Je reprends mon clavier pour terminer ce compte rendu aussi exhaustif que possible sur ce qu’a été mon expérience sur le Rhum Fest 2023. C’est aux embouteilleurs indépendants d’y passer, avec leurs blends étonnants, leurs rhums à très haut degré et leurs origines classiques (ou un peu moins). Mais on va commencer par un sacré scoop !
Twelve
La distillerie de whisky d’Aveyron et assembleur-éleveur de rhums a racheté les rhums Toucan ! BIM ! Ça me fait plaisir à plus d’un titre : cela m’attristait de voir cette marque de rhums disparaitre et connaissant Florent Caston – le responsable de la production de Twelve – il va donner une vraie chance au vieillissement pour ce rhum agricole distillé en Guyane Française.
Twelve Réunion Jamaïque Finish Whisky – 63,5%
Une seule nouveauté en dégustation cette année (mais si vous souhaitez vous familiariser avec les rhums Tw, filez lire ces trois articles : Les Rhums Twelve 1, Les Rhums Twelve 2 et Les Rhums Twelve 3).
Il a passé deux années supplémentaires en fût de Basalte batch 1 (le premier whisky sorti de la distillerie).
Nez : intéressant, on a le whisky qui apporte un côté plus droit et plus sec
Bouche : on perd le côté banane du blend et on gagne clairement en whisky. Un mix pas mal
Finale : whisky, c’est là que le rhum tend presque à disparaitre totalement
Swell de Spirits
Swell de Spirits Bielle 2015 – 56,2%
Nez : on est bien à la distillerie de Marie Galante, entre réglisse, notes végétales, canne et arômes pâtissiers
Bouche : étonnante sucrosité et belle intensité
Finale : longueur moyenne
Une première sélection agricole réussie pour l’embouteiller éleveur. Espérons qu’il y en aura d’autres.
Swell de Spirits Bielle 2021 (blanc) – 64%
Nez : canne grasse et gourmande, légère verdeur
Bouche : bien gras en bouche et plus rond que la gamme normale de chez Bielle, regoûtée récemment au Salon de l’Agriculture
Swell de Spirits Wird 1996 – 61,9%
Distillé en pot still chez West Indies Rum Distillery, il a passé sept ans sous les tropiques avant d’être emmené en Écosse pour le reste de son vieillissement.
Nez : un pot sans excès (heureusement). Il laisse de la place à un boisé gourmand. Crémeux et esterisé
Bouche : texture et belle explosion, plus de la sucrosité ! Et encore une fois le distillat laisse la place au fût sans se faire manger
Finale : longue, sur ce duo qui fonctionne bien
Swell de Spirits x Los Convidados Mexican Rum – 65%
Rhum mexicain à base de mélasse locale issu d’une longue fermentation et d’une double distillation
Nez : très expressif, caoutchouc, ananas travaillé, arôme brûlé, facette lactée. Très changeant.
Bouche : la bouche est sur la même intensité et la même exubérance
Finale : long
Swell de Spirits x Los Convidados Mexican Rum – 73%
La version non réduite du précédent (repos en dame Jeanne)
La même en plus intense mais aussi en plus frais. Intéressant mais que j’imagine compliqué à boire, dans le sens où il faut trouver le bon moment. Très long sur l’empyreumatique.
À noter les bouteilles en céramique du plus bel effet. De plus, Swell compte bien prolonger cette collaboration naissante, entre autres par la réalisation de rhums pur jus de canne (toujours mexicains) !
Swell de Spirits Arcade (V and B exclusive) – 75%
Blend blanc de 5 distilleries jamaïcaines.
Très jamaïcain mais une belle association des distilleries. Alcool très bien dosé pour ce degré alcoolique. Exubérant avec une finale entre métal et fraise, ce qui, pour moi, est son unique point faible.
Swell de Spirits Anniversary Cuvée Hampden 2013 – 66,3%
Après sept ans de vieillissement tropical, il a poursuivi son élevage en Écosse où il a bénéficié d’une finition dans un fût de New Yarmouth.
Nez : amende amère, esters, ananas extrêmement mûr, léger beurré, fraise, banane, crémeux
Bouche : plus ronde que prévue et saisissante à la fois
Finale : boisée, longue, empyreumatique, vanille
Encore un rhum de Swell qui risque de faire parler de lui.
Dead Reckoning
Dead Reckoning South Pacific 10 ans – 47%
Assemblage pot et colonne vieilli en ex-fût de vin (muscat)
Nez : coco, amande, raisins secs
Bouche : brûlé, amande
Finale : Long gourmand, simple
Dead Reckoning Mutiny – South Pacific 20 ans – 68%
100% potstill brut de fût
Plus chaud, plus rond, gourmand, boisé, grillé.
Pas mal du tout ce rhum dont je ne connaissais pas l’existence.
Grander
Je ne connaissais que la gamme de base de ces rhums (par exemple dégustée ici à Spa), aussi étais-je surpris de me trouver face à ces trois références (que j’ai pu déguster au Bar des Nouveautés, tout comme les Dead Reckoning. Coucou à l’équipe d’Excellence Rhum).
Grander Speyside finish – 64.3%
Douze années en ex-fût de bourbon puis deux ans dans un ex-fût de scotch whisky du Speyside ; le tout au Panama.
Caramel, fruits à coque torréfiés, sucré, facile pour le degré.
Grander Le Calimadeira – 55,5%
Un vieillissement tropical de 11 ans, dont 10 ans en ex-fût de bourbon et un an en ex-fût de vin rouge californien.
On est dans la même veine avec un peu d’épices et de texture en plus. La finale est plus longue.
Grander Peated finish – 62,6%
Pour celui-ci, c’est 10 ans passés en ex-fût de bourbon, puis 2 années en ex-fût de whisky écossais tourbé.
Il se caractérise par une tourbe terreuse bien trop marquée.
Famille Ricci
Beaucoup de nouveautés chez l’embouteilleur de Mougins cette année (comme toutes les années depuis leur création me direz-vous), avec notamment une nouvelle gamme de vieux (appelée Zodiac) et une collection naissante d’assemblages blancs (nommée Divergence).
Moi qui ne pense rien de bon de l’astrologie (sauf dans les Chevaliers du Zodiac), j’avoue partir avec un gros a priori négatif sur cette série de vieux. En revanche, aucun doute qu’elle va trouver son public.
Famille Ricci Zodiac 2023 Poisson – 57.1%
C’est un Foursquare Single Cask de 16 ans.
On est sur ce qu’on aime chez FS : coco, vanille, torréfaction et touche d’agrumes. À noter une belle concentration.
Famille Ricci Zodiac 2023 Verseau – 59%
Assemblage d’un Bélize 15 ans et d’un Clarendon 16 ans.
Un peu plus jamaïcain au nez, puis en bouche gourmandise voire suavité. La longueur est certaine, quelque part entre Jamaïque et Bélize, sur de l’empyreumatique tabac.
Famille Ricci Zodiac 2023 Bélier – 59.3%
Assemblage d’un Panama 16 ans et d’un Hampden DOK de 14 ans.
Le jamaïcain saute directement aux narines, ensuite vient une couche gourmande en arrière-plan. Pareil sur la bouche sur laquelle le Panama apparaît plus tard, associé à l’olive. L’alcool est trop marqué.
Pour moi, le moins réussi des trois.
Passons maintenant aux premiers rhums blancs embouteillés par Famille Ricci. Trois origines pour trois rhums qui associent ces provenances (je n’ai pas les proportions en tête mais nous ne sommes pas sur du 50/50), le tout à 55%. Chaque rhum a passé 1 an en cuve par origine, avant de reposer et d’être réduit 8 mois durant en amphore, après assemblage.
Famille Ricci Divergence 3 Port Mourant x Grogue – 55%
Nez : à peine le liquide versé dans le verre, c’est le rhum du Guyana qui l’emporte mais au bout de quelques secondes la dominante passe au grogue
Bouche : l’association se fait mieux en bouche où les deux jus se relayent et se complètent
Finale : pareil sur la finale avec le grogue devant le côté métallique du Port Mourant
Famille Ricci Divergence 1 Hampden x Grogue – 55%
Nez : Hampden clairement en première ligne, comme légèrement atténué par quelque chose qu’il est compliqué d’identifier
Bouche : le grogue apparaît presque par surprise et vient bien titiller le H (mark de ce Hampden)
Finale : le duo évolue à parts égales
Famille Ricci Divergence 2 Port Mourant x Hampden – 55%
Malgré une attaque sucrée, il manque de gourmandise, fort, vraiment alambic, très métal sur la finale. Absolument pas mon truc.
Les deux blends comprenant du grogue m’ont bien plus plu que ce dernier.
Famille Ricci 7ème Symphonie brut de fût – 69%
La version réduite à 49% existait déjà (je vous en parlais dans cet article), voici le brut de fût.
Nez : grosse dominante Barbade entre caramel au beurre et coco
Bouche : pas sûr que les degrés apportent tellement de qualités en plus. Très fort. En le gardant un peu longtemps (ça chauffe), le Bielle apparaît au travers d’une fraicheur végétale
Finale : moyennement longue, elle se fait moelleuse
J’ai sans doute préféré la version réduite.
Rom de Luxe
Excursion rapide chez l’embouteilleur danois Rom de Luxe (oui, ce nom est pourri).
Rom de Luxe Imperial Navy – 57.18%
Ce 10 ans m’a semblé trop fort tout en répondant au cahier des charges de la catégorie (blend de 5 origines “anglaises”) – correct sans plus.
Rom de Luxe Barbados – 60,7%
Foursquare de 15 ans. L’alcool passe mieux que sur le précédent (mais se fait quand même sentir). C’est un Foursquare avec un côté salin mais rien de bien folichon.
Les trois suivants proviennent tous de la distillerie Diamond au Guyana, dans laquelle ils ont passé six ans, avant de voyager en Europe pour finir leur vieillissement.
Rom de Luxe Versailles 18 ans – 56,9%
Pas du Versailles que j’aime (mais je les aime rarement), savon inclus.
Rom de Luxe Uitvlugt 18 ans – 60,9%
Plus réussi, plus plaisant, plus chocolat, plus gourmand, torréfié. Sympathique.
Rom de Luxe Enmore 20 ans – 59,6%
Banane et noisette sont les deux arômes qui m’ont sauté aux narines, pas mal mais très puissant.
Retour sur le stand Ferroni pour un petit rattrapage.
Ferroni Ambre Noir – 47%
Passerelle entre l’Ambre normal et les bruts de fût.
Un peu plus âgé et avec plus de Beaumes-de-Venise sur l’élevage. Aussi facile que son petit frère mais avec un peu plus de caractère et de profondeur.
Territory Jamaïque et Territory Antilles – 40%
Toujours aussi bon et surprenant. Ces deux créations (très) originales capturent des provenances en un dry spiced rum qui se consommera prioritairement en rhum tonic. À déguster pur, puis avec du tonic pour les voir évoluer et se transformer. J’ai hâte de voir les prochains arriver (Cap Vert et Thaïlande) !
Arhumatic Jamrock – 35%
On termine avec un dernier rhum arrangé de chez Arhumatic.
Café Blue Mountain (le célèbre café de Jamaïque) et zestes d’orange.
Pas mal de sucre mais très jolie association des deux ingrédients.
Ron Santiago de Cuba
Mais mon compte rendu Rhum Fest 2023 ne serait pas complet sans vous parler de ma dernière soirée. J’ai eu l’honneur d’être invité à un diner autour des rhums Santiago de Cuba, à l’Hôtel de Crillon, place de la Concorde. Un menu pensé en pairing par le sommelier en association avec trois références de la vénérable maison cubaine.
Les convives ont pu en apprendre plus sur la tradition séculaire des rhums cubains et plus particulièrement autour de Santiago de Cuba grâce à la présence de deux maestros roneros. Ce fut pour moi impressionnant de voir la fierté et le poids de l’héritage porté par ces deux maîtres assembleurs.
Des rhums légers, peu édulcorés (5 grammes annoncés) où le bois a toute la place pour s’exprimer et donner de la profondeur aux jus. Nous avons dégusté le 11 ans, le 20 ans (bientôt disponible en France) et la carafe célébrant le 500ème anniversaire de la fondation de la ville de Santiago de Cuba, un blend de rhums allant jusqu’à 50 ans d’âge. Des rhums chauds, gourmands et évoluant sur des trames de plus en plus riches et sombres, l’âge croissant ; notes de torréfaction (cacao et café), zestes d’orange, vanille, caramel, épices douces, boisé, douceur et suavité, voilà ce qui vous attend.
C’est ainsi que s’achève mon Rhum Fest 2023.
Les rhums de l'homme à la poussette 