se révèlent expressifs et concentrés – presque trop, à vrai dire. Le chêne est ici bien plus présent et se voit accompagné de zestes d’orange, ainsi que de notes médicinales et herbacées. L’alcool surprend un peu.
La finale est extrêmement longue et marquée par l’amertume du bois et du zeste d’orange. Les pruneaux et une grosse poignée d’épices complètent cette ultime étape de la dégustation.

Un cognac au nez pas loin de la perfection tant il est complet et aguicheur. La suite devient moins à mon goût, avec un peu trop d’amertume et une bouche trop intense (oui c’est possible). Je réalise que ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une dégustation de cognac suit cette voie : nez magnifique et bouche… trop.

Swell de Spirits – #2 On Tour TDL 2005 pour le Salon du Rhum de Spa – 62.5%

Swell de Spirits - #2 On Tour TDL 2005 pour le Salon du Rhum de Spa
Swell de Spirits – #2 On Tour TDL 2005 pour le Salon du Rhum de Spa

La première impression est un peu austère. Expressif, il se dévoile sous des airs minéraux, caoutchoutés et fumés. J’ai pensé à un rhum distillé à très haut degré vieilli dans un fût à la chauffe très forte, ce qui n’aboutit pas forcément à un mariage réussi. À noter une discrète note de zeste d’orange et l’alcool parait très bien intégré. Il va falloir lui donner du temps. Et cela fonctionne puisque la vanille entre à grand fracas et il n’est pas sans me faire penser à certains Caronis (est-ce que ça se met au pluriel ?) où vanille et colonne vertébrale caronienne s’associent. Le deuxième nez nous fait malheureusement retomber dans les travers que nous lui avions trouvé de prime abord. Un peu moins austère, il manque tout de même de gourmandise, bien qu’il gagne en chaleur et qu’apparaisse même une petite note pâtissière, avec encore plus de repos.
La suavité massive surprend sur l’attaque ! C’est la fumée et la cendre qui s’impriment en premier au palais et l’alcool se révèle bien dosé. Boisée, la bouche se voit également marquée par une certaine fraicheur herbacée.
La finale se situe à mi-chemin entre vanille, bois, cendre et cette touche végétale presque mentholée. Ah, et du sel aussi.

Hmmm, bien que la dégustation se passe de mieux en mieux, je n’ai malgré tout pas été convaincu par ce rhum de Trinidad.

Swell de Spirits – #1 That’s the Spirit Heavy TDL 2008 – 64.9%

Swell de Spirits - #1 That’s the Spirit Heavy TDL 2008
Swell de Spirits – #1 That’s the Spirit Heavy TDL 2008

Bien différent du précédent, il dégage une double impression concentrée lourde et aérienne assez surprenante. Mélange des genres, ce sont des arômes de clafouti au myrtilles (puis avec du repos, c’est sans doute plus des baies de cassis et de la crème), de fumée, de jus d’orange fraichement pressé, d’olive, de vanille, de cuir, de clou de girofle, d’encre et de bois fortement toasté qui s’associent. Oui, ça fait un paquet de trucs que l’on voit rarement ensemble. Intriguant, ça fonctionne mais il se fait un peu dur à appréhender ou à maitriser. Est-ce grave ? Pas forcément. Enduire les parois du verre ne modifie pas le visage sous lequel il se présente. J’ai toujours du mal à le saisir, à me l’approprier.
Belle sensation sur l’entrée en bouche ; les papilles se resserrent légèrement sous l’effet de l’acidité, alors qu’alcool et sucrosité dialoguent bien ensemble. Intense, fruité, épicé et estérisé, ce TDL prend possession du palais et on se laisse faire avec plaisir.
« Bonjour, j’aimerais avoir une idée de ce que signifie une longue finale. » Rien de plus facile, goûtez ce rhum.
C’est sur une trame caramélisée, vanillée, brûlée et épicée qu’elle évolue loonnngueeuummeeeennnntttt (Word ne semble pas être d’accord sur l’orthographe de ce mot).

Mais c’est pas mal ça dites donc. Emballé je fus par ce TDL complexe et gourmand.

Swell de Spirits – #1 Wild Nature Series Secret Fiji 2014 – 66.1%

Swell de Spirits - #1 Wild Nature Series Secret Fiji 2014
Swell de Spirits – #1 Wild Nature Series Secret Fiji 2014

Très très expressif, il sort littéralement du verre. Dans ses gros sabots, on trouve du dissolvant, de la banane, de la pâte à modeler, des crayons fraichement taillés ainsi qu’un mélange pomme et poire. Autrement dit, c’est assez typique des rhums de cette origine, lorsqu’ils sont distillés sur pot still, avec cependant un fruité plus prononcé. Le deuxième nez pousse les arômes (mais pas l’alcool) sans les changer, bien qu’apparaisse un voile beurré.
L’attaque est onctueuse mais – comme sur le précédent – les muqueuses se crispent un peu, bien que ce soit ici plutôt l’alcool le responsable, sans que ce soit vraiment gênant. On retrouve notre banane, notre taille de crayon et notre pâte à modeler, ainsi qu’une goutte de dissolvant. Ce Fiji est très homogène entre nez et bouche, si ce n’est la pomme qui disparait.
Très gourmande que cette finale, elle va naviguer vers des rivages bien plus pâtissiers et un peu inattendus. Une bonne surprise.

Je ne suis pas un grand amateur des rhums de cette origine quand ils sont sur une veine un peu « extrême » mais celui-ci s’en sort plutôt bien. Pour la petite histoire, lors de la dégustation, j’ai réussi à cracher dans mon verre plutôt que dans mon crachoir. C’est la première fois que ça m’arrive…

Eh bien voilà, je sais donc désormais que les sélections de Swell de Spirits sont toujours de très bonne qualité. J’ai peut-être été plus ébloui par les premières sorties que j’avais pu déguster mais je me suis à nouveau régalé cette fois-ci, avec une légère préférence, sur cette fournée, pour les whiskies que les rhums, quoi que…

Premier article Swell de Spirits