Rhum J.M 10 ans, années 1980 et 1970

Après les années 2000 et les années 1990, il est temps de passer à ce qui va sans doute être le point culminant de cette série de dégustations, les plus vieux millésimes de la distillerie J.M, avec les années 1980 et 1970.

Nous verrons ce que les 15 ans nous réservent mais si je m’en réfère aux dégustations passées, les 10 ans sont souvent plus à mon goût.

Comme vous allez le voir, il me manque malheureusement beaucoup de vieusl des bouteilles dégustées. Histoire que cela ne donne pas un air “trop vide” à l’article, j’ai mis des photos de la distillerie 😉

Voyons voir ce que ces rhums d’un autre temps nous réservent !

Rhum J.M 10 ans 1987 – 50 %

Rhum J.M 10 ans Millésime 1987 (photo Excellence Rhum)
Rhum J.M 10 ans Millésime 1987 (photo Excellence Rhum)

Il nous présente des fruits secs très expressifs pour nous souhaiter la bienvenue. Ils sont rapidement rejoints par des notes torréfiées, des épices, du zeste d’orange et une discrète note de bois mouillé/cave. Avec le repos, la noix fait une apparition remarquée. Loin de s’assoupir, il tend à gagner en encore en intensité. Le deuxième nez pousse d’un cran les épices, le café, ainsi qu’un côté un peu piquant, entre boisé, végétal et médicinal. En tant que tel, pas forcément le plus flatteur, il s’intègre bien avec les autres arômes, d’autant qu’une note pâtissière accroit la rondeur. Plus de temps intègrera les arômes les uns aux autres plus étroitement.
L’attaque déçoit un peu, par un relatif manque de concentration. Cette dernière viendra progressivement alors que l’on garde le rhum en bouche. Aromatiquement, nous sommes assez proche du deuxième nez, avec des notes noires, de café, de fût carbonisé et d’épices. La seconde gorgée gagne en rondeur et ce 1987 ce fait plus aimable, tant mieux.
La finale est longue et prend son temps pour dérouler un profil très proche de la bouche.

Si ce n’est l’attaque, trop « stricte », ce millésime se défend très bien.

Rhum J.M 10 ans 1985 – 50 %

Rhum J.M 10 ans Millésime 1985 (photo ROW Spirits)
Rhum J.M 10 ans Millésime 1985 (photo ROW Spirits)

Non sans avoir un lien de parenté aromatique avec le précédent, ce 1985 se fait plus sombre, avec comme principales différences une noix fortement torréfiée et du tabac. Il n’est pas déséquilibré pour autant. Les minutes passent et sont synonyme de caramélisation généralisée. Étaler le liquide dans le verre ne renforce pas vraiment les arômes mais accentue la puissance jusqu’à ce que le nez picote. L’impression est désormais moins gourmande et laisse à penser que la bouche sera caractérisée par une certaine amertume et même discrètement cendrée, nous allons voir. Puis, comme souvent, d’avantage de repos l’assagira considérablement, dans le bon sens du terme.
Puissance (maîtrisée) et intensité aromatique sont en rendez-vous, impriment l’identité de ce rhum sur le palais dès l’attaque. Le boisé est relativement sombre mais on est assez loin de la crainte que l’on pouvait nourrir à la fin nu nez. En effet, les notes de café et de boisé épicé un peu piquant, sont accompagnées des fruits à coque et des agrumes, ce qui équilibre l’ensemble.
On continue dans cette lignée sur la finale, qui, bien qu’un peu amère, ne tombe pas dans un désagréable sérieux.

Très bon aussi ce J.M 1985, en dépit d’un petit creux sur le second nez.

Rhum J.M 10 ans 1984 – 50 %

Rhum J.M 10 ans Millésime 1984 (photo Excellence Rhum)
Rhum J.M 10 ans Millésime 1984 (photo Excellence Rhum)

Plus de fraicheur et aussi davantage de fruits, avec les agrumes – encore eux – mais aussi une facette pomme/poire qui fait un passage éclair. Les acteurs présents sur les deux précédents sont également là mais un peu plus en retrait. La facette fruitée, toujours de la partie, prend partiellement une apparence cuivrée, ce qui lui va moins bien. Là aussi l’alcool devient un tantinet dérangeant sur le deuxième nez. Moins aimable, il devient plus austère, de la même façon que le 1985. Il suit le même chemin que son cadet, puisque plus de repos l’arrondit aussi, ajoutant des notes confites et caramélisées (et le métal a disparu).
L’attaque se révèle enrobée et même très légèrement suave. Très complète, cette bouche cajole vivement et bouscule avec bienveillance. Les arômes sont très proches de ceux du 1985 mais l’ensemble est plus uni.
La finale reste expressive un long moment, sur une trame moins noire que le précédent, plus équilibrée où le zeste d’orange joue un rôle prépondérant.

Décidément, encore un grand rhum agricole, peut-être même un peu au-dessus du 1987 et du 1985.

Rhum J.M 10 ans 1981 – 50 %

Rhum J.M 10 ans - La distillerie J.M dans son écrin de verdure
Rhum J.M 10 ansLa distillerie J.M dans son écrin de verdure

Moins exubérant, il semble plus profond. Il se démarque de part un boisé qui semble à la fois légèrement humide et ciré. Plutôt sombre par ailleurs, il donne l’impression d’en avoir sous le pied. Le temps passé dans le verre place la gourmandise au premier rang, au travers de notes briochées et de fruits à coque. Le boisé particulier de la première impression ne s’en laisse pas compter et fait de la résistance. Décidément, encore un qui, au deuxième nez, prend le même virage, entre cendre, café et épices. Heureusement, ce trio ne prend pas tout à fait le dessus. Ça ne vous surprendra pas, le temps fait son office et arrondit les angles.
En bouche, en revanche, il change complètement, et nous ramène vers ce boisé ciré (il y a même un petit quelque chose de chimique ici). Un peu de vanille, de fruits secs et d’épices sont heureusement là mais l’addition de tout ça ne fonctionne pas vraiment.
La finale, elle, se situe plus sur la facette mouillée du bois, ce qui n’est pas très flatteur non plus.

Il a des qualités mais qui ne font qu’équilibrer ses défauts, pas top.

Rhum J.M 10 ans 1980 – 50 %

Rhum J.M 10 ans - La distillerie J.M , certains fûts en extérieur
Rhum J.M 10 ansLa distillerie J.M , certains fûts en extérieur

Plus vif, à la fois sur les épices et un visage végétal, il dénote un peu et apparait moins gourmand de prime abord. Un peu moins expressif, il laisse tout de même passer quelques arômes plus plaisants, qui, peut-être, vont aller en croissant. Le repos confirme notre premier commentaire : moins bavard il s’exprime cependant de manière assez flatteuse. Ce 1980 – contrairement aux précédents – gagne à recouvrir les parois du verre. Bien plus prolixe, il synthétise alors de jolie façon ce que plusieurs de ses camarades avaient à offrir, avec, dans le désordre, boisé, épices, torréfaction, pâtissier, fruits à coque, fruits secs et fort bousinage. Le temps n’y changera plus rien.
La vivacité est là, la complexité aussi, mais il est presque trop facile en bouche. Compliqué d’y trouver ici un défaut me direz-vous, oui je suis d’accord ; un petit manque d’épaisseur ou de mordant peut-être. Le rhum ne demande qu’à ce qu’on en reprenne une lampée.
La finale débute sur une bouffée pâtissière du meilleur effet. Moins longue que d’autres, elle n’en demeure pas moins plaisante jusqu’à ses ultimes instants.

Un rhum simplement bon et hyper glouglou.

Rhum J.M 10 ans 1978 – 50 %

Rhum J.M 10 ans - La distillerie J.M , là où les cannes fraichement réoltées sont acheminées
Rhum J.M 10 ansLa distillerie J.M , là où les cannes fraichement réoltées sont acheminées

Un belle intensité se dégage du verre sans que l’on ne s’en approche tellement. À la fois boisé, épicé, fruité (fruits jaunes au sirop et une pointe de maracudja) et frais (sur les agrumes et un léger menthol), il offre une belle première impression. Un petit manque de profondeur le dessert mais pas sûr qu’il demeure avec du repos. Et en effet, en peu de temps, un duo caramel et chocolat noir comble cette « lacune ». Le deuxième nez pousse la puissance et les curseurs aromatiques et accentue encore la profondeur. Nous voilà face à des orangettes (j’aime ça les orangettes), de la noix torréfiée, un peu de tabac, toujours ces fruits jaunes aux épices et une franche chaleur un peu poussiéreuse – oui, je l’admets, c’est une manière étrange de le décrire mais c’est ce qui m’est venu et c’est loin d’être péjoratif. Intéressant et attirant. Plus de repos l’assagit, la vanille apparait, les arômes se fondent et les fruits ne comptent pas laisser leur place (le fruit de la passion se renforce).
Tout est parfaitement dosé en bouche : puissance, volume et arômes. L’alcool est particulièrement bien dosé et permet à la fois de le garder en bouche et de profiter d’une belle intensité. Le boisé est plus présent mais il est couvert d’un jus de fruit collant et parsemé d’épices (dont un peu de poivre). Pas complexe outre-mesure, elle n’en est pas moins plaisante et très facile.
La finale n’est pas des plus longues et se trouve dominée par le boisé qui se fait légèrement astringent et fortement bousiné.

Punaise, c’est quand même drôlement bon. Bémol sur l’ultime étape de la dégustation tout de même, ce qui lui fait louper un sans-faute.

Rhum J.M 10 ans 1975 – 50 %

Rhum J.M 10 ans Millésime 1975 (photo La Route des Rhums)
Rhum J.M 10 ans Millésime 1975 (photo La Route des Rhums)

Un peu moins expressif que le précédent, il semble de prime abord un peu moins complexe, tout en se tournant vers des arômes plus sombres : boisé, cacao, épices et discrète réglisse. Plaisant. Les minutes passant, une note chimique émerge doucement, entre colle et peinture, mais reste en retrait et semble ouvrir la voix à la noix. Une fois le rhum étalé dans le verre, il sera nécessaire de s’en approcher plus précautionneusement, car l’alcool monte d’un cran. Il n’est pas le seul puisque les arômes aussi ont pris des stéroïdes. La trame continue assez logiquement mais le boisé change, et prend des accents moins heureux, un peu piquant et un peu fermiers (ce qui n’est normalement pas pour me déplaire), tandis que le côté chimique se fait bubble-gum ou bonbon anglais. Dans l’ensemble, le rhum reste plaisant, mais cet étrange bouquet me déstabilise et me dérange un peu. Il se cale au fond du verre au bout d’un certain temps et nous replonge dans le premier nez.
L’attaque, très plaisante, offre – comme avec le 1978 – un très bel ensemble alcool/texture/intensité aromatique. Je la trouve même supérieure grâce à son homogénéité avec le nez et sa gourmandise torréfiée.
La fin de l’expérience fonctionne, en démarrant par une bouffée chaleureuse, avant que le bois, les épices, la noix et une impression empyreumatique et pâtissière ne concluent.

Oui, le nez a connu un passage étrange mais seulement passager. Le reste est de haut niveau ; peut-être la meilleure bouche du line-up.

Rhum J.M 10 ans 1974 – 50 %

Rhum J.M 10 ans - La distillerie J.M , espace de découverte des arômes des rhums J.M
Rhum J.M 10 ansLa distillerie J.M , espace de découverte des arômes des rhums J.M

Nous sommes peut-être sur le plus complet de notre trio de millésimes des années 70. Les fruits, juteux, sont très présents, sur une trame très proche du 1978 mais ils se voient saupoudrés de cacao et d’épices. Le boisé se dévoile de façon timide et une fraicheur menée par les agrumes se remarque. Le repos amène la vanille dans son sillage ; elle se place aux avant-postes. Ce celui-ci aussi la prudence est de mise en portant le verre au nez une fois les parois du verre recouvertes du liquide. Alors que les arômes montent d’un ton, ils se trouvent comme désunis. On le retrouve tous mais leur unité a disparu. Probable qu’avec plus de temps, tout se remette en ordre, nous verrons. C’est le cas, mais l’attente se traduit également par une baisse des arômes de fruits et un crescendo de son visage sombre et vanillé (ce qui n’est ni une qualité, ni un défaut).
On retrouve son caractère complet, parfaitement servie par la puissance qui porte les arômes. Fruits, cacao, boisé, épices, noix… ils sont tous là et rendent cette bouche extrêmement flatteuse.
La finale, très légèrement asséchante, occupe la bouche de façon texturée, comme par du cacao en poudre. Plutôt longue, c’est un boisé épicé et torréfié qui nous prennent par la main, pour nous guider et prolonger l’expérience, avant de nous laisser planté là, un peu hébété mais comblés.

Je suis amoureux.

Rhum J.M 12 ans 1970’s – 50 %

Rhum J.M 10 ans - La distillerie J.M , Karine Lassalle (maîtresse de chais en 2019 lors de mon passage)
Rhum J.M 10 ansLa distillerie J.M , Karine Lassalle (maîtresse de chais en 2019 lors de mon passage)

Un nez très enjôleur, et complexe, sur certaines notes assez rares. Mais d’abord, les fruits sont là (décidément ces J.M des années 70 nous régalent d’arômes fruités). Le boisé épicé se distingue également, puis des notes de torréfaction et enfin une fragrance florale et une goutte d’amande amère. Le tout sur un bel ensemble et une intensité très correcte. Les minutes qui s’égrènent ne changent pas grand-chose mais octroient à ce rhum comme un air de jeunesse (peut-être un côté grenadine se balade-t-il par-là). Le second nez accentue son identité tout en renforcement son intensité ; il rend curieux de la suite de la dégustation, on se demande où il va nous emmener. Le repos supplémentaire est synonyme d’apparition d’une facette pâtissière entre beurre et noix, c’est bien ça ! Quel nez !
L’alcool, très discret permet de faire rouler le liquide sous le palais aussi longtemps qu’on le souhaite. Cependant, les arômes se révèlent un peu trop légers, comme passés. Sans être extrême, c’est tout de même bien dommage. En revanche, dès les précieux centilitres avalés, une avalanche de gourmandise nous renverse. La concentration est alors au rendez-vous, ainsi que le plaisir.
La finale suit cette ligne, puis décroit progressivement en intensité vers un boisé épicé légèrement balsamique.

J’aurais tellement aimé que la bouche soit au niveau du nez et de la finale… Pas totalement ratée, elle n’est pourtant pas du même acabit que le reste de la dégustation, qui est absolument remarquable.

Le niveau est incroyablement élevé sur ce line-up ! Bien que je ne publie pas de note chiffrée, il m’arrive d’en donner afin de déterminer un classement sur ce genre de dégustation. Pour cet article, la moyenne des 9 rhums est de 8.5/10, ce qui est outrageusement élevé pour mes critères. Un grand moment de dégustation ! Les 50 % leur vont particulièrement bien.

Bravo J.M pour ces bijoux !

Dégustation des Rhums J.M 10 ans, années 2000
Dégustation des Rhums J.M 10 ans, années 1990

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