“Rhum Attitude, tu connais ?
– Le caviste en ligne ?
– Non, la boutique à Bruxelles.”
Vous avez peut-être loupé l’info, surtout si vous n’êtes pas en Belgique, mais Rhum Attitude, qui officie sur le web depuis un peu plus de huit ans, a ouvert une boutique physique dans la capitale belge. À deux pas du Manneken Pis, vous y trouverez bien sûr un large choix de rhums mais également une sélection de spiritueux en tous genres.
L’un des points forts de la boutique c’est la présence de fûts dont vous pourrez directement tirer son eau-de-vie pour remplir votre flacon. Enfin presque, puisqu’un partie du contenu est déjà transvasée dans de larges bonbonnes dans un soucis de praticité.

L’équipe Rhum Attitude a eu la gentillesse de m’envoyer des échantillons de leurs six fûts disponibles, voici mes notes de dégustation.

Cognac Prunier XO 13 ans (brut de fût) – 44.5%

Assemblage de cinq crus de cognac âgés de 13 à 16 ans

Il se dévoile sur des notes fruitées (prune et figue) et fait moins que son âge. En effet, le boisé est discret et se manifeste au travers d’arômes de vanille et de cèdre. Un pincée d’épices et un timide zeste d’orange complète ce premier nez. Le fait d’étaler le liquide à l’intérieur du verre accentue l’intensité notablement. Les fruits tiennent le haut du pavé mais le cognac gagne en « épaisseur ». Les fruits sont un peu plus travaillés, cuisinés, tandis qu’une légère note terreuse passe. À noter l’apparition d’autres fruits sous les traits de la poire et de la pomme, qui se trouvent rehaussés d’une touche anisée.
L’attaque est veloutée, autant par son alcool mesuré que par sa texture. Il est agréable à garder en bouche, sur laquelle le fût se fait un peu plus remarquer au travers de ses tannins et d’épices douces. Les fruits sont relégués au second plan, et avec eux la vivacité et la fraicheur, ce qui a pour effet de « ramollir » un peu ce cognac.
La finale est assez longue et reprend un peu de poil de la bête, et les fruits ont encore changé, ils semblent désormais séchés.

C’est surtout le nez de ce cognac Prunier qui m’a beaucoup plu. Une vraie corbeille de fruits, qui n’a de cesse de s’étoffer au fil de la dégustation.

Bas Armagnac Château Saint-Aubin 2020 – 56%

100% Ugni blanc

Voilà une eau-de-vie jeune, comme on n’a pas l’habitude d’en déguster dans les armagnacs.
La poire est conquérante. Un voile vanillé la recouvre sans du tout l’étouffer. Simple et frais. Le second nez maintient la belle poire au premier rang mais apparait une discrète impression d’acide acétique ou de souffre (dans la veine légume) ; chose assez récurrente sur armagnacs non vieillis. La vanille fait de la résistance mais est encore plus lointaine. Des fleurs capiteuses se joignent à la fête.
La bouche se place à mi-chemin entre la blanche Armagnac et l’apport du fût, ça fonctionne. La puissance se remarque mais demeure contrôlée. La poire se voit rejointe par d’autres fruits du verger.
La finale est portée par le bois et son moelleux, qui est réveillé par le distillat fruité. Très sympa cette dernière étape.

Nous sommes plus proches d’une eau-de-vie non vieillie que d’un armagnac sur lequel le bois est souvent bien marqué. Une première en ce qui me concerne.

Père Labat 6 ans – 65%

Ex-fût de cognac

Un rhum agricole frais sur le côté végétal. Au fond du verre se cache une facette plus moelleuse, comme un caramel au beurre. Attention à la morsure de l’alcool sur le second nez. Sa nature tendre fait désormais presque jeu égal avec son identité herbacée.
Pas la peine d’en prendre beaucoup (mieux vaut ne pas prendre beaucoup), pour que les arômes explosent en bouche. C’est un nougat miel et amandes qui envahit le palais, très étonnant. La fraicheur reste, mais elle ne reprendra vraiment sa mesure que sur la finale.
En effet, on reconnait alors bien sa nature de rhum agricole au travers d’une canne végétale marquée. Un peu de piment se pose sur la langue, pour nous rappeler le pourcentage d’alcool de la bête.

Son point fort réside, pour moi, dans cette bouche saveur nougat du plus bel effet.

Père Labat 6 ans (brut de fût) – 70.4%

Le même que le précédent mais non réduit

Étonnamment, l’alcool ne se fait pas plus sentir, quasiment même moins. Sans surprise, il est proche de sa version légèrement réduite mais deux acteurs apparaissent cependant : le poivre et le sucre roux. En agitant le liquide, il gagne en onctuosité mais c’est surtout l’apparition du jus de canne qui marque le nez.
Surprenant comme la puissance ne se remarque pas plus que sur la version réduite (pas moins non plus, hein). En revanche, la texture est plus grasse, plus enrobante, c’est précisément ce que ce liquide réalise, il enrobe toute la bouche. Le nougat est là aussi mais se montre moins évident, peut-être cela vient-il du jus de canne et de sa fraicheur qui sont bien en place tout au long de cette étape.
La finale est longue, on y trouve une canne à sucre verte, un peu amère, ainsi qu’une timide olive, verte elle aussi. Le sucre roux se rappelle à notre bon souvenir.

Intéressant de voir comme une réduction « légère » peut faire évoluer un profil. Bien que la bouche du 65% m’ait beaucoup plu, je pense avoir préféré cette version full proof sur l’ensemble de l’expérience.

Trinidad Distillers Limited 2006-2023 (16 ans) – 64.1%

11 ans en vieillissement tropical

Un rhum qui se présente sous un profil très caramel, un caramel bien foncé à tendance mélasse. Les fruits à coque torréfiés accentuent l’impression de gourmandise. Il n’est pas écœurant pour autant, une note végétale lui donnant un peu de peps. Sur le deuxième nez, il semble nous promettre de coller au palais, peut-être cela vient-il des fruits très mûrs (abricots et prunes). On garde par ailleurs les premiers acteurs, toujours là.
L’attaque est saisissante mais plus par la présence de ce TDL que du fait de son pourcentage alcoolique. L’impression de sucrosité et la texture épaisse fonctionnent à merveille. Les fruits sont emmiellés et englués dans le caramel. On imagine par ailleurs un fût chauffé très fortement. Une légère amertume nous cueille et nous sort de notre mixture sirupeuse (mais avions-nous envie de nous en extirper ?).
La finale est sombre, dominée par un boisé bien noir mâtiné de tabac et de vanille.

Un rhum de Trinidad qui m’a fait penser à de gros Demerara bien lourds. Oui, je l’ai bien apprécié.

Worthy Park 2013-2022 (8 ans) – 65.7%

7 ans en vieillissement tropical

Une claque d’esters, voilà comme il nous accueille. L’ananas est épaulé par la peau de banane et le dissolvant. L’amande amère ramène son intensité et quelques agrumes rôdent. Une fois les parois intérieures du verre recouvertes du liquide, son intensité devient remarquable. On ne peut passer à côté de l’entrée en scène de deux nouveaux protagonistes : les copeaux de crayon et la cendre, qui viennent pleinement concurrencer les fruits.
Explosion instantanée sur l’attaque. La banane évince l’ananas mais pas les copeaux de crayon ; ce sont ces deux saveurs qui emportent tout sur leur passage. La texture aide à faire passer la puissance de l’alcool. L’amande amère est toujours de la partie.
La finale s’annonce longue et le sera. Une association entre amande torréfiée, banane flambée et toujours ce boisé s’exprimant sur des accents de crayon taillé.

Dur d’être plus en Jamaïque. Ce n’est cependant pas un profil qui me séduit vraiment, bien qu’il soit assez équilibré, ces copeaux de crayon peut-être…

Et voilà pour cette escapade bruxelloise. Une sélection variée, aux identités bien trempées, voilà ce qui vous attend à la boutique Rhum Attitude de Bruxelles. Et comme d’habitude avec Rhum Attitude, vous avez la possibilité de vous procurer des échantillons (d’une partie) de ces spiritueux pour vous faire va propre idée.
Quelque chose me dit qu’ils ne vont pas en rester là 😉