La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – Les célèbres fûts aux couleurs de la distillerie

Ça ne vous aura pas échappé si vous me suivez sur les réseaux sociaux (sinon allez-y, vous loupez des trucs !), j’ai très récemment passé une semaine enchanteresse à la Barbade. C’est en compagnie de la majeure partie des administrateurs du groupe Facebook Plantation Rum Addict et des autres membres du Single Cast, que j’ai été invité par Maison Ferrand (Cognac Ferrand, Rhum Plantation et Gin Citadelle) pour passer une semaine sur cette magnifique île. Le point d’orgue de ces sept jours s’est révélé être la visite de la distillerie West Indies Rum Distillery, qui appartient depuis cinq ans à Maison Ferrand. Ce n’est autre qu’Alexandre Gabriel, le grand patron, qui nous a guidé parmi le dédale de cuves, de tuyaux, de fûts et d’alambics.

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – Alexandre Gabriel nous parle de cet vieil alambic, pour l’instant inutilisable

La visite a été extrêmement complète, avec des rappels historiques, des explications techniques, des dégustations… Laissez-moi rentrer un peu dans le détail, avec moult photos à l’appui.

La production de rhum à la Barbade remonte au 17ème siècle et n’aura de cesse de s’y épanouir jusqu’au en 1856 où l’on en recensera jusqu’à 168 alambics ! (pour en compter moins de vingt à la fin des années 90).

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – Un fût estampillé Stade’s, du nom du créateur de la distillerie

C’est à la fin du 19ème siècle que Georges Stade fonde la West Indies Rum Distillery. Stade jouit d’une énorme connaissance de la canne et de la production de rhum, il a d’ailleurs écrit plusieurs livres et possède plusieurs brevets sur ces sujets. C’est sur la petite colonne dont il est le co-inventeur, que la distillerie commence à couler du rhum en 1893. Ce rhum est destiné à plusieurs entreprises de l’île, la WIRD n’ayant pas de marque propre. Le succès vient rapidement, au point que dans les années qui suivront, la majorité des rhums de l’île en provient. Une des raisons à cela réside dans la pureté du spiritueux produit selon la méthode Stade – comprenez celui le moins chargé en substances nocives de l’île. Le nom “Stade” est mentionné sur les étiquettes de ces bouteilles, tel un gage de qualité.
Les décennies suivantes voient l’acquisition de plusieurs appareils à distiller : un pot still en 1936, une colonne Blair en 1945, le Vulcan en 1946, le Gregg Farm pot still en 1957 et un John Dore en 1975. Si on y ajoute la multicolonne plus récente, cela nous fait un sacré paquet d’alambics en tous genres.

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – Trois des nombreux appareils à distiller de la WIRD

A noter également qu’en 1971, la West Indies rachète Barbados Distillery Limited et produit alors 95% du rhum de la Barbade – les derniers 5% venant de chez Mount Gay.

Aujourd’hui 85% du rhum de l’île est produit à la WIRD. Une bonne partie de de cet impressionnant volume est vendue en vrac alors qu’une quantité – grandissante – est destinée à la toute nouvelle marque pour le marché local : Stade’s et aux rhums Plantation. Cela signifie naturellement que de plus en plus de rhum vieillit en fût ; aujourd’hui 21000 barriques reposent dans les chais pour une capacité de 35000, après la création d’un nouvel entrepôt. Il y a une volonté claire d’augmenter la part de rhums vieux.

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – Un fût Plantation

La visite en elle-même a duré plusieurs heures où – pour notre plus grand plaisir de geeks – rien ne nous a été épargné. De l’extérieur (depuis la plage, voire depuis la mer, deux points de vue dont j’ai eu la chance de profiter), on voit d’un simple coup d’œil que la distillerie a évolué selon les époques et les ajouts d’appareils à distiller. Trois parties sont visibles : la plus récente et également la plus haute avec les grandes colonnes, alors que les alambics sont dans une partie plus basse.

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – Les trois produits nouvellement créés pour le marché local

Accueillis au visitor centre, on nous explique le programme de la découverte de la distillerie, après avoir été servi d’un verre de Cut & Dry, le rhum à la noix de coco nouvellement introduit sur le marché local. Andrew Hassell, le manager de la WIRD, nous fait le récapitulatif historique et répond aux questions. Nous avons également l’occasion de goûter trois mélasses.

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – Trois mélasses de différentes qualités

Le ton est donné dès les murs franchis avec des fûts empilés un peu partout et une mystérieuse cuve ouverte en bois, nichée au plus près de la plage et juste abritée par un toit en taule. On apprendra qu’il s’agit de la cuve où repose le Stade’s blanc trois mois durant avant d’être embouteillé. Nous ne sommes pas les seuls à avoir appris quelque chose sur cette cuve, puisque quelques semaines après son installation, les équipes de la WIRD se sont rendus compte que la laisser à cet endroit-là, exposée aux rayons sur soleil une bonne partie de la journée fait rapidement sécher les douelles ce qui entraîne des fuites du précieux liquide !

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – Là où nous avons déjeuné et, à gauche, la cuve en bois juste abritée sur le dessus

Nous allons ensuite enchaîner alternativement les parties extérieures et l’intérieur des bâtiments.
Sur notre gauche se dessine une petite tonnellerie (la plus ancienne de la Barbade), dont le but est essentiellement de réparer les fûts, afin de pouvoir en profiter plus longtemps. Puis, avant de rentrer là où le distillat voit le jour, nous passons devant une porte blindée ouverte à l’impressionnante épaisseur. Il s’agit du coffre, le “vault” où reposent bon nombre de documents et d’ouvrages historiques ayant trait aux différentes étapes de la production de rhum et à la place de celui-ci dans l’île depuis plus de cent ans. Impressionnant d’y voir des schémas de vieilles colonnes et des livres à la mine vénérable, arborant des dates centenaires.

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – The Vault

Toutes les étapes de la création du rhum y sont ensuite passées. La salle où la mélasse et l’eau sont pompées jusqu’aux cuves de fermentations. Ces dernières, ouvertes à l’air libre ou fermées et à l’atmosphère contrôlée se trouvent en plusieurs endroits sur le site. Les alambics et colonnes ensuite, des appareils aux allures et tailles variées, qui façonnent des jus aux profils bien distincts, comme j’ai pu m’en rendre compte lors de la dégustation qui a suivi un peu plus tard. Mais avant cette ultime étape, nous avons pu découvrir la “cuve mère”, l’équivalent du muck pit jamaïcain, où repose depuis de nombreuses années une mixture permettant de booster certaines des fermentations.

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – Deux cuves de fermentation à des étapes différentes du processus

A chaque étape, nous voyons des employés travailler : mise en fût de jus fraîchement distillé (j’ai même donné un petit coup de main ^^), contrôle qualité de différents produits dans un laboratoire, surveillance des alambics, déplacement de fûts… La distillerie est telle un organisme vivant, non seulement grâce à cette activité mais aussi, voire surtout, du fait des tuyaux qui grincent à la manière de vieilles articulations, des fuites de liquides de-ci de-là, des expulsions de jets de vapeur, du gros bouillon lié au brassage du vin de mélasse… Renforçant encore cette impression, les odeurs incroyables qui nous ont accompagné tout au long de notre exploration : sucrée et réglissée de mélasse, prenante et acide du liquide en fermentation, chaude et gourmande dans les chais… Un vrai bonheur pour mes petites narines !

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – Plein de tuyaux mais toujours une belle vue

C’est justement dans les chais que s’est achevée notre visite. Parmi les empilements de fûts, avaient été préparés cinq d’entre eux, aux profils très différents. Comme un boulet, je n’ai pas pris de notes mais il y avait un 100% colonne, un double passe en pot still ou encore un high esters ; des âges et degrés variés, même si tous très élevés puisque prélevés à même le tonneau. Ils se sont tous révélés expressifs et intéressants, donnant drôlement envie de voir ce qui va arriver dans les années à venir. Nous avons même eu la chance de déguster un cognac Ferrand, qui, après une dizaine d’années en Charente, a passé deux ans sous les tropiques, une belle découverte.

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – La dégustation dans les chais (et un gnome farceur dans le fond)

La journée s’est conclue par un sympathique barbecue, suivi d’un bain de mer, juste en face de la distillerie. Merci beaucoup à toute l’équipe qui nous a accueilli sur place : Alexandre, Mélissa, Matthieu et Alex !

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – Un autre “vat” de fermentation estampillé Plantation

Un mot maintenant sur une question qui a été légitimement posée par quelques personnes sur les réseaux sociaux : notre opinion sur Ferrand et Plantation va-t-elle être influencée par cette invitation à la Barbade ? Nos articles/émissions sur leurs produits vont-ils être plus positifs ? Evidemment, il n’y a pas de réponse simple. Ce qui est sûr, c’est que je comprends mieux la philosophie de la maison et l’élaboration de leurs produits en provenance de la Barbade. Oui, j’ai passé une superbe semaine aux frais de nos hôtes, ce pour quoi je leur suis redevable mais cela ne se traduira pas par des notes de dégustation plus clémentes ; si, par exemple, je déguste les prochains single casks à venir, je continuerai à dire ce qui me plait et ce que j’apprécie moins. De ce point de vue-là, la réponse est donc simple. Maintenant, oui, je suis mieux disposé à leur égard de manière générale et suis plus impatient de découvrir leurs nouveautés. Il ne faut pas non plus tout à fait écarter la possibilité d’être influencé de manière inconsciente mais là, il y a peu de choses à faire si ce n’est être attentif et essayer de prendre du recul.

La Barbade : la WIRD, West Indies Rum Distillery – Le coucher de soleil d’adieu

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