Cette sensation lorsque vous vivez des instants exceptionnels en rêve, qui, par la suite, paraissent irréels et vous donnent envie de replonger dans le sommeil, dans l’espoir de prolonger cette réalité idyllique.
Voilà en quelques mots et de manière très, mais alors très résumée, ce que mon expérience en Issan fut.
Place à la version longue.
Comme une bonne partie d’entre vous le savent, je suis en plein tour du monde en famille. Lorsque vous lirez ces lignes, nous serons soit encore en Nouvelle-Zélande, soit plus vraisemblablement de l’autre côté du Pacifique. Mais avant ça, part belle a été faite à l’Asie, avec la Thaïlande, le Népal, le Vietnam et les Philippines, dans cet ordre.

Paysage de l’Issan
Lors des préparatifs de ce long voyage, sachant que la Thaïlande serait sur la liste, j’avais rapidement songé pouvoir aller en Issan, voir David et être l’heureux témoin de la production de son rhum. Je ne pensais pas alors vivre l’expérience que j’ai vécu par la suite.
Cependant, cette visite n’a failli jamais avoir lieu ; en effet, le timing était contre moi. Alors que nous étions en Thaïlande, David, lui, se trouvait justement en Europe pour les salons de la rentrée afin d’y présenter son rhum. Devant ce caprice du calendrier, je tirais un trait sur ma visite, le cœur lourd.

L’alambic que je ne pensais alors jamais voir…
Ce n’est que plusieurs mois plus tard, une fois le voyage commencé, que l’espoir naquit de nouveau, lorsque ma femme – ne pouvant garder un secret ou faire de surprise – m’expliqua qu’elle souhaitait m’offrir, pour mon anniversaire, un séjour en Issan, alors que nous serions à ce moment-là à Saigon et qu’elle avait déjà contacté David, regardé les billets d’avion, horaires et prix. Ah ! Ouais, elle est bien ma femme 🙂
Petit saut dans le temps.
Le jour J arriva enfin. Premier vol Saigon Bangkok, puis Bangkok Udon-Thani, pour une arrivée en milieu d’après-midi, sous un soleil éblouissant et une petite trentaine de degrés.
C’est le boss de la distillerie qui vint me chercher dans son pickup flambant neuf, aux couleurs de la marque. Il n’était lui-même rentré de l’hexagone que deux jours auparavant, ses affaires françaises l’ayant retenu un peu plus longtemps que prévu ; j’ai eu chaud…

Paysage de l’Issan
Pendant les 50 minutes qui nous séparaient de la distillerie, nous avons parlé de tout et de rien mais surtout de voyage et de rhum. J’appris entre autres que la première distillation de la saison se fera durant mon bref séjour de trois jours sur place ! Bim !

Là où tout se passe : la distillerie Issan Rhum
Après cette petite heure de trajet dans un environnement très nature, nous parvenons à la distillerie, qui est aussi la maison de David et de son adorable femme Lek. Non, cela ne veut pas dire que l’alambic trône au milieu de sa chambre à coucher, mais à vrai dire il n’en est pas loin non plus, sous le bâtiment attenant. Je fais également la connaissance d’une partie de l’équipe, qui venait d’en terminer avec leurs tâches de la journée, manutention, pelage ou encore pressage.

Le maître des lieux aux ultimes vérifications
David me fait faire le tour du propriétaire, avec, outre la maison et la pièce partiellement ouverte où se trouve l’alambic (à laquelle est accoté un bureau assez sommaire flanqué d’une étagère sur sa gauche), l’espace dédié au travail des employés où les cannes sont amenées, tronçonnées, pelées et pressées, et le jus mis en fermentation (trois jours durant). C’est relativement vaste même si trop petit lorsque la saison bat son plein et que l’équipe est au complet. Puis de l’autre côté du sentier par lequel j’étais arrivé, se tient une petite cahute en bois dotée d’un canapé et d’une table basse ainsi que de l’essentiel bar. Elle est ouverte sur deux de ses côtes, ce qui permet d’y entrer et de la traverser afin d’accéder à une terrasse sur pilotis assez spacieuse, surplombant un étang et aménagée afin de pouvoir y prendre un verre, un bon repas et dans tous les cas, du bon temps 🙂

Le coin bar, qui aura bien servi !
Le soir tombe vite en Issan, aussi lumière déclinante est synonyme d’apéro ! Quel bonheur de pouvoir enfin déguster un ti-punch après plusieurs mois de diète 🙂 Issan Rhum, joue de citron vert de la région et sirop de sucre de canne, ahhh… Un glaçon s’y serait-il même glissé afin d’amoindrir les effets de la chaleur ambiante ? Possible 😉

Aaaaahhhh ce ti-punch…
C’est avec mon verre à la main, que je suis allé voir de plus près les deux petites presses, alors à l’arrêt, l’alambic encore froid de la saison précédente mais surtout les cuves de fermentation, qui, elles, avaient déjà commencé leur “travail” en recevant les jus des cannes fraîchement pressées la veille et l’avant veille.

Cuve de fermentation récente

Cuve de fermentation 24 heures plus tard
Et là, je vais sans doute paraître naïf et un peu simple mais ces cuves de fermentation étaient passionnantes ! Celle contenant les jus depuis 48 heures dégageait une odeur d’alcool difficilement manquable, arborait une couleur jaune pas vraiment ragoûtante et montrait une surface calme parsemée “d’échardes” de canne à sucre. Mais la plus récente, elle, était tout à fait différente, mousse en surface, pétillement incessant et dégagement de chaleur, tandis que le parfum entêtant qui s’en dégageait était une association entre jus de canne frais et alcool léger. Cette chaleur, ce pétillement… pour moi, petit novice de la production vue de près, étaient tellement fascinants ! Je restais penché au dessus de la cuve pendant de longues minutes à admirer cette réaction chimique où l’alcool se crée et où le sucre disparaît ; il y a de la vie là-dedans ! Je hume, je regarde, j’écoute, je suis une éponge.

Diner absolument succulent !
Après ces longues minutes de découverte, il est temps de passer à table, et encore une fois j’ai été extrêmement bien accueilli ! Poisson entier grillé, calamars et coquillages dans une sauce qui s’avéra proche de la perfection, le tout accompagné de riz d’Issan, à savoir mon riz préféré : du riz gluant. Punaise, je m’en suis mis plein la panse ! Bien sûr, et comme tous les soirs durant mon tel bref séjour, David et moi avons eu de longues conversations sur le ponton/terrasse, surtout orientées rhum (ah bon ?). Nos expériences, surtout les siennes, ses nombreux projets, nos connaissances en commun… bref il n’y a pas eu tellement de silences 🙂 En revanche, des verres de rhums… Ça faisait bien longtemps que je ne m’étais pas couché aussi tard (et aussi imbibé, je dois l’admettre).

Paysage de l’Issan
C’est après une longue nuit de sommeil dans ma guest et beaucoup d’eau ingurgitée durant ces quelques heures réparatrices, que je me suis mis en chemin, à pied, vers la distillerie, pour la découvrir en pleine action. Une petite vingtaine de minutes sur une route en terre battue bordée d’arbres et de champs et me revoilà où tout se passe. Et là, quelle différence avec la veille ! Mouvement, bruit, bref : activité. Six ou sept femmes sont là à peler les cannes, deux hommes aux presses et un troisième qui déplace les cannes d’un poste à l’autre pour faciliter le travail du reste de l’équipe. Et pourquoi une majorité de femmes, me demanderez-vous ? La raison est simple : les hommes sont de grands enfants avec un côté coureur de jupons en prime, du coup ils sont beaucoup moins fiables que les femmes :D. En tout cas, tout le monde est affairé et sait parfaitement ce qu’il a à faire. Le tout se passe dans une ambiance qui semble excellente, entre la musique et les éclats de rire, alors que les tâches des uns et des autres sont physiques et pas si faciles que ça.

L’équipe d’Issan Rhum au travail
Ma journée débute rapidement, peu de temps après avoir salué tout le monde et avoir grignoté un truc, David et moi enfourchons le scooter et suivons un couple d’agriculteurs qui souhaite montrer à David une nouvelle parcelle de cannes à sucre qu’ils souhaiteraient lui vendre ; les cannes, pas la parcelle. Après inspection et quelques paroles échangées en thaï entre mon hôte et le couple, la conclusion est que ce champ est trop difficilement accessible et ne pourra donc pas être une nouvelle source d’approvisionnement pour Issan – pas très grave à vrai dire car après plusieurs années de travail, David a déjà bon nombre d’agriculteurs qui travaillent avec lui. Il faut noter que ces champs sont cultivés pour donner des cannes qui respectent les critères du bio, même si ce n’est pas mis en avant.

Ça aussi c’était drôlement bon !
Nous revenons de notre expédition matinale, à temps pour se mettre à table avec une partie de l’équipe, non sans avoir jeté un œil aux cuves de fermentation où se passent des choses encore différentes de la veille, avec un bouillonnement réduit dans une et une mousse changeant de couleur et le calme plat dans la seconde mais une odeur d’alcool plus marquée que la veille… Toujours aussi passionnant. Et le repas ? Une nouvelle fois délicieux, copieux et on ne peut plus local !

La presse, à laquelle je me suis essayé quelques minutes 🙂
C’est alors que le travail reprenait de plus belle à la distillerie, que nous reprîmes le scooter pour aller rendre visite à un couple suisse récemment installé dans le coin avec l’idée un peu folle – mais déjà fonctionnelle et réussie – de créer une école hôtelière dans cette “partie reculée” de Thaïlande, en prenant comme élèves des adolescents issus d’orphelinats de la région. Un magnifique projet très bien mené et aux effets tellement positifs pour ces enfants, qui sortent de l’école avec un solide diplôme en poche et n’ont aucun mal à trouver un emploi au sein de cette industrie du tourisme, si importante en Thaïlande. Ce lieu est encore en plein développement et pourra ainsi accueillir plus d’enfants et ce dans des conditions encore meilleures sur les années à venir. Chapeau !

Rhum et jus de canne frais, totalement irrésistible !
De retour à la distillerie, la suite de l’après-midi à été ponctuée de visites de touristes et d’amis de passage avec lesquels j’ai pu tranquillement discuter sur le ponton, autour d’un verre (par exemple d’un long drink : rhum et jus de canne, tout simple et délicieux !). J’ai pu découvrir plein d’histoires et de personnalités intéressantes, qu’il s’agisse de retraités installés dans cette région paisible pour y couler de doux jours, d’entrepreneurs implantés en Thaïlande depuis de nombreuses années, ou encore de voyageurs visitant l’Issan et ayant entendu parler de la distillerie. Une super après-midi pleine de rencontres 🙂

Je n’étais pas le seul à apprécier ce jus de canne fraichement pressé 🙂
La soirée s’est également tranquillement déroulée, avec, vous l’aurez deviné, son lot de bons petits plats, de dégustation (dont un Séverin 1986 ramené de France par mes soins – merci encore Benoît), de ti-punchs, de mise en fermentation des jus du jour et de conversations nocturnes.
On y prend goût à toutes ces petites choses-là !
Profites bien de tes visites, chaque distillerie est une nouvelle histoire et une atmosphère unique.
Hervé
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C’est la seule unique lors de mon périple pour l’instant, mais je vais compenser une fois en Martinique ! 😉
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Wouhaou, tu nous vends du rêve.
C’est une distillerie que j’aimerais beaucoup découvrir également. J’ai bien l’intention de faire un séjour en Thaïlande l’année prochaine, je rêve de pouvoir faire un détour vers la distillerie Issan.
Mais sans même parler particulièrement d’Issan, c’est tellement beau de pouvoir voir le travail des hommes qui fabriquent le rhum. Je rêve de ma première visite dans une distillerie. Je ne sais pas encore laquelle ce sera car je ne peux pas encore voyager, mais j’en rêve. Ton aventure me donne l’eau à la bouche et me donne bien plus envie de vivre ma propre découverte. Ce contact humain, ce partage de culture et surtout de ti’punch.
Je t’envie beaucoup, merci de nous avoir partagé une part de rêve.
J’ai hâte de vivre le mien.
J’ai également hâte de lire la suite de tes aventures.
Rhumamicalement,
Régis,
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Merci Régis !
C’est tout le mal que je peux te souhaiter 😉
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Génial merci pour ce beau récit 👍👍
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Merci du compliment ! Ce fut réellement un moment inoubliable 🙂
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ma femme venant d’Udon Thani, je peux imaginer !!! Je me rappelle encore très bien mon premier séjour dans la famille et du dépaysement !! En ajoutant la passion du rhum à tout ça, ça devait faire un sacré périple 🙂
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