Après un remake de la nuit précédente, c’est parti pour mon troisième jour en Issan. Et autant les deux premiers furent exceptionnels, autant celui-ci fut inoubliable. Trois raisons à cela : la première distillation de l’année, la sélection d’un rhum pour un embouteilleur indépendant mais surtout, et ça n’a pas grand chose à voir avec le rhum, une fête religieuse dans un temple non loin.

Les cannes fraichement coupées et tronçonnées qui attendent d’être pelées…

… avec ça !
Commençons par le commencement avec les “habituelles” salutations à l’équipe déjà à pied d’œuvre, le petit déjeuner et le coup d’œil aux cuves de fermentation, dont celle très active de la veille et celle contenant le vin de canne destiné à être distillé le soir même.
En parlant des travailleurs que David emploie, il faut souligner l’impact que Issan Rhum a sur ce coin de Thaïlande, car outre la bonne douzaine de personnes travaillant directement à la distillerie au plus fort de la saison, il faut ajouter les agriculteurs qui fournissent les cannes.

Ma nouvelle fascination pour les cuves de fermentation 🙂

Et encore une, tout à fait différente, plus tard dans le processus
Je vous disais un peu plus tôt que David a plein de projets en cours pour développer ses activités, l’un d’entre eux est de déplacer les activités de production un peu plus loin sur un espace plus grand et plus adapté. Et bien il me l’a fait visiter et tout est presque prêt pour accueillir cannes, travailleurs et alambic ! Il y aura aussi un espace de dégustation pour faire découvrir les rhums Issan aux visiteurs, ainsi qu’un bureau, ce qui ne sera pas du luxe vu l’installation actuelle… Et puis, conséquence positive non des moindres, David ne vivra plus dans une distillerie – même si c’est sans doute le rêve de beaucoup d’entre nous 😀

Ti-punch avec Issan flower, citron vert de la région et jus de canne séché
Tant que je suis à vous parler de ses projets, sachez que le Laos (moins contraignant en terme de degré d’embouteillage et de vieillissement) devrait d’ici quelque temps voir la naissance d’une nouvelle unité de production – de quoi pouvoir s’amuser un peu sans les règles thaïlandaises très strictes ! Comme beaucoup d’entre vous ont pu l’apprendre il y a quelques jours, il a “récupéré” la distillerie de Koh Samui – plus ancienne distillerie de pur jus de canne de Thaïlande – ce qui va lui ouvrir tout un nouveau marché grâce aux innombrables touristes qui affluent sur l’île chaque année. Et pourquoi pas réfléchir à travailler avec une autre matière première… Ouais, il ne va pas s’ennuyer dans le futur – et nous non plus par la même occasion !

Attention, ca travaille dur !
Autre grand moment de la journée, la sélection d’un rhum pour un embouteilleur indépendant anglais, avec des associations de rhum issus de jus de cannes pelées et non pelées – super intéressant, entre autres du fait de la différence gustative marquée entre le rhum issu de la canne pressée avec écorce et celui où la canne est préalablement pelée. Je pense le résultat vraiment réussi après plusieurs heures de tests et d’ajustements (et de don de soi bien sûr) 🙂

Les trois designs des bouteilles depuis la création de la marque
J’en profite pour dire un mot sur ces rhums de chez Issan. En Europe, nous avons uniquement accès au classique à 40 degrés. C’est pour moi le meilleur rhum thaïlandais, voire même d’Asie du sud-est (sur ceux que j’ai dégustés) actuellement dans le commerce, il a une vraie douceur florale qui le rend unique, et bien sûr les marqueurs jus de canne distillés sur un petit alambic. Mais, et certains d’entre vous y ont goûté, la version brut d’alambic existe aussi, bien que malheureusement pas disponible, si ce n’est sur place ou lorsque David décide d’en apporter quelques échantillons avec lui quand il se rend sur des salons. Sa puissance accrue, environ 56 degrés, lui apporte, outre du mordant, plus d’acidité et de fraîcheur et le rend plus à mon goût. Il y a également la version en cannes non pelées, qui est elle aussi différente, assez logiquement plus végétale et se rapprochant des rhums pur jus de canne des Antilles Françaises ; celle-ci se repose en cuve. Ajoutez-y d’autres tests et vous obtenez une gamme riche et variée. Bien sûr, tout ceci n’est pas (encore) disponible mais croisons les doigts pour que la piste laotienne porte ses fruits et que nous puissions les cueillir 😉

Alambic en vérification, ce qui m’a permis de voir à l’intérieur 😉
Si vous avez suivi, c’est aussi sur cette journée que la première distillation de la saison allait être lancée et ça aurait fait une journée bien chargée avec ce que je vous ai déjà raconté, mais il se trouve qu’un important festival se tenait le jour-même, la fête des lumières, Loy Krathong. Beaucoup d’entre vous ont cette image en tête des lanternes de papier qui s’envolent dans les cieux de Chiang Mai, mais dans la plupart des régions de Thaïlande, vous verrez de petits autels flottants confectionnés avec beaucoup de savoir-faire à l’aide de feuilles et de fleurs, sur lesquels sont fixées des bougies.

Les lumières sur l’étang
Et, je l’ai appris le soir-même, qui dit fête religieuse, dit fiesta ! 🙂 Aussi, c’est après un – nouvel – excellent dîner, où, comme à leur habitude, les femmes ont voulu et ont réussi à me gaver, que toute l’équipe a pris le chemin du grand temple non loin de là.

Et ce soir-là c’était ça – punaise ça me donne faim !
Mais avant ça, plus tôt dans l’après-midi la distillation fut lancée et les têtes séparées du cœur. Là encore quel bonheur de pouvoir sentir ces têtes pleines d’alcools mauvais à l’odeur si particulière et pas franchement agréable, et de mettre une expérience concrète sur une connaissance théorique. Et c’est donc pendant que nous prenions le chemin de la fête que l’alambic continuait à faire son boulot et à couler ce qui fera le millésime 2018 du rhum Issan.

Ça y est, ça chauffe !
Nous arrivons sur place et il y a déjà beaucoup de monde. Aux alentours du temple sont installés bon nombre d’étals de nourriture, de fleurs pour ornementer les autels et de jeux pour enfants, mais aussi une grande scène bordée de tout un tas de chaises lui faisant face. Alors que nous arrivons, des danseuses font une démonstration de danses traditionnelles – musique entêtante et mouvements hypnotisants ! Et j’ai donc compris pourquoi apparaît une danseuse entre les deux “s” de Issan sur la bouteille.

Ça c’est le mien, vraiment du beau travail, merci encore aux artistes 🙂
Une fois libéré de leur magie, je me suis rendu, avec les autres, au bord de l’étang proche afin d’y déposer mon autel, que les gens de la distillerie m’avaient très gentiment confectionné. Une fois cet hommage aux ancêtres rendu, nous revenons au cœur de la fête, où un discours a malheureusement remplacé mes danseuses…

Les toutes premières gouttes du futur millésime
Parfait timing pour retourner avec David à la distillerie, voir ce qu’il en est des premières gouttes de cette nouvelle mouture. Il faut savoir qu’en début de distillation le distillat coule dans les 65 degrés pour descendre progressivement vers 40. Eh bien, vous ne vous en seriez jamais douté mais j’y ai goûté et… ce que c’était bon ! Juste le temps de faire quelques ajustements et de mettre les levures dans le bac de jus de canne du jour et nous repartons pour la fête.

La scène
Et v’la t’y pas qu’une élection de miss se tenait alors sur la scène. Nous avons donc assisté à ce concours en sirotant de la Chang et en mangeant des calamars grillés. De nombreux rires ont ponctué l’événement et nous y avons même participé (non je n’ai pas été élu miss Issan – je n’avais pas la tenue adéquate ce soir-là) en donnant des roses à notre favorite. C’est la manière dont la gagnante est choisie, c’est celle qui reçoit le plus de fleurs du public qui remporte le titre. La nôtre a perdu, mais rien de grave, nous avons passé une exceptionnellement bonne soirée, couronnée par une nouvelle dégustation du prochain millésime de retour à la distillerie, avant de s’en aller se coucher pour récupérer de cette longue journée.

Une cuve remplie de plusieurs centaines de litres de rhum – mettre le nez dedans a été un réel plaisir 🙂
Je vous épargne le récit de la journée du lendemain – je sens bien qu’il y en a 2 ou 3 qui se sont déjà assoupis – qui a été assez courte, avec tout même quelques faits marquants : du riz laotien au petit dej’, des échantillons remplis, des adieux émus à toute l’équipe mais surtout à David et sa femme et… un avion loupé… sans doute le travail de mon subconscient.
Je pourrai difficilement suffisamment remercier Lek, l’équipe et bien sûr David, qui m’ont vraiment fait me sentir comme à la maison, tellement leur accueil fut exceptionnel. Néanmoins, je l’écris quand même : merci !

David sur sa terrasse
Ces trois jours en Issan seront passés aussi vite qu’un rêve mais auront laissé une impression aussi indélébile que certains songes qui paraissent si intenses et réels !
Retrouvez ici la première partie de cet article : Un rêve d’Issan – partie 1