C’est en dehors de toute notion d’urgence ou d’actualité que je vous propose la dégustation de ces trois Caroni de la série employees numéro 3. Je vous rappelle que ces rhums sont issus de la célèbre et désormais fermée distillerie située à Trinidad et que cette série en particulier présente des assemblages rendant hommage à d’anciens employés, dont les bouteilles arborent les photos et les noms. Cette troisième “release” rassemble trois millésimes différents : 1996, 1998 et 2000.
Caroni Employees 1996 Vijay “Vijay” Ranmarine – 64.5%

Le nez à 10 cm du verre, on commence à bien sentir ses arômes. C’est le bois qui ouvre les hostilités, un bois assez gourmand avec une poignée de fruits à coque torréfiés et une pincée de vanille. Viennent tout de suite après les fruits exotiques bien mûrs et une touche de café. Sa nature de Caroni est assez lointaine et il me fait vraiment penser à un Demerara. J’aime beaucoup. Le rhum sur les parois du verre, l’alcool ressort et cela fait remonter son origine trinidadienne. Il devient plus austère avec entre autres l’apparition d’un tabac très noir et gras (je ne sais même pas si ça existe) et tout ceci se fait aux dépens des fruits et de ce qui m’avait tant plu (même si sa facette pâtissière ne disparait pas totalement). Un nouveau repos lui fait un bien fou et il retombe du côté Guyana de Velier ; je vais le laisser bien tranquillement dans son verre !
Bouche explosive où ce sont les arômes de Caroni qui ouvrent le bal (et une surprenante sucrosité), et comme on peut le garder étonnamment longtemps en bouche, on sent apparaitre le bois gourmand mais légèrement amer, la vanille et la noix. Les fruits ne sont plus là mais ce trio fonctionne plutôt bien.
La finale commence de manière chaude et agréable – toujours cette identité pâtissière – puis devient rapidement asséchante sur le bois, qui va devenir de plus en plus noir et qui est rejoint pas le tabac. Évidemment les notes d’hydrocarbures, et ici de fumée ou de cendres, ne sont pas bien loin. Oui, elle est longue (mais pas aussi longue qu’un porte lunettes bien connu – comprenne qui pourra).
Pas mal du tout, surtout ce premier nez ! Et on garde son profil pâtissier jusqu’à la fin, ou presque.
Caroni Employees 2000 Nita “Nitz” Hogan – 65.2%

Nez très différent, avec une astringence beurrée comme on pourrait la trouver sur un Hampden, même si en moins extrême. L’alcool se fait plus remarquer et il est compliqué d’aller chercher des notes sur le bas du verre. Après un moment, son origine devient bien plus évidente et nous sommes face à un Caroni à tendance vanillée, comme il en existe plusieurs chez des embouteilleurs indépendants. Les fruits sont malheureusement presque absents, ce qui ne lui enlève pas toute gourmandise mais il me manque ce côté exotique. Dès le rhum en contact avec les parois du verre, ce qui m’avait frappé au départ – ce côté jamaïcain, fruits acides compris – ressurgit brièvement pour ensuite à nouveau laisser place à des notes caroniennes franches et assumées, de ces Caroni qui développent des arômes fumés (et voire ici même poivrés).
Bouche à l’attaque légèrement acide et étonnamment fraiche mais c’est de courte durée puisque c’est bien un bois (un peu piquant) qui domine ensuite avec vanille et épices douces – ces derniers faisant disparaitre une petite note de pomme.
La finale est encore plus intense et moins gourmande que la précédente avec un bois de cheminée éteint très présent. Malheureusement, elle est également encore plus longue que le précédent. Moins mon truc.
Non ce 2000 ne m’aura pas convaincu.
Caroni Employees 1998 Ganesh “Buju” Ramgobie – 67%

Nez un peu en retrait après le Nitz malgré ses deux degrés de plus, je lui trouve d’ailleurs l’alcool mieux intégré que les précédents. Il me donne l’impression d’être un Caroni “passe-partout”, dans le sens qu’il est complet. Arômes caroniens, notes chaudes et torréfiées, fruits exotiques et fruits à coque saupoudrés de vanille, sans oublier un petit quelque chose de lait que l’on aurait oublié et qui commencerait à partir un peu sur l’acide. Le second nez, contrairement aux deux premiers rhums, ne le change pas vraiment, il “ne fait que” magnifier les arômes déjà perçus plus tôt et ce n’est déjà pas si mal.
Bouche plus douce que le précédent et également légèrement “sucrée” – encore une fois surprenant pour le degré alcoolique le plus élevé. C’est d’ailleurs la bouche la plus équilibrée des trois et on y retrouve les arômes du nez. Il parvient à développer une certaine finesse malgré sa puissance.
La finale est longue (ah bon ?!), sans doute même la plus longue et intense des trois, mais moins “envahissante et étouffante” que celle du Nitz. Là encore pas mal de choses se passent mais on ne peut tout de même pas se méprendre sur son origine.
Réussi ce 1998, tout en complexité et en équilibre, même s’il lui manque pour moi une certaine accroche.
Trois Caroni bien différents, chacun avec leur identité. Le 2000 est clairement celui qui m’a le moins plu, il est en revanche plus dur de départager les deux autres, qui disposent tous deux d’arguments sérieux !