Rituel annuel : Plantation sort ses single casks. Vous connaissez le concept, avec des rhums de provenances et d’âges variés, aux réductions diverses et qui ont tous connu un élevage en trois étapes. Un vieillissement tropical dans le pays d’origine, une seconde phase en Charente en ex-fût de cognac et une finition, toujours en climat continental, dans un fût ayant contenu un autre spiritueux, ou un vin, ou de la bière… Ces rhums sont ensuite dégustés par des cavistes, qui font le déplacement chez Ferrand, pour en sélectionner un ou plusieurs, qui seront vendus dans leur boutique. Ces fûts uniques sélectionnés sont soit intégralement réservés par un seul caviste, soit partagés entre plusieurs. De plus, il y a plusieurs fûts de chaque référence, donc deux caves qui proposeront la même référence à leur catalogue auront souvent du jus de deux fûts différents. De la même manière, les échantillons que j’ai eu la chance de déguster ne seront pas exactement représentatifs de tous ces single casks.
Pour l’ordre de dégustation, j’ai essayé de m’appuyer sur une logique basée sur la provenance, le degré et le dosage.
Plantation Single Cask – Guatemala VSOR (2018) – 43%

Distillerie : Destiladora de Alcoholes y Rones
Distillation : Colonne multiple
Vieillissement : tropical 2 ans ex-fût de bourbon / continental 1 an ex-fût de Cognac Ferrand / 4 mois de finition en ex-fût de pineau des Charentes rouge
Dosage : 15 g/L
Nez : moins simple que ce à quoi je m’attendais. Il est dominé par le bois sous ses airs vanillés, épicés et noix de cocotés. D’autres fruits sont également présents : abricot et framboise.
Bouche : l’alcool m’a un peu surpris sur l’attaque. On retrouve nos fruits, assez délicats et un peu de bois.
Finale : moyennement longue et non dénuée d’une légère amertume, ce sont les fruits vanillés et le bois qui concluent la dégustation.
Une bonne surprise dans l’ensemble – je n’en attendais pas tellement, dois-je avouer – si ce n’est cet alcool légèrement trop présent en bouche.
Plantation Single Cask – Barbados VSOR (2016) – 45%

Distillerie : West Indies Rum Distillery
Distillation : Pot et Colonne
Vieillissement : tropical 4 ans ex-fût de bourbon / continental 1 an ex-fût de Cognac Ferrand / 4 mois de finition en ex-fût de Porto
Dosage : 10 g/L
Nez : un trio coco, vanille et épices assez classique pour cette origine. Une touche de fruits rouges vient cependant affirmer son identité.
Bouche : on aurait pu s’attendre à un certain côté écœurant mais tel n’est pas le cas, peut-être du fait de ces fruits rouges. Le bois est discret et ce sont justement les fruits qui dominent.
Finale : un peu plus long que le Guatemala, ce WIRD reste plutôt adroitement sur un fil équilibré et même presque frais, où le boisé reprend tout de même progressivement le premier rôle, sa noix de coco sous le bras.
Seconde bonne surprise. Bien qu’il ne soit pas révolutionnaire, il fait montre d’un équilibre qui se remarque.
Plantation Single Cask – Barbados 2015 – 47%

Distillerie : West Indies Rum Distillery
Distillation : Pot et colonne
Vieillissement : tropical 5 ans ex-fût de bourbon / continental 1 an ex-fût de Cognac Ferrand / 4 mois de finition en ex-fût de pommeau (Christian Drouin)
Dosage : 15 g/L
Nez : pas de coco qui saute aux narines pour ce Barbade. En revanche, la finition a définitivement amené sa pomme caramélisée et vanillée. Une touche exotique traine dans les parages.
Bouche : la pomme est vraiment bien en place, ce qui surprend un peu pour une finition relativement courte, elle est mise en valeur par une pointe d’agrume. Le caramel n’a pas dit son dernier mot. Le sucre se sent un peu trop à mon goût.
Finale : assez courte, on revient sur un profil plus classique, la pomme ayant disparu. Vanille, léger boisé et timide coco remplissent leur rôle.
C’est, pour l’instant, définitivement le finish qui marque le plus le rhum de son empreinte ; j’ai bien aimé cette pomme. Cependant, un peu court et trop sucré, il n’aura pas mon vote.
Plantation Single Cask – Panama 2008 – 45%

Distillerie : Alcoholes del Istmo
Distillation : Colonne
Vieillissement : tropical 12 ans ex-fût de bourbon / continental 1 an ex-fût de Cognac Ferrand / 7 mois de finition en ex-fût de pineau des Charentes blanc
Dosage : 5 g/L
Nez : la légèreté surprend, ainsi que la quasi-absence de bois. Je ne sais pas si cela vient du pineau mais ce sont à nouveau les fruits qui l’emportent, fruits jaunes et fruits secs. Un peu de tabac vanillé permet l’équilibre. Pas mal mais il pourrait malgré tout être un peu plus intense.
Bouche : les fruits secs sont toujours là mais les fruits frais ont été remplacés par les épices. Ce Panama s’offre ici sous un jour un peu plus sombre.
Finale : très vanillée, elle se fait légèrement fumée après un moment, ce qui accroit sa longueur.
On sort – en partie – des repères que l’on peut avoir sur les rhums de cette origine, et tant mieux.
Plantation Single Cask – Panama 2012 – 50%

Distillerie : Alcoholes del Istmo
Distillation : Colonne multiple
Vieillissement : tropical 8 ans ex-fût de bourbon / continental 1 an ex-fût de Cognac Ferrand / 10 mois de finition en ex-fût de Pauillac
Dosage : 12 g/L
Nez : le fût devait être vraiment très frais, tant le vin a marqué la couleur et le nez de ce rhum. Le résultat est intense ; le bois prend des accents torréfiés et de tabac, tandis que des arômes floraux prononcés cohabitent avec des cerises à l’eau-de-vie. Original.
Bouche : l’attaque est suave, et on se rend compte que le vin a également marqué les saveurs en bouche, ainsi que la texture. La cerise fait de la résistance, bien que son identité devienne plus sombre.
Finale : assez longue, on garde cette impression d’avoir les tannins sur la langue, ce qui est fort agréable. Le tabac revient pour achever l’expérience.
J’ai eu peur que le vin ne prenne vraiment le pas sur le rhum mais tel n’est pas le cas, les deux se « battent » à armes égales, et ça fonctionne.
Plantation Single Cask – Barbados 2011 – 50%

Distillerie : West Indies Rum Distillery
Distillation : Pot et colonne
Vieillissement : tropical 4 ans ex-fût de bourbon / continental 6 ans ex-fût de Cognac Ferrand / 9 mois de finition en ex-fût de Maury (vin muté)
Dosage : 4 g/L
Nez : nous sommes sur un rhum au profil chaud, concentré et riche : noix, chocolat, fruits secs, vanille, coco, balsamique. Il nous promet beaucoup de gourmandise, mais attention à l’équilibre. Par ailleurs, j’ai peut-être décelé une trace fugace de soufre.
Bouche : l’intensité est confirmée, ainsi que son côté torréfié sur le cacao et la noix. Il évite l’écœurement, entre autres du fait de sa relative sécheresse.
Finale : le tabac fait une apparition tonitruante, après que les fruits à coque se soient illustrés sur la fin de bouche.
J’ai bien aimé ce Barbade 2011 et sa concentration, ainsi que sa dominante torréfiée.
Plantation Single Cask – Trinidad 2011 – 43%

Distillerie : Trinidad Distillers Limited
Distillation : Colonne multiple
Vieillissement : tropical 9 ans ex-fût de bourbon / continental 1 an ex-fût de Cognac Ferrand / 3 mois de finition en ex-fût de Sauternes
Dosage : 5 g/L
Nez : 3 mois ont suffi pour que l’apport du Sauternes soit notable. Expressif, ce sont des arômes d’amande amère, de bonbon à la banane, d’orange, de vanille et de coing qui s’imposent. Il faut un moment pour que ces notes s’associent les unes aux autres.
Bouche : il ne se passe pas grand-chose sur l’attaque mais en gardant le liquide en bouche, on change de registre avec l’apparition et la prédominance de la pêche (un peu à la manière de certains New Grove). C’est l’amande qui sert de fil conducteur entre le nez est la bouche. Et les épices ? Oui, les épices !
Finale : longue, elle continue logiquement sur la pêche un bon moment, avant de lentement gagner en notes médicinales et empyreumatiques.
Vraiment intéressant ce TDL et, lui aussi, bouscule un peu nos références.
Plantation Single Cask – Australia 2009 – 45%

Distillerie : Beenleigh
Distillation : Pot still
Vieillissement : tropical 11 ans ex-fût de bourbon / continental 1 an ex-fût de Cognac Ferrand / 4 mois de finition en ex-fût de sherry Palo Cortado
Dosage : 0 g/L
Nez : encore un single cask où les fruits sont au premier plan. Agrumes, amande, poire, cerise et raisin secs cohabitent et sont tout juste saupoudrés d’épices.
Bouche : on part sur une autre trame, plus boisée mais aussi plus minérale. On garde certains de nos marqueurs malgré tout, avec la cerise et les agrumes. Ce rhum gagne rapidement en torréfié et plus précisément en chocolat bien noir.
Finale : on continue sur le cacao et même sur une légère amertume. On reste dans cette veine plus boisée et cette note minérale demeure.
Une expérience en deux temps, avec un nez résolument fruité, puis une évolution vers un univers plus boisé par la suite. Il fonctionne bien. Cela fait longtemps que je vous avais dit avoir du mal à cerner les rhums provenant de cette distillerie ? ^^
Plantation Single Cask – Trinidad 2008 – 48%

Distillerie : Trinidad Distillers Limited
Distillation : Colonne multiple
Vieillissement : tropical 11 ans ex-fût de bourbon / continental 2 ans ex-fût de Cognac Ferrand / 9 mois de finition en ex-fût de sauvignon blanc
Dosage : 0 g/L
Nez : finesse, voire timidité dans une premier temps, il va falloir l’attendre un peu. Après quelques minutes, il s’offre à nous, à la fois par des notes légères et florales, mais aussi par des arômes plus lourds de vanille, de fruits à coque, ainsi que de pruneaux à l’eau-de-vie. On termine par un peu de miel et de bois ciré. Il demeure peu intense malgré tout.
Bouche : cette intensité augmente en bouche et met clairement les fruits en avant. Un léger boisé vanillé les nappe subtilement.
Finale : moyenne et plutôt délicate que cette fin de dégustation.
Bien que le nez se développe joliment, ce TDL n’aura pas su « m’accrocher ».
Plantation Single Cask – Trinidad 2009 – 52%

Distillerie : Trinidad Distillers Limited
Distillation : Colonne
Vieillissement : tropical 10 ans ex-fût de bourbon / continental 2 ans ex-fût de Cognac Ferrand / 12 mois de finition en ex-fût de tokaï
Dosage : 5 g/L
Nez : immédiatement plus riche et expressif que son aîné, il se fait tropical et profond. Les agrumes sont bien en place, les épices également, vanille en tête, tandis qu’une note fumée se taille un joli rôle et qu’une surprenante olive fait un passage furtif. L’arôme fumé étant bien calé, j’en viens même à penser qu’il y a du Caroni là-dedans.
Bouche : l’alcool est très bien dosé et on tombe sur un profil plus TDL habituel, bien fruité (cassis mais sans excès), fruits secs et fruits à coque. Sa nature plus empyreumatique se place ici au second plan sans se faire oublier pour autant.
Finale : longue, avec avant tout cette facette caronesque qui la porte un bon moment.
Vraiment pas mal ! Je ne saurais dire ce que la finition apporte mais le jus en lui-même est drôlement bien foutu.
Plantation Single Cask – Jamaica 2007 – 51%

Distillerie : Clarendon
Distillation : Pot still
Vieillissement : tropical 11 ans ex-fût de bourbon / continental 3 ans ex-fût de Cognac Ferrand / 5 mois de finition en ex-fût de bourbon (Ironroot Republic)
Dosage : 0 g/L
Nez : clairement pas sur une bombe d’esters, le fût a bien marqué le distillat mais avec retenue. Ce boisé est chaud, épicé et caramélisé. Ce n’est que de manière sous-jacente que des fruits tropicaux se font sentir : ananas et banane. Une impression franchement crémeuse flotte dans le verre.
Bouche : le rhum, ici, parvient à l’équilibre. Les fruits reprennent du poil de la bête mais le fût ne lâche rien. On se demande où sont les 51%.
Finale : relativement longue, on garde le crémeux, le boisé caramélisé et une pointe d’esters fruités.
Un jamaïcain qui fonctionne bien dans son style, pas un coup de coeur non plus.
Plantation Single Cask – Fiji Islands 2001 – 46%

Distillerie : Rum Co. Of Fiji
Distillation : Pot still
Vieillissement : tropical 19 ans ex-fût de bourbon / continental 1 an ex-fût de Cognac Ferrand / 4 mois de finition en ex-fût de whisky (Rozelieures)
Dosage : 0 g/L
Nez : ce vieux pépé en a sous le capot, il est vraiment intense ! Amande, banane et un petit côté chimique. Il a carrément tendance à saturer les narines, plutôt impressionnant. Il faut y ajouter une touche fumée, une légère brise marine et une larme de saumure d’olive pour obtenir une association qui détonne. Pas forcément mon style mais très exubérant.
Bouche : toujours aussi explosif d’arômes, la fumée prend beaucoup plus de place et fait du coude à coude avec la vanille. Ces deux mastodontes laissent une ouverture pour qu’une fraicheur médicinale s’exprime. Il y a aussi des fruits mais je ne parviens pas à les identifier.
Finale : longue, fumée, légèrement salée, mentholée, vanillée…
Pas de doute, on est à fond sur du pot still. On en prend plein le nez et le palais.
Plantation Single Cask – Guyana 2007 – 51%

Distillerie : Demerara Distillers Limited
Distillation : Pot Still
Vieillissement : tropical 5 ans ex-fût de bourbon / continental 13 ans ex-fût de Cognac Ferrand / 7 mois de finition en ex-fût de whisky irlandais Teeling
Dosage : 0 g/L
Nez : c’est avant tout ce style « alcools supérieurs » typiques de la distillerie du Guyana qui saute aux narines. Arômes chauds de chocolat et d’épices. La mélasse, caramélisée, est bien en place et nous offre même des notes légèrement fumées. Les fruits forment un groupe compact, difficile à décortiquer, mais ils apportent définitivement un côté juteux. Après quelques minutes, on est totalement dans la gourmandise, encore amplifiée par les fruits à coque.
Bouche : belle intensité sur la bouche, sans que l’alcool ne brûle ; il va, à l’inverse, encore développer la chaleur découverte au nez. Une surprenante douceur se remarque également et la texture onctueuse accroit cette sensation.
Finale : très longue, on retrouve notre cacao, tout en gardant nos fruits jaunes.
Pour être honnête, j’ai eu un peu peur en découvrant la carte d’identité de ce rhum : un 100% pot still à vieillissement majoritairement continental, cela ne me disait rien qui vaille. Finalement un très beau Demerara, où la gourmandise, à côté de laquelle je pensais passer, répond présente !
Plantation Single Cask – Jamaica VRW 2009 – 53%

Distillerie : Long Pond
Distillation : Pot still
Vieillissement : tropical 8 ans ex-fût de bourbon / continental 4 ans ex-fût de Cognac Ferrand / 7 mois de finition en ex-fût de vin d’orange espagnol (vin blanc dans lequel a macéré des zestes d’orange).
Dosage : 0 g/L
Nez : si vous vouliez des fruits, vous êtes au bon endroit. Les fruits exotiques, clients habituels des rhums jamaïcains sont en place mais se font allègrement bousculer par l’orange. La noisette torréfiée fait de brefs passages. Une touche végétale, voire médicinale, met son grain de sel, tandis que des notes plus sombres font leur apparition : tabac et cuir. Si on ajoute à tout cela un boisé bien fondu et un peu épicé, on se trouve face à beaucoup de complexité.
Bouche : il se présente sous un étonnant double visage, à la fois sec et doux (oui je sais c’est contradictoire mais c’est comme ça). On retrouve nos fruits tropicaux, qui sont épicés et à pleine maturité. L’orange a laissé sa place à la pomme.
Finale : longue, elle se fait de plus en plus chocolatée, tout en gardant cette idée des rhums jamaïcains, intenses et gourmands à la fois.
Un Long Pong de 12 ans qui met sur le tapis ce que l’on peut attendre : fruits, funk et gourmandise mais qui est plus complexe que prévu (surtout au nez). Cette finition n’y est sans doute pas pour rien.
Sur l’ensemble de l’expérience, j’ai été très intéressé par cette sélection 2022. Cette dernière me semble qualitativement (en tout cas à mon goût) plus compacte que celles deux années précédentes. Les âges sont aussi plus resserrés. Quant aux finitions, leurs empreintes se révèlent très variables selon les bouteilles. Comme d’habitude, on peut s’attendre à des prix très raisonnables, ce qui ne gâte rien.