Voilà, il est de temps de passer à cette dernière catégorie parmi les Rhums J.M millésimés, les 15 ans des années 1980.
Vous l’avez vu, la dégustation de ceux des années 1990 n’a pas été mémorable mais j’ai bon espoir pour celle-ci.
Voyons voir ce que ces cinq rhums ont dans le ventre !
Rhum J.M 15 ans 1989 – 45.8 %

Au nez, je ne suis pas vraiment habitué à ce profil, qui a quelque chose d’aérien et de moins direct et franc que des millésimes plus récents, comme on va le voir. Bois de cèdre, agrumes, épices douces légères et notes végétales, ainsi que minérales, voilà ce qui caractérise ce rhum J.M des années 80. En arrière-plan, il offre quelque chose qui me fait penser à des fleurs séchées, qui seraient saupoudrées de vanille. Du repos lui apporte des notes de caramel et l’orange se fait confite.
En bouche, on a un profil dans la lignée du nez mais en plus intense, surtout sur les fleurs séchées, notes d’ailleurs sans doute trop exacerbées pour être normales. La seconde gorgée me confirme que c’est réellement très étrange et je me demande si mon échantillon n’aurait pas mal vieilli.
La finale est dominée par cette note florale, associée au minéral.
Bon… Le nez laissait vraiment penser que ce rhum pourrait être étonnant, mais il ne l’a pas été dans le bon sens, ce qui me fait penser que ce sample a attendu trop longtemps et/ou n’était pas assez rempli. Je suis déception. On passe.
Rhum J.M 15 ans 1986 – 44.4 %

Très expressif dès les premières minutes, il déroule une jolie partition fraîche (menthol et agrumes) et sombre (torréfaction et boisé) à la fois. Des notes fruitées (fruits jaunes compotés) se font également sentir. Ça commence bien. Le deuxième nez accentue la puissance et la concentration aromatique, il sera alors nécessaire de le décomposer. Une fois incliné, le verre développe des notes pâtissières sur sa partie supérieure, entre autres de noix torréfiée. En bas, le boisé se fait très intense, comme cramé, et est accompagné de café. Les fruits ont disparu, si ce n’est un air de pruneau qui se balade.
Le toucher se remarque grâce à la texture épaisse et l’intensité boisée dès les premières gouttes posées sur la langue. Je ne m’attendais d’ailleurs pas à autant de bois et autant de « noirceur ». Il est malheureusement bien compliqué de passer outre. J’ai déjà dégusté des rhums encore plus boisés et celui-ci ne tombe pas dans les extrêmes du genre, mais cette note fait malheureusement disparaître les autres protagonistes.
La finale est largement dominée par ce boisé, qui vire à l’amertume au fil des secondes. Les épices qui émergent n’arrangent rien.
Il commence clairement mieux qu’il ne finit, dommage.
Rhum J.M 15 ans 1984 – 42.2 %

Moins intense sur le premier nez, il dévoile des notes plus gourmandes de fruits secs et de fruits à coque. Un peu de cacao, de bois (légèrement piquant) et une pointe d’orange lui octroient plus de complexité et l’amènent à l’équilibre. Ça commence bien. Le repos et l’aération font apparaître de nouveaux arômes, ou plutôt font évoluer des arômes préexistants, on obtient alors des notes de thé, de chocolat noir et de poivre qui viennent s’ajouter à la trame plus gourmande et fruitée.
Dès l’attaque, il se distingue immédiatement du précédent, puisque fraîcheur et fruits se manifestent à peine le liquide touche la langue. Certes, ils vont progressivement décroître, mais d’emblée l’impression est plus réussie. L’impact du fût suit avec une grosse torréfaction et simplement un boisé marqué.
La finale, longue, navigue entre ces deux courants : frais et gourmand d’un côté et sombre torréfié de l’autre ; ça fonctionne.
Il s’en tire bien mieux que le 1986 en parvenant à l’équilibre à toutes les étapes de la dégustation.
Rhum J.M 15 ans 1983 – 50 %
Il se place en logique continuité des deux précédents : encore plus de plaisir avec la noix et la noisette torréfiées ainsi que la vanille. Le surcroît de peps lui va bien ; il semble dangereusement facile. Oui, étaler le liquide sur les parois du verre, va l’assombrir mais sans lui faire quitter sa partition gourmande. Une pincée de poivre fait son apparition, comme avec le précédent. Il sent drôlement bon.
En bouche, je me suis fait la réflexion que son degré lui va vraiment bien ; il accompagne des notes gourmandes pour une très plaisante sensation de chaleur. Une texture légèrement poudrée, comme cacaotée ou tannique, marche bien. Les arômes s’assemblent et ne font qu’un, en un bel équilibre entre cacao, vanille, bois, agrumes et même une note végétale.
La finale ne décroche pas de cette ligne complète et pleine d’assurance. Ce sont à nouveau les mêmes acteurs qui se produisent : boisé, fraîcheur d’un rhum agricole bien vieilli, vanille et cacao.
Il ne fait pas que sentir bon, il goûte bon aussi. Très très bien.
Rhum J.M 15 ans 1982 – 50 %

Grosse concentration sur ce nez, qui tente de synthétiser les précédents. Le curseur pâtissier baisse d’un cran (ne disparaît pas), tandis que l’intensité boisée remonte, avec – comme sur le 1986 – des accents de cacao (et de café) mais aussi de bois précieux mâtiné de fraîcheur légèrement camphrée et de zeste d’orange. Le second nez confirme la grosse extraction du bois, les années ont fait leur office et, alors qu’il est loin d’être désagréable, j’en arrive tout de même à me demander s’il ne sera pas un peu trop boisé en bouche. Le repos dans le fond du verre, sans l’agiter, lui fait du bien et le détend.
Là encore, le degré est bien choisi et, à ma surprise, le bois n’arrive pas tout de suite. Certes, il nous amène dans un registre plus sombre que le 1983 mais, contrairement au 1986, il semble atteindre un équilibre. L’impression d’unité aromatique fait penser au précédent, même si les basses sont un peu plus poussées. Pas simple de démêler les notes mais ce n’est pas grave, on se fait plaisir.
La finale évolue encore un peu plus vers le bois, sans tomber de l’autre côté du fil. Longue, elle demeure intense un bon moment. Mes craintes s’avéraient finalement infondées, tant mieux.
Il est également excellent ce millésime 1982, peut-être très légèrement en dessous du précédent, à moins que ce ne soit simplement ma préférence personnelle.
Mes espoirs n’ont pas été déçus. Certes, la foirade du 1989 fut une déception, certes, le profil du 1986 s’est avéré frustrant, mais les trois autres, surtout le 1983 et le 1982, ont largement compensé tout ça ; clairement les deux meilleurs J.M 15 ans que j’ai pu déguster !









