Comme vous vous en doutez, je suis loin de n’avoir que des samples de rhums agricoles, bon nombre de “rums” peuplent mes étagères. Parmi eux, quelques vieilleries acquises par lot, précisément afin de pouvoir me livrer à des dégustations comparatives. Parmi ces groupes d’échantillons achetés de longue date, quatre Long Pond de l’embouteilleur indépendant Silver Seal de la série Millenium. Cette dernière se compose de plus de bouteilles mais mon but n’était pas de toutes les rassembler, juste d’avoir une idée de ce à quoi pouvait ressembler ce genre de rhum.
Dans ma démarche de réduire ma bibliothèque de samples, je me suis donc naturellement attaqué à ces quatre Long Pond de chez Silver Seal et voilà ce qui en ressort.
Long Pond – Silver Seal – Millenium – 46%

Long Pond – Silver Seal – Millenium Reserve – 46% (photo : Silver Seal Rum Collectors)
Au premier nez, c’est la gourmandise qui ressort avec principalement les fruits tropicaux et une légère âcreté des rhums jamaïcains mais mesurée. A priori il peut faire partie de la famille des Long Pond que j’affectionne. Le second nez nous conforte dans notre impression première et l’aération tend à accentuer sa gourmandise en ajoutant aux fruits tropicaux, des fruits compotés, l’abricot en tête. Le bois fait lui aussi une apparition remarquée et presque un peu trop tonitruante, accentuée par une pointe torréfiée. L’identité jamaïcaine est toujours là mais de manière de moins en moins nette.
Ça sent bon ! Equilibre et gourmandise sont au rendez-vous et j’ai comme une envie de croquer dans ces fruits et de m’asperger de leur jus et de ce sirop dans lequel ils ont passé un bon moment. Après un long moment, la noix arrive et accentue encore la gourmandise (j’aime beaucoup la noix ! 😊.
En bouche, on s’éloigne encore de la Jamaïque et bien que l’on perde en intensité et en richesse on garde une relativement bonne impression générale mais malheureusement un peu aqueuse. Il se fait aussi plus végétale et on perd un certain nombre des marqueurs du nez qui m’avaient tellement plus.
La finale est plus sèche que prévue et perd rapidement en intensité, ce qui est sans doute lié au faible degré alcoolique. A vrai dire, très rapidement, on ne garde en bouche que cette impression d’un bois sec, voire amère. Pas top.
On ne fait que descendre durant cette dégustation : un nez vraiment super, complexe et gourmand, puis une bouche qui ne tient pas ses promesses et enfin une finale presque inexistante et pas franchement agréable. Ça commençait tellement bien ☹
Long Pond – Silver Seal – Millenium 21 ans (version claire) – 50%

Long Pond – Silver Seal – Millenium 21 ans (version claire) – 50% (photo : Silver Seal Rum Collectors) – A noter qu’en fait cette photo n’est pas la bonne illustration de la version claire, qui est en fait dans une bouteille foncée ; c’est bien la teinte du liquide qui importe (pas celle de la bouteille), comme on peut le voir dans la dernière photo, l’un des quatre est bien plus pale, c’est la version claire.
Au premier nez, moins tropical que le précédent, on sent tout de suite qu’il a été vieilli sur le vieux continent et l’on pourrait plutôt se situer du côté de Clarendon et donc d’un Monymusk typique du vieillissement continental avec des notes de pomme, d’autres végétales et un vernis qui couvre l’ensemble. L’avoir mis en contact avec les bords du verre l’a rendu encore plus intense et un peu piquant. Cependant, le bois là aussi ressort, avec une touche d’amande amère – il reste très vert. Vraiment caractéristique d’un rhum jamaïcain resté en fût en Europe, avec malheureusement ce que cela entraine en termes de manque de gourmandise et de chaleur.
Pas mon truc, malgré de petites touches d’agrumes sur le haut du verre qui apportent une gourmandise toute relative.
En bouche, une surprenante légère sucrosité nous cueille et contrebalance les notes végétales. Il se fait un peu plus gourmand qu’au nez avec l’amande qui devient plus frangipane et le bois mesuré et pas désagréable, même si un tout petit peu piquant. Y aurait-il même des fruits qui feraient leur apparition ? Peut-être bien.
La finale n’est pas aussi empyreumatique que bon nombre de rhums jamaïcains continentaux, ce qui lui permet d’offrir une dernière facette de son visage plus équilibrée.
C’est le seul de la série qui a tendance à suivre le chemin inverse des autres, avec un nez « classique » et trop végétal, puis une bouche et une finale qui sortent un peu des balisages habituels. Pas si mal au final.
Long Pond – Silver Seal – Millenium 21 ans (version foncée) – 50%

Long Pond – Silver Seal – Millenium 21 ans (version foncée) – 50% (photo : Silver Seal Rum Collectors)
Au premier nez, il est moins expressif que les deux premiers même si je le rangerais plutôt aux côtés du 46%. Moins intense et surtout presque exempt de ses racines jamaïcaines, il pourrait venir du Guyana. L’aération nous conforte dans la différence marquée entre cette version foncée et la version claire. Il gagne en identité et en expressivité et offre un profil assez inhabituel, avec tout de même des fruits exotiques dont une orange qu’on imagine bien mûre et très juteuse mais aussi une note florale capiteuse, ainsi qu’une pointe minérale. Le fût se fait remarquer là aussi de manière assez lourde, bien que réhaussé par une timide apparition végétale et mentholée.
Pas mal du tout, je vais lui laisser plus de temps. Il n’est pas sans me rappeler le Guyana 2003 de chez Rum Swedes (que j’ai toujours beaucoup aimé). Avec presque une heure dans le verre, il n’évolue plus tellement mais grade son intensité.
En bouche, c’est intense et l’alcool est bien dosé en offrant un peps agréable. On garde les fruits et le bois (qui tient le premier rôle) et la note florale demeure. Le fût prend un peu trop le pas sur les fruits -sans totalement les occulter malgré tout – ce qui est dommage. Plus de texture que le 46% mais beaucoup moins que le Rum Swedes, la comparaison s’arrête là.
La finale a bien plus de corps que sur la version et de longueur à 46% et tant mieux ! Ce sera tout de même le bois qui restera maître ici de la dégustation, avec une certaine amertume.
On suit malgré tout un peu la même pente que sur le rhum au plus faible degré du line up, sans qu’elle soit aussi inclinée, heureusement. Bref, un joli nez.
Long Pond – Silver Seal – Millenium Reserve – 55%

Long Pond – Silver Seal – Millenium Reserve – 55% (photo : Silver Seal Rum Collectors)
Au premier nez, on se rapproche assez nettement du précédent tant au niveau des marqueurs de son origine, ou plutôt de leur absence, que de sa relative retenue, particulièrement pour ses 55%. C’est au deuxième nez qu’il prend ses marques et vient à se différencier plus nettement du précédent, à commencer par son degré alcoolique qui m’a même surpris (j’y ai laissé un poil de nez). C’est aussi – et sans réelle surprise au vu des trois autres – le boisé qui se signale à nos narines. Un boisé où les douelles seraient imbibées et imprégnées de de jus de fruits tropicaux, épais et sucré. Le temps dans le verre accentue cette impression de gourmandise lourde et collante. Peut-être une parenté avec le Guyana là aussi et un petit quelque chose des vieux embouteillages Velier (Port Mourant 1997 peut-être), sans tout à fait les atteindre cependant.
En bouche, il est plus huileux que les autres, sans doute les degrés supplémentaires et l’attaque se fait sur les fruits bien mûrs ! Ah, enfin ! L’alcool n’a ici qu’un rôle positif à jouer avec texture et attaque mais sans le feu. Le fût est présent aussi bien sûr, mais l’équilibre se créé entre les différents composants. La Jamaïque est quand même bien loin et sa parenté gustative avec le Guyana est bien plus évidente.
La finale là encore est surtout boisée mais un boisé plus agréable, moins amer et plus gourmand. Les fruits disparaissent tout de même bien vite, alors que j’aurais bien aimé qu’ils nous accompagnent jusqu’à la fin.
Le meilleur des quatre ! Il n’est pas parfait, non mais il a suffisamment de qualités pour tirer son épingle du jeu et se tailler la première place, finalement assez facilement si on prend en compte l’ensemble de la dégustation. Les départager au nez aurait bien plus compliqué, mais ce Millenium Reserve tient bien mieux la distance.

Long Pond – Silver Seal – Millenium – Line up des samples
Voilà, c’est fini ! Je ne regrette pas d’avoir acheté ces échantillons il y a plusieurs années de cela et cette dégustation, bien que non exempte de défauts, m’aura quand même drôlement fait plaisir.
Sachant qu’il y en a au moins le double dans cette collection, peut-être un jour pourrai-je poursuivre cette expérience 🙂
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