Rassurez-vous, c’est la dernière partie ! Il fallait bien un ultime article pour s’attarder sur tout un paquet de rhums dégustés, ainsi que quelques armagnacs.
Je dirai également un mot de la Cocktail Street, véritable événement dans l’événement.
Commençons par les embouteilleurs indépendants, avant de passer aux officiels (comprenez, les distilleries elles-mêmes).
Le Rhum
The Wild Parrot Barbados (WIRD) 1996-2022 – 51,2%

Nez : il me donne l’impression d’être principalement un pot still, aussi, on perd la gourmandise coco habituelle des Barbade pour aller vers un profil plus végétal, qui se fait, ici, aussi beurré.
Bouche : jolie texture épaisse, on retrouve notre beurre et un côté pâtissier. Alcool parfait
Finale : on garde cette dualité végétale et pâtissière avec des notes empyreumatiques qui arrivent
Un peu trop sur le pot quand même, bien qu’il y ait du beurre là-dedans, ça manque de plaisir à mon goût.
J’ai malheureusement loupé les whiskys de cet embouteilleur italien, ce qui est dommage quand je repense à la dégustation d’un Benrinnes 23 ans lors du Whisky Live 2021.
The Nectar of the Daily Drams
Voilà un embouteilleur sur lequel je ne me suis jamais vraiment penché, plus par manque d’occasion qu’autre chose (je crois avoir uniquement dégusté un embouteillage spécial de New Grove au Salon du Rhum à Spa en 2017). The Nectar était donc présent, armé de cinq expressions.

The Nectar of the Daily Drams – Mauritius 12 ans – 54,3%
Sourcé chez Grays (lieu de production des rhums New Grove), il a été vieilli en Port cask.
Nez : très chaud et compoté, caramel brûlé
Bouche : on retrouve cette identité hyper chaude et concentrée, figue, pruneau, empyreumatique
Finale : longue, toujours une belle impression de chaleur et un boisé qui colle aux dents
The Nectar of the Daily Drams – Réunion 4 ans – 60,8%
Il provient de la distillerie Savanna.
Nez : jeune avec de la fougue mesurée, noisette
Bouche : alcool présent mais ne brûle pas (à condition de ne pas le garder 5 minutes en bouche le temps de trouver un crachoir comme ce fut mon cas), jolie texture grasse là encore, on retrouve notre noisette
Finale : légèrement pâtissière, moyennement longue
The Nectar of the Daily Drams – Ghana 2 ans – 66,5%
Jus de canne vieilli en fût neuf
Nez : high ester, copeaux de crayon, côté très mûr/pourri, très intense, un peu de fraise
Bouche : alcool pas si mal, grosse concentration, fait saliver, un côté vin cuit
Finale : long, chaud, boisé, vanillé et fruits compotés
Impressionnant (même si je n’aime pas la fraise) et intéressant de voir arriver plus de rhums d’Afrique.
The Nectar of the Daily Drams – Guyana 21 ans – 50,2%
Mark SV, qui correspondrait à l’alambic Diamond.
Nez : un Guyana bien sombre et gourmand, réglisse, boisé mais également à l’expression tropicale
Bouche : alcool mesuré, on confirme le boisé réglisse, bien noir, on imagine un fût cramé, colle aux dents
Finale : long, sur cette dominante de boisé, toujours très sombre
The Nectar of the Daily Drams – Ecuador 1 an – 55%
Il nous vient de la distillerie Romero and Sons.
Miel de jus de canne, donc une sorte de sirop de batterie a priori.
Nez : jus de canne à mort (étonnamment), onctueux et végétal à la fois
Bouche : bien vesou mais avec autre chose, un côté plus esters, lui aussi fait saliver, belle intensité
Finale : typique jus de canne, avec un léger accent jamaïcain
J’ai réellement beaucoup aimé cette sélection des Belges de The Nectar ! Des jus atypiques – et bons – qui changent des provenances et des profils habituels. Bravo !
Rest & Be Thankful
Jeune embouteilleur aux bouteilles colorées, il se concentre (pour l’instant ?) uniquement sur des rhums jamaïcains.

Rest & Be Thankful – Monymusk 2012 – 46%
Vieillissement moitié sur place et moitié en Écosse.
Typique de bout en bout avec le végétal, l’empyreumatique, quelques fruits épicés…
Pas franchement intéressant du coup, trop classique pour moi.
Rest & Be Thankful – Monymusk 1999 – 53,9%
Nez : l’âge et le degré le rendent bien plus exotique et agréable mais aussi un peu trop boisé
Bouche : alcool bien en place, on a des fruits mais surtout du bois
Finale : le bois reste devant, avec un peu d’amande amère. Après un long moment, un peu de pêche fait une timide apparition
Rest & Be Thankful – Monymusk 2000 – 60,1%
Nez : plus rond (malgré l’alcool) mais encore plus boisé, décidément ces copeaux de crayon taillé…
Bouche : sucre et alcool
Il m’a définitivement perdu sur la bouche
Rest & Be Thankful – Micro batch #01 – 58,7%
Assemblage pot et colonne de 4 distilleries jamaïcaines
Nez : la Jamaïque dans le verre avec beaucoup fruits “pourris”, un peu de solvant et pas trop de bois
On garde cette idée sur la suite de la dégustation, avec une puissance qui se remarque mais une facilité malgré tout, peut-être la présence de colonne qui arrondit les angles. En tout cas, il marche bien. Sans doute mon préféré des quatre.
Silver Seal
Je me frotte régulièrement à cet embouteilleur italien, qui propose des rhums depuis de nombreuses années. Mon expérience est assez variée avec quelques perles, tel que ce Port Morant 1975 mais aussi des dégustations moins réussies, avec par exemple cette série des Millenium jamaïcains, où il y a du bon et du moins bon.
Et je n’ai pas pris de photos des bouteilles sur le stand, comme quoi, même moi, je fatigue parfois 😀
Navy Rum – 57%
Nez : manque d’identité avec essentiellement le côté Guyana qui ressort
Bouche : très facile mais peu d’intérêt – peut-être suis-je passé par des trucs trop costauds précédemment, ce qui aurait trop marqué mon palais.
Panama 18 – 50%
Nez : on est sur un profil Panama comme on a déjà pu voir chez des IB, avec une surprenante facette fumée
Bouche : bonne surprise en bouche pour cette origine avec de la sucrosité, du bois et une belle concentration, de la noisette
Finale : on garde la relative rondeur boisée sur la longueur et la note fumée revient
Bonne surprise
Guyana 19 – 64,8%
Port Mourant
Veto. Trop fort et trop Port Mourant
Jamaica 21 ans – 58%
Nez : sans doute un mark très bas, plus marqué par le vieillissement que le distillat
Bouche : assez gourmande sur une veine boisée assez facile mais pas si simple que cela malgré tout
Finale : on garde le côté pâtissier mais avec un peps qui réveille
Encore une impression en demi-teinte chez Silver Seal sur ces sorties.
Rum Sponge

Rum Sponge – Clarendon 15 ans – 57,1%
Nez : l’alcool a l’air trop fort, végétal
Bouche : boisé acide et piquant
Je passe
Rum Sponge – Enmore 31 ans – 58,4%
Nez : boisé, réglisse, très sombre, copeaux de crayon (encore eux…)
Bouche : entre le boisé piquant et un torréfié chocolaté
Trop vieux et trop continental à mon avis
Alors là, ce fut bref et vraiment pas concluant.
Foursquare Isonomy – 57%

17 ans passés en ex-fût de bourbon
Nez : essentiellement fruits à coque, comme caramélisés ou torréfiés, chaud mais assez simple
Bouche : on garde la chaleur et ça se boit très facilement, d’autant que l’alcool est bien intégré, trop simple pour moi, pourrait devenir écœurant
Finale : on a notre coco sur la finale, qui se débarrasse progressivement de sa chaleur concentrée
Pas mauvais mais manque de complexité ou de finesse à mon palais.
New Grove Single cask Vintage 2010 – 65,2%

Fût neuf du Limousin 12 ans
Nez : gros fruité frais et compoté, attention à l’alcool
Bouche : alcooleux, trop
Finale : on repart sur les fruits
Isautier

Isautier – Louis et Charles – 45%
Ex fût de cognac, blend de mélasse 14 ans et pur jus 22 ans, à 50/50
Nez : on est à la Réunion, en bien et en moins bien avec ce côté plastique chaud, mais aussi caramel, vanille et menthol
Bouche : intense et légère *notes illisibles sur le téléphone…*, avec à nouveau ce positif et ce negatif
Finale : longue et toujours ce même double constat
Isautier – Alfred – 45%
12 ans mélasse
Nez : il me plaît davantage, il n’y a pas ce « défaut » qui me dérange parfois, plus de gourmandise mais peut-être un peu moins d’intensité
Bouche : on retrouve la bakélite et l’intensité en bouche
Finale : grosse longueur
Isautier – Antoinette – 55%
14 ans mélasse
Nez : les degrés en plus apportent clairement quelque chose puisque l’on gagne en fruits (secs et à coque), torréfiés, caramélisés
Bouche : Intensité et longueur et bien qu’on ait l’identité Réunion, le « défaut » reste très discret, ce qui le rend très intéressant
Un peu le même constat que sur les deux cuvées pour le catalogue Antipodes, j’ai de la difficulté à faire abstraction de cette note bien particulière ou à la voir autrement que comme quelque chose à corriger. Malgré tout, il y a de très bonnes choses dans ces rhums. Je me répète mais je suis content de voir cette distillerie proposer de nouvelles choses.
Takamaka

Des processus d’élaboration extrêmement alambiqués sur certaines cuvées, des copeaux, des plus petits copeaux, un système d’ébullition à basse température (cavitation), différents fûts…
Le maître distillateur derrière le stand s’est avéré être très intéressant, hyper pointu et on ne peut plus transparent !
Takamaka – Pti Lakaz – 45,1%
30% pur jus et 70% mélasse, blend élevé trois ans avant d’y ajouter un peu de Foursquare 8 ans
Nez : surprenant, vanille, torréfié, agrumes, quelques épices et un peu de coco
Bouche : on retrouve bien les différents éléments avec une fraîcheur notable
Finale : on garde la fraîcheur mais on a aussi beaucoup de beurre
Takamaka – Grankaz – 45,1%
30% pur jus et 70% mélasse, blend élevé trois ans avant d’y ajouter un peu de Foursquare 8 ans. Quelle est la différence avec le précédent me demanderez-vous ? Je vous répondrai que je ne m’en rappelle plus.
Nez : pas trop éloigné du Pti Lakaz mais un peu moins rond, plus d’épices, et globalement un peu mieux
Bouche : cette autre identité est validée en bouche avec plus de peps et de vivacité. Plus sec également
Finale : on retrouve un peu le côté beurré mais en gardant les épices et le côté sec
Takamaka – Extra noir – 43%
Produit pour la mixologie, avec un process de production bien complexe.
Nez : un côté vraiment fût cramé, il y a une facette légèrement fumée et un peu épicée
Bouche : on a beaucoup de bois à très forte chauffe
Finale : on garde longtemps des tannins et des épices
Un peu perplexe je fus. Curieux également, cette dégustation m’a donné envie de suivre d’un peu plus près ce qui se trame aux Seychelles.
L’Armagnac
Domaine de Charron
J’avais “redécouvert” cette maison lors du Whisky Live 2021 et étais impatient de poursuivre sur ma lancée.

N°149 (7 ans) – 50,8%
Un profil que je ne connais pas, qui donne l’impression que le jus qui prime encore sur le fût, je lui ai même trouvé un petit quelque chose d’esterisé fruité très agréable.
2001 – 49,9%
Des fruits ! Bien cuits et sucrés et acides et torréfiés et à coque… de tout ! Autant en bouche, qu’au nez que sur la finale.
Une belle longueur où un peu de bois arrive mais en se fondant aux fruits.
Une réussite ! Sachant qu’il reste encore pas mal de jus dans le fût, il va falloir suivre ce millésime et son évolution de près 🙂
1996 – 48,6%
Un peu dur de passer après ce 2001. On a clairement plus de bois et moins de fruits. L’ensemble reste pas mal fondu et la bouche est saisissante, dans le bon sens du terme.
L’Encantada
Cela faisait bien trop longtemps que je n’avais pas dégusté les embouteillages de L’Encantada, cela fait même précisément 5 ans, lorsque j’avais fait une pause à leur stand au Whisky Live 2017.

Domaine del Cassou 1987- 48,8%
Bas Armagnac – Baco
Le nez est avenant et l’attaque confirme une gourmandise concentrée, puis le bois prend progressivement le pas jusqu’à la finale qui devient un peu terreuse et amère.
Domaine Pouy 1998 – 56%
Armagnac Ténarèze – Ugni blanc et Colombard
Je crois que c’est la première fois que je goûtais un Ténarèze.
Rien à voir !
Je ne connais simplement pas ce profil, complètement déstabilisé par le nez. En bouche on a un mix du nez et d’une trame plus classique. La finale repart sur la typicité du nez où c’est le fruit (jaune) qui domine mais un fruit travaillé qui a bien été fatigué et/ou qui est très mûr.
Lous Pibous 2002 – 57,4%
Une association surprenante entre notes beurrées, légèrement pierre à fusil, médicinal mais en bouche c’est juste une vague gourmande qui envahit le palais.
J’ai vu le degré plus tard et n’aurais jamais pensé qu’il était aussi élevé.
Domaine Cutxan 1997 – 41,9%
Décidément, encore autre chose… on a les notes Armagnac mais mâtiné de notes légèrement fermières, puis il devient plus classique (réussi) en bouche. Manque peut-être d’une côté plus chaleureux.
Ce qui m’a marqué c’est essentiellement les différents profils sur ces quatre armagnacs, un réel travail de sélection.
Cocktail Street

Que dire qui ne l’a pas déjà été sur la Cocktail Street ?
Pour les deux du fond qui n’auraient pas suivi, la Cocktail Street est une zone à l’extérieur du salon en lui-même (et du bâtiment) où vous pourrez trouver moult plaisirs solides et liquides. Cette année, la Street avait franchi un cap en taille et en nombre de bars éphémères (et en décibels ^^). Quelles que soient vos préférences, vous pouviez trouver votre bonheur le long de l’allée de la street food ou au détour du grand carré des cocktails. Comme d’habitude, j’ai passé le plus clair de mon temps au stand Velier, a.k.a. The Daiquiri Machine (comme ici ou encore là). Et, comme d’habitude, j’étais bien entouré, pas les amis du rhum, venus étancher leur soif de bons cocktails et de fous rires ; ils se reconnaitront 😉
A noter tout de même la visite au stand Fréquences, sur lequel j’ai dégusté une création à base de Takamaka Extra Noir et de Schochu d’orge (ainsi qu’un peu de pandan), sur le modèle d’un old fashionned. J’ai été emballé et mon palais a été marqué pendant un bon quart d’heure ! 😀

Voilà, s’est fini… Nous nous retrouverons l’année prochaine Whisky Live !
Mon Whisky Live 2022 – partie 1
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