En voilà une bonne question ! Ai-je la réponse ? Sans doute pas puisque je n’ai personnellement pas goûté tout ce qui se fait aux États-Unis. Cependant ma récente visite chez eux m’a permis de me faire ma petite idée sur la qualité de leur rhum et sur leur état d’esprit. Vous l’avez deviné, je vais vous raconter tout ça 🙂
Mais chaque chose en son temps et commençons par le commencement.
Je vous ennuie avec ça depuis assez longtemps : je fais un tour du monde en famille et alors que j’écris ces lignes, je suis en Martinique pour trois semaines, dernière étape de notre aventure planétaire – je risque d’ailleurs également de vous en dire quelques mots dans un avenir plus ou moins proche.

Richland Rum – Un coin des chais de vieillissement
Mais avant cet ultime arrêt aux Antilles, nous avons passé un peu plus de vingt jours dans le sud des États-Unis, de la Floride à la Louisiane, en passant par le Mississippi, l’Alabama et la Géorgie. Ma femme qui m’aime et qui était en charge de presque l’intégralité du parcours a très gentiment intégré deux étapes rhum sur ce périple “Deep South”. La première en Louisiane, avec la visite de la distillerie Bayou Rum, dont je vous parlais il y a peu de temps.
Le second arrêt était ma priorité rhum aux États-Unis après que de nombreuses personnes m’aient conseillé d’aller découvrir Richland Rum en Géorgie.
Ne nous le cachons pas, Richland Rum n’est pas très connu en France, pour dire le moins. Moi-même je n’avais eu pour seul rapport avec ce rhum une dégustation lors d’une masterclass dédiée aux spiritueux de canne produits chez l’Oncle Sam pendant le Rhum Fest Paris il y a deux ans.
Maintenant j’en sais bien plus, et vous êtes sur le point d’être comme moi 😉
Richland Rum – L’histoire

Richland Rum – Un vieil alambic ramené de France et qui sert maintenant de décoration, et de fort belle manière !
Richland Rum existe depuis près d’une vingtaine d’années, pas sous sa forme actuelle certes, mais cela fait maintenant bien longtemps qu’ils gagnent en expérience et en qualité. L’histoire a débuté il y a donc vingt ans lorsque les créateurs de la marque, Karin et Eric, habitant alors Atlanta, et qui étaient en vadrouille en voiture un peu plus au sud de l’état, firent une découverte surprenante : là sur le bord de la route, un stand vendant du “fresh sugar cane syrup” – pour nos amis nuls en anglais : du sirop frais de canne à sucre. Demi-tour en dérapage digne des plus grands cascadeurs (ou pas) et arrêt avec crissements de pneus (ou toujours pas) à proximité dudit vendeur ambulant. Après quelques questions, ils se rendent compte que la canne à sucre pousse dans le sud cet état des États-Unis, malgré sa relative distance des tropiques. Vient alors à l’idée d’Eric – qui avait été sensibilisé aux rhums de qualité par son grand-père, grand collectionneur de rhums pur jus – de planter des cannes afin de faire son propre rhum pour lui-même et ses proches.
L’étape suivante a été d’acheter des terres et de la canne, ce qui a été rapidement fait et la production de rhum a pu commencer. Enfin, les premiers essais ont été réalisés, et au début ça n’a pas été une franche réussite, le goût n’était pas vraiment au rendez-vous, enfin… ça avait du goût… mais pas tout à fait celui désiré 😀
Quoi qu’il en soit, le Vennebroeck Velvet était né. C’était le premier nom donné à ce rhum, d’après le nom de la ferme dans laquelle l’aventure venait de commencer.
Vingt ans après, Richland Rum est distribué dans la moitié des états américains et dans une dizaine de pays dans le monde. Et la production s’effectue depuis deux sites, Richland et Brunswick, sur la côte, toujours en Géorgie.
Richland Rum, Richland, Georgia

Richland Rum – Je crois que je pourrais y habiter dans ces bâtiments…
Pourquoi ce changement de nom ? Tout simplement car les installations ont changé de place. En effet, après quelques années de production sur le domaine où les cannes poussent, le maire de la petite ville de Richland, toute proche, leur a demandé de venir s’installer dans le centre de la ville afin de redynamiser ce “downtown” en grande perte de vitesse. Tous les commerces ou presque avaient mis la clef sous la porte depuis plusieurs années, et bon nombre de bâtiments étaient murés. Karin et Eric décidèrent alors de sauter le pas et de racheter une paire de bâtiments abandonnés et d’y installer leur matériel de production et leur chais de vieillissement. Leur philosophie, que j’apprécie : si on ne le fait pas, qui le fera ? Ils possèdent désormais sept bâtisses plus ou moins grandes, tous de la fin du 19ème siècle, partiellement rénovées de main de maître (mais il y a encore du boulot), qui abritent alambics, cuves de fermentation, bureaux, salle de dégustation, boutique et bien sûr chais de vieillissement. Ces bâtiments justifient – presque – à eux seuls la visite du lieu 🙂
Richland Rum – L’élaboration d’un pure single rum

Richland Rum – Il n’y a pas que moi que ça intéresse 😉
Il est temps de parler rhum ! Voyons donc comment ce rhum est élaboré à l’heure actuelle.
Deux variétés de canne sont utilisées. Elles sont replantées environ tous les quatre ans, la canne repoussant naturellement chaque année après la coupe et le gel (je vais y revenir) sur les trois années suivant la première pousse. Très surprenant de voir la flore et plus largement le paysage où grandissent ces cannes, avec sa forêts et ses étangs ; on est assez loin de la carte postale des Caraïbes !

Richland Rum – Ça pousse
Cette période durant laquelle le gel (en décembre) frappe la région a un impact majeur sur l’élaboration du rhum chez Richland. Les cannes “meurent” (avant de renaître au printemps suivant) mais ne sont à maturité que quelques semaines plus tôt. Autrement dit la récolte ne peut se faire que sur une très courte période, en gros tout est coupé sur un petit laps de temps : trois semaines (et beaucoup de travailleurs saisonniers). Que cela signifie-t-il ? Que la “grande” quantité de jus produite ne peut pas être utilisée assez rapidement avant de “tourner”. Aussi la solution trouvée et mise en place par la distillerie est de faire chauffer le jus de canne pour le transformer en sirop – qui se conserve bien plus longtemps que le jus frais – afin de pouvoir produire toute l’année. Oui, ça sera la récolte de trois, voire quatre semaines, qui permettra aux alambics de tourner toute l’année !
Une fois le sirop prêt, une partie est mise à fermenter dans de grandes cuves en inox, pour une durée moyenne d’une semaine. La saison et donc la température et l’humidité influent un peu sur cette durée. À l’issue de la fermentation, le vin de canne peut atteindre 13 degrés (ah quand même !).

Richland Rum – Un des alambics et les fûts prêts à recevoir le précieux liquide
Après cette phase primordiale, où je le rappelle, le sucre est transformé en alcool par les levures, on passe à la distillation qui s’effectue sur un pot still, fabriqué sur mesures au Portugal. Et c’est après une quinzaine d’heures qu’est obtenu un distillat aux alentours des 60 degrés d’alcool, distillat qui sera, pour la majeure partie de la production, mis à vieillir plusieurs années en fût de chêne neuf, ce qu’il faut souligner, particulièrement au pays du bourbon. Entre quatre et cinq ans plus tard, le rhum sera prêt à être mis en bouteille. La durée de vieillissement varie, simplement car chaque fût est unique et le rhum qu’il contient ne sera pas toujours à son apogée après le même nombre d’années que celui contenu dans le fût voisin. Aussi chaque rhum est dégusté régulièrement à partir de son quatrième anniversaire pour ne pas laisser passer LE moment.

Richland Rum – Patience…
Richland Rum – A five rums line-up
Le processus expliqué plus haut décrit exactement la manière dont est élaboré le rhum qui représente la plus grande partie de la production des deux distilleries, le rhum vieux de 4 à 5 ans réduit à 43 degrés. Mais il existe quatre autres rhums produit chez Richland. Un blanc (ou presque, je vais y revenir), un brut de fût et deux cuvées appelées “cask exchange” dont je vais tout vous dire.
Je ne sais pas vraiment comment ça se fait mais je n’ai pas dégusté leur rhum vieux lors de ma visite et je ne vais donc pas pouvoir vous en parler. Les quatre autres cependant, je ne vais pas m’en priver. Les noms des rhums sont parfois un peu long, ne leur en tenez pas rigueur 😀

Richland Rum – Moi en compagnie d’Eric et du master distiller, en pleine dégustation
Richland Virgin Coastal Georgia Rum
Ce premier rhum n’est pas tout à fait blanc puisqu’il repose deux mois en fût et se caractérise ainsi par une robe paille claire.
Il est extrêmement expressif et que ce soit au nez ou en bouche vous serez envahi par des notes végétales et citronnées très fraîches. J’aurais bien aimé le tester en ti’punch. Quelque chose d’empyreumatique arrive sur la fin de bouche et la finale est longue. Honnêtement, il n’est tant que ça à mon goût mais il faut lui reconnaître son identité unique qui pique la curiosité.
Richland Rum – Cask Strength
Ce nez m’en a mis un coup ! Quelle gourmandise aux notes pâtissières mais celà ne devient pas écœurant grâce à une fraîcheur émergente. La bouche est dans la même veine mais gagne en complexité avec entre autres l’addition de notes plus sombres sur des arômes torrefiés et l’apparition du cuir et du sucre caramélisé. Le tout reste bien équilibré. Vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé ce brut de fût. Peut-être cela vient-il entre autres du fait que 100% de ce que l’on trouve dans la bouteille vient du sirop de canne à sucre, puisque pas une goute d’eau ne rentre dans le processus de production.

Richland Rum – Une table encombrée, ça bosse !
Richland Rum – Terrapin Double IPA Cask Exchange et Richland Rum – Chateau Elan Port Cask Exchange
Ces deux bouteilles suivent un processus de vieillissement particulier. En effet, après trois ans en un fût neuf, ils sont transférés dans un autre fût neuf – et là, vous vous dites : à quoi ça sert ? Cela sert à “libérer” le premier fût pour l’envoyer ailleurs ; soit dans une brasserie, soit dans un domaine qui fait du porto. Ils vont y être utilisés pour vieillir pendant un an, dans le premier cas une double IPA et dans le deuxième cas, du porto. À l’issue de cette année, les tonneaux reviennent chez Richland après avoir été vidés et séchés, et sont remplis du rhum qu’ils avaient accueillis trois années durant. Le rhum revient dans son fût d’origine pour une cinquième et ultime année de vieillissement. Il est à noter que les deux producteurs avec lesquels Richland travaille, que ce soit de bière ou de vin, sont tous deux également en Géorgie, ce qui permet aux fûts de ne pas voyager sur de grandes distances. Il ne s’agit donc pas d’une finition au sens où on l’entend habituellement, puisque le rhum termine de mûrir dans son fût “de jeunesse”.
A la dégustation, les deux profils sont bien différents, avec le Château Elan qui offre des notes de fruits rouges et tend à arrondir le rhum pour plus de gourmandise et de douceur, tandis que l’influence de la double IPA de chez Terrapin apporte quelque chose d’unique : des arômes de levure, de pain mais aussi des notes citronnées. Et alors que le nez semblait assez sec, la bouche le contredit partiellement avec un profil plus ample et “épais”.
Les deux sont bons, le port cask exchange assez classique mais le cask exchange IPA est tout à fait inédit pour moi et présente ainsi plus d’intérêt – vous connaissez ma curiosité et ma soif de découverte 😉
Cette description ne serait pas complète sans évoquer un rhum, non commercialisé celui-là, un vieux pur jus de canne de deux ans et demi et brut de fût. Seuls trois fûts sont produits chaque année en début de saison… Pour faire court et comme je l’ai dit au distillateur : c’est drôlement bon ! 🙂 J’aimerais bien avoir la chance de passer toute une soirée en sa compagnie (non, je ne parle pas du distillateur mais bien du rhum :D).

Richland Rum – Les cinq expressions du rhum Richland
Richland Rum en quatre mots
Passion, exigence, simplicité et éthique.
Je me sens vraiment privilégié d’avoir pu voir comment ce rhum est confectionné mais encore plus d’avoir rencontré et passé quelques heures avec des gens adorables et passionnés. Des personnes qui aspirent tout simplement à l’excellence quel que soit le temps nécessaire pour y arriver. La patience et un apprentissage constant vont sans doute leur permettre d’y parvenir, ils n’en sont déjà pas si loin.
Je ne peux que les remercier à nouveau du temps qu’ils m’ont consacré et de l’accueil qu’ils nous ont réservé (et ce malgré nos deux bonnes heures de retard :x).
Et la cerise sur le gâteau ? Nous avons pu garer notre camping car à la distillerie ; mon rêve s’est réalisé ! J’étais passé si près chez Issan mais ça y est c’est bon 😀

Notre vue le soir même ❤
English version
Richland Rum, Richland, Georgia
I recently had the chance to visit the Richland Rum distillery in Richland, Georgia.
After asking in a FB group, which distillery I should visit while travelling in the South of the US, that’s definitely the answer I got the most. Let me tell you why it was an excellent advice (thanks everyone by the way).
Karin and Eric, the founders and owners of Richland Rum gave me plenty of their time to tell me everything I had to know about their baby.
The story of this rum starts about twenty years ago (!) when they discovered by chance that sugarcane was growing in the South of the state. Eric who had something for qualitative rums thanks to his grandfather, then decided to buy some land and some canes to start producing his own rum for family and friends – and of course, himself 🙂
The first attempts had apparently been… surprising and not really in a good way ^^
Twenty years later, Richland Rum is distributed in half the states in the US and ten countries. They also have another producing location on the coast, in Brunswick.
After being produced on the farm surrounded by the sugarcane, the activity moved to Richland downtown when Karin and Eric have been asked by the mayor if they could come down in order to revitalize the center of the town that was partially deserted. They accepted, thinking “If we don’t do so, who will?” and they are now occupying seven building that are hosting all the activities from the brand. Some of these buildings are from the 19th century and are worth checking, especially after the masterful renovation work!
Richland Rum – What’s in the bottle
Now, let’s talk rum and how is this pure single rum made.
Everything starts with the sugarcane, that Richland is harvesting in November not far from the distillery. There is no choice regarding when the harvest happens. Indeed in Georgia, even in the South, there is frost and it hits in December. The only chance to have mature sugarcane is to wait as long as possible for it is grow and to keep about three weeks before the frost for cutting. But then you have a huge amount of sugarcane juice that you cannot process before it turns bad. To solve this issue, decision was taken to transform the juice into syrup, which can be kept way longer and be fermented and distilled all year round.
Fermentation is taking about a week and the wine can reach 13 percents alcohol. This wine is then ready for distillation which will be done on a pot still made in Portugal. It takes about 15 hours to get a rum that will be around 60 percents alcohol. Most of this rum will be destined to fill up casks (new oak casks, which is quite rare) and stay there between 4 and 5 years. There is no blending, which means every rum is a single cask, which is why there is no fixed age after which the rum is ready. It will require tasting to know when the cask is ready for bottling.
Richland Rum, a five rums line-up
But I actually tried only four 🙂
Most of Richland’s rum follows the exact production process as described above. That’s how is made the aged rum, a 4 to 5 year old at 43% (86proof). The distillery portfolio is also composed of four other rums, including an unaged (almost) one. Let’s see a bit more in details.
Richland Virgin Coastal Georgia Rum
It actually stays in a cask for two months where it gets its light straw color.
On the nose and in the mouth, it is very fragrant, very expressive and you’ll be overwhelmed by vegetal and citrus notes, it is very fresh. I would have liked to try it in a ti’punch. Something warm, burnt comes toward the end to conclude the experience, which will last quite a while.
Not so much to my liking but its identity is definitely interesting!
Richland Rum – Cask Strength
What a nose! Very gourmand on cookie dough aromas and well balanced by some freshness. The mouth starts with the same profile but gets more complex with the apparition of darker notes, such as coffee, leather and burnt sugar. Everything is still very balanced and the alcohol (the one I tried was about 57%) is not overwhelming and only enhances the aromas. You got it, I liked this one a lot. Maybe it is partially due to the fact that not a single drop of water enters the process of making this rum!
Richland Rum – Terrapin Double IPA Cask Exchange and Richland Rum – Chateau Elan Port Cask Exchange
These two are quite unique in their aging process. After three years in their new oak cask, they are moved to another new cask while their original cask is sent to Richland partners, both in Georgia. These two companies are respectively a port wine producer and a beer maker (a double IPA we are interested in). Both of them will age their product for twelve months in the casks that contained rum for three years. Period after which the casks are sent back to Richland to finish the aging of the rum that is now 4 years of age. In other terms, the rum is going back to its original cask for a final year before bottling.
Both profiles are quite different, the Château Elan is classic in its style, in the way that the port wine exchange makes the rum rounder, sweeter and with some red fruits. The double IPA influence is quite different and unique, with some yeast and bread aromas plus some citrus notes. Although the nose is rather dry, the mouth contradicts it with a more thick and “wide”. I liked tasting both but the latter interested me more with its one of a kind profile.
To be complete, I have to mention an aged sugar cane juice rum! At the beginning of each harvest season, they are making a couple of casks filled with sugar cane juice rum and let them age for a while. A very nice r(h)um – that reminded me some agricoles from the French West Indies – with which I would have liked to spend an evening.
Richland Rum in four words
Passion, exigency, simplicity and ethics.
I really feel fortunate to witness how this rum is made but even more to have met and spent some time with lovely and interesting people. People who simply want to achieve excellence regardless of the time it takes. Patience and a never ending learning process will probably help them reach this goal, they are already not very far from it… I can only thank them again for their warm welcome and the time they took for us.
C’est une superbe découverte. Je ne connaissais pas du tout et cela pique ma curiosité.
Ce sont des rhums de dégustation de qualité avec une superbe aromatique semble-t-il. Les américains sont habituellement plus intéressés par les rhums neutre pour faire des cocktails.
Je suis curieux de pouvoir les déguster.
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