Certes, je vous propose moins d’articles depuis le début de mon tour du monde – j’ai un peu autre chose à foutre – mais j’essaye malgré tout de ne pas vous abandonner à votre misérable sort et de vous proposer de temps à autre un sujet qui serait susceptible d’égayer votre morne vie.
Outre des réflexions générales sur les notions de temps et de qualité dans le monde du rhum, je mets à profit mes expériences sur la route pour vous en faire le récit. Après Cologne, la Thaïlande et le Mexique (à venir, plus tard ^^), je vous invite dans le sud des États-Unis en territoire acadien, dans l’état de Louisiane. C’est dans cette région parsemée de marais, ou de bayous, comme ils disent par ici, que je me suis rendu dans le village de Lacassine où s’est installée une petite distillerie de r(h)um : Bayou Rum.

Dur de les louper !
Vous connaissez peut être Bayou Rum, comme je le connaissais, pour l’avoir dégusté sur un salon, sans qu’il vous ai laissé une impression indélébile mais sans que vous l’ayez non plus classé dans les merdes archi sucrées, malheureusement bien trop nombreuses. Et pour cause, il n’y a pas un gramme de sucre dans le rhum blanc ou dans le select, leur trois ans d’âge (je reviendrai sur leur vieillissement un peu plus tard), dans l’esprit du bourbon, dont ils se réclament.

L’alligator – on en a vu un paquet en Louisiane mais encore plus en Floride
Laissez-moi vous en dire un peu plus.
Bayou Rum Distillery

La fontaine et ses deux pélicans qui nous accueillent
Arrivés sur les lieux vers 15h50 à bord de notre camping car, nous étions pile dans les temps pour la visite guidée de 16h00. De beaux bâtiments modernes, dont une grange rouge estampillée Bayou, et une jolie fontaine nous accueillent, ainsi qu’une forte odeur de mélasse. Nous passons la porte de la bâtisse centrale pour arriver dans la boutique (comme dans beaucoup de sites que nous avons visités aux États-Unis, le premier contact se fait avec le merchandising) où trois employés papotent vers la caisse. Nous expliquons être là pour la visite, et l’un d’eux nous invite à nous rendre dans la pièce attenante où une courte vidéo va être projetée. Après 3 ou 4 minutes, il revient et nous guide vers les installations en elles-mêmes, non sans nous avoir annoncé que les opérations sont suspendues pour la journée et ainsi qu’il aura moins de choses à nous montrer. Merde. Voyons voir ce qu’il nous réserve malgré tout.

Jolie installation
Tout se trouve dans un grand hangar : les cuves de fermentation, les appareils de distillation, les fûts qui attendent patiemment et la ligne d’embouteillage. Rien d’immense donc et tant mieux, cela permet au doux parfum sur rhum qui vieillit d’envahir l’espace 🙂
La courte visite m’aura permis d’en savoir plus sur l’élaboration des rhums Bayou.

On essaye d’intéresser la jeune génération 🙂
Pour commencer c’est un rhum industriel puisque la matière première utilisée est un mélange de mélasse et sucre roux (raw sugar), qui viennent tous deux de la même sucrerie en Louisiane. Rare de voir du sucre être mis à fermenter, ce qu’ils vont d’ailleurs arrêter bientôt pour ne se servir que de mélasse – la raison principale étant qu’il n’est pas vu d’un bon œil de se servir de sucre, les gens associant une image négative à cette pratique.

Ça fermente…
Ce mélange est donc mis à fermenter dans de grandes cuves (si je me rappelle bien, thermorégulées) pendant une durée comprise entre 30 et 35 heures pour un vin titrant 8 degrés.

Des pot stills rutilants
Vient ensuite la distillation, qui se fait en deux fois sur des alambics “pot stills” pour finalement obtenir un distillat d’environ 90 degrés. C’est cette “base” qui sera ensuite déclinée de plusieurs manières pour créer leurs différents produits.

Les fûts et leur chauffe intense
Une bonne partie de la production est destinée à être vieillie dans d’anciens fûts de bourbon provenant de différentes distilleries et qu’ils utiliseront pour un maximum de 15 ans. Ce vieillissement est comparable à la méthode solera et j’avoue que malgré mes questions (vous me connaissez, je peux être enquiquinant) je ne suis pas sûr d’avoir compris comment cela se passe exactement. Mais voilà ce que j’ai retenu : les fûts sont placés sur cinq niveaux, les plus jeunes en haut. Tous les “je-ne-sais-pas-combien-de-mois” la moitié des fûts les plus vieux (ceux positionnés en bas) est mise en bouteille, puis ces mêmes fûts sont alors complétés par la moitié du fût qui se trouve au-dessus et ainsi de suite jusqu’à atteindre le niveau le plus élevé. Au final l’âge minimum annoncé est de trois ans. Voilà, voilà.
Maintenant que l’on sait comment leur rhum est élaboré, penchons-nous en un bref tour d’horizon sur leur différentes bouteilles, au nombre, pour l’instant, de sept (toutes à 40 degrés).

Bayou Rum – line up dégustation
Bayou White
Le rhum blanc de la gamme est clairement destiné aux cocktails et est créé dans cet esprit. Un rhum à 40 degrés qui ne présente aucun intérêt à la dégustation pure, et qui peut, d’après mon hôte, remplacer la vodka dans des cocktails. Non, ca ne fait pas rêver mais c’est clair.
Bayou Select
C’est leur rhum vieux, celui vieilli 3 ans suivant la méthode décrite plus haut. Celui-ci, comme dans mon souvenir, se défend plutôt bien. Il se rapproche du bourbon (ce qui est le profil recherché par les créateurs de Bayou Rum) et n’est pas sucré tout en n’étant pas franchement sec et donc relativement doux.

Merci Jon !
On en vient ensuite à leurs trois liqueurs/spiced, qui sont assez réussis.
Bayou Spiced
La version rhum épicé (mélange de rhum, d’épices variées et de sucre) de la distillerie de Louisiane. Je ne suis pas un grand fan de cette famille de spiritueux, mais celui-ci a le mérite de ne pas être trop sucré et ne pas vraiment avoir une épice qui écrase tout le reste, comme c’est malheureusement assez souvent le cas.
Bayou Satsuma Rum Liqueur
Je ne savais pas non plus ce que c’était 😉 Il s’agit d’un agrume venu du Japon et qui se situe quelque part entre la mandarine et l’orange. A la dégustation, cela rappelle le Grand Marnier et autre liqueur à l’orange pour cocktails. On sent à peine les 30 degrés, ça doit faire des ravages en soirée. J’ai pu l’essayer simplement avec du jus d’orange et c’était dangereusement bon.
Bayou Coffee Liqueur
Même principe qu’au-dessus mais on remplace le satsuma par du café pour une liqueur très café et là aussi très peu marquée par l’alcool. Agréablement surpris.
Après ce line up de leur gamme, j’aurais pu en rester là mais je n’ai pu faire autrement que de voir deux autres bouteilles sur les étagères en face de moi et ai donc demandé s’il était possible de les déguster. Je me suis bien rendu compte que ce n’était pas vraiment prévu au programme mais mon hôte à gentiment accepté de prolonger la dégustation avec ces deux-là.

Le haut du panier chez Bayou Rum
Bayou XO Mardi Gras
Même technique de vieillissement que le Select mais pour un âge minimum de 6 ans cette fois et avec un finish de quatre mois en fût de sherry. Le résultat est plus complexe, plus sombre (des notes toastées) et plus long. C’est pas mal ! En revanche, l’impression globalement toujours aussi douce (mais toujours pas sucrée) “smooth”, un peu trop pour moi.
Bayou Single Barrel
Changement de vieillissement avec une durée d’un peu plus de deux ans et demi exclusivement en fût de rye whiskey. On a un rhum avec une plus grande identité selon moi, un profil avec plus de relief, moins doux et un peu plus poivré. Mon préféré ! Bonne nouvelle, c’est le premier d’une famille qui comprendra bientôt d’autres membres, puisque d’autres fûts (vin blanc, vin rouge, sherry…) attendent déjà leur tour. Mauvaise nouvelle, ces single barrels ne seront achetables qu’à la distillerie. En tout cas moi j’ai mon Bayou rye whiskey avec moi 😉

Les six fûts “single cask” qui attendent patiemment
Afin d’étoffer leur gamme encore un peu plus, un cask strength est aussi en préparation, en espérant qu’on puisse le trouver ailleurs que sur place celui-là 🙂
Voilà pour ma petite visite guidée en Louisiane et plus précisément dans le Bayou !

Le bayou
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