Vous me connaissez, mon truc c’est le rhum. Il est donc logique que j’écume les salons dédiés à ce spiritueux. Mais depuis quelques temps, je lorgne du côté d’autres spiritueux, cognac en tête – sans parler des bières ^^
Vous avez pu voir sur Facebook, mes billets sur certaines visites : le whisky Jameson en Irlande et plus récemment les cognacs Grosperrin à Saintes.
Afin de continuer dans cette voie d’expansion de mes horizons spirituesques, il n’était que naturel que je m’intéresse à un des nombreux salons de la rentrée, spécialisé dans les spiritueux français celui-là : France Quintessence.
France Quintessence existe depuis 2015, et ce n’est que cette année, pour sa 5ème édition que j’y aurai mis les pieds, et le nez.

France Quintessence – la vue quand on arrive dans l’espace dégustation principal
Beaucoup beaucoup de choses à découvrir pour un novice comme moi sur plein d’eaux-de-vie. Mais avant d’en arriver sur les dégustations en elles-mêmes, un petit mot sur l’organisation du salon.
Avant tout il s’agit d’un très bel endroit que le Pavillon Ledoyen, là où se déroulent les réjouissances. Le rez-de-chaussée est exclusivement dédié aux stands et à la dégustation (ou presque puisqu’il y a quand même aussi un coin librairie) alors que le premier étage est divisé entre conférences, espace dédié aux accords avec différents mets et tout de même une salle avec quelques exposants (pas les pires ;).
Je ne peux pas comparer aux années précédentes mais la fréquentation m’a semblé bonne sans pour autant surcharger les allées et les stands, bien agréable en tant que visiteur, et j’imagine aussi en tant que producteur.
Autre “détail” bien appréciable, la présence des fontaines à eau en plus des bouteilles présentes sur les stands. Comme je le dis souvent, l’eau devient rapidement le liquide le plus rare lors de ce genre d’événement, cette fois-ci aucun problème de ce côté-là. En plus de ça, des stations rinçage de verres étaient disponibles un peu partout.
Je ne pourrai pas vous parler des activités, telle que le food-spirit pairing, les bars à cocktails ou encore les conférences (dont les enregistrements sont sur la page Facebook de France Quintessence), puisque je n’ai fait rien de tout ça. Seul petit écart à mon marathon dégustation : un petit exercice rigolo qui consistait à humer huit spiritueux dans des verres noirs afin d’en découvrir la nature. Et pour ceux que ça intéresse, je n’ai pas été ridicule 😛

Cognac Delamain
Bref, parlons maintenant de ce que j’ai découvert !
Depuis mon séjour du côté de Cognac, j’ai voulu en savoir plus sur la plus célèbre eau-de-vie française. Aussi ai-je commencé cette longue après-midi par m’atteler au Cognac. Et là juste à côté de moi, je vois le stand Delamain, maison dont j’ai une image très positive mais sans vraiment savoir pourquoi ; sans doute une mémoire collective familiale ou quelque chose du genre. Tous les cognacs de chez Delamain sont des grande champagne, ils n’ont rien en-dessous de XO et les fûts qu’ils utilisent sont des fûts roux (déjà utilisés plusieurs fois et qui ne donnent donc pas trop de bois) ce qui permet au fruit de s’exprimer pleinement. Toutes les bouteilles présentées étaient à 40%.
Le Pale and Dry, un assemblage entre 18 et 25 ans (pas mal pour l’entrée de gamme…), offre un nez sur la finesse, avec la vanille, des fruits dont l’orange et la pèche, ainsi qu’un tabac qui se fait discret. La bouche est, comme son nom l’indique, relativement sèche et j’ai trouvé que la finale manquait un peu de caractère.
Le Vesper ensuite, “bébé” d’environ 30 ans, qu’il passe dans des chais plus humides. Le nez et plus expressif et riche, très porté sur les fruits lui aussi, mais des fruits gorgés de soleil. Il perd cependant en finesse.
Et enfin le millésime 1988, se présente sous un profil plus sombre et chaud sur des arômes de fruits à coque, de tabac et d’épices. La finale est longue et reste intense un long moment.
Trois expressions bien différentes les unes des autres mais je pense avoir préféré le premier, plus fin et plus frais.

Coganc Rémy Martin
Rémy Martin n’était pas loin, aussi ai-je donc enchainé sur cette grande maison de cognac. Ici nous sommes sur des fine champagne, et donc sur un blend de grande et petite champagne avec au moins 50% de grande champagne.
Le VSOP (4 à 15 ans) n’est pas si mal mais il lui manque quelque chose et la finale est un peu “endormie”.
Le 1738 (4 à 20 ans) a beau être plus gourmand (et plus facile) avec ses notes torréfiées et de chocolat au lait, il m’a semblé moins intéressé que le précédent entre autres de par son manque de finesse.
Le XO (10 à 37 ans) est sans commune mesure le plus expressif, riche et complexe. Il est dominé par les fruits à coque mais des notes chaudes le caractérisent aussi. Long et évolutif, il m’aura bien plu.

Gognac Augier
On change totalement de registre avec une vieille maison de cognac mais qui a décidé de revoir sa copie afin de se différencier de ses petits camarades : Augier. Leur idée est de mettre en avant un cépage et un lieu. L’Océanique par exemple est 100% uni blanc (le cépage) qui nous vient de l’Île d’Oléron. Je l’ai trouvé très atypique, surtout après les deux dégustations précédentes ; une quasi absence du bois et donc un premier rôle fièrement tenu par les fruits, avec en prime une finale saline. Intéressant.
Le Singulier nous vient de raisins de grande champagne ; leur cépage, la folle blanche, représente désormais une fraction ridicule du raisin cultivé pour le cognac (après avoir été le cépage dominant). Je l’ai d’abord trouvé plus fin, plus léger et très porté sur le raisin. La bouche et la finale sont plus expressives, plus franches. Le nez, dans un second temps, devient lui aussi plus marqué et montre une grande évolutivité dans le verre.
Le Sauvage enfin, un uni blanc de petite champagne, montre encore une fois l’intérêt de “politique” de Augier : on a du fruit ! Avec ici une certaine sensation crémeuse mais aussi une texture plus épaisse.
On est quand même assez loin de l’image du cognac que l’on se fait – ou du moins que je me fais – et cela retient donc l’attention.

Cognac Lhéraud
On prend un virage à 180 degrés avec les cognacs de chez Lheraud ! Nous sommes ici sur des bruts de fût hyper concentrés et gourmand. Un 1990 en petite champagne tout d’abord, sur lequel on peut juste passer des heures (ce que je n’ai pas eu le loisir de faire ^^) sur le nez. En bouche c’est concentré et même sucré, ce qui le rend un peu écœurant.
Le 1979 qui a suivi, et qui est aussi à 48%, est dans la même veine mais évite justement l’écueil du sucre. Son profil plus sec m’a conquis. Bon il faut aussi dire que tout ce qui est né en 1979 est exceptionnel ! 😀
On a fini sur un Pineau des Charentes de 15 ans, impressionnant de gourmandise au nez avec des arômes de chocolat au lait, de miel et de noix et une bouche qui parvient à trouver l’équilibre grâce à son acidité. Depuis les Pineaux que j’ai dégustés chez Grosperrin, ça se confirme : y’en a de très bons !

Cognac Grosperrin
Grosperrin justement, ma dernière maison de cognac de la journée avec un stand pris d’assaut ! Je ne vais pas vous faire le détail de tout ce que j’ai pu déguster mais cela n’a fait que confirmer – si besoin était – la qualité de ces embouteillages. De plus, contrairement à beaucoup de producteurs, le choix de se concentrer sur les millésimes promet d’avoir une grande variété d’une bouteille à l’autre et d’avoir des identités fortes, quand beaucoup de grandes maisons doivent reproduire des profils bien précis d’année en année pour garder l’identité de leurs cuvées. Ceux qui m’ont le plus marqués sont les suivants.
Un fins bois 1961 très fruits exotiques mais qui se voient complimentés par le boisé. Il possède une belle intensité malgré son relativement faible degré de 43.5%.
Un grande champagne 1925 (oui quand même…) sur le rancio, les pruneaux, les épices douces, ainsi que, de manière plus timide, des notes torréfiées et du tabac. La bouche se fait douce et soyeuse et la finale est interminable. Comme dirait Bertrand “Il est très patins à roulettes” – ne me demandez pas 🙂
Nous avons fini avec un autre grande champagne, de 1939 celui-ci. Un nez totalement fondu entre vanille, fruits secs, fruits à coque (noix et noisette). Moins intense que son aîné mais ce n’est pas grave. La bouche est chaleureuse et toujours aux arômes fondus avec le bois qui se fait un peu plus remarquer. Comme un côté “parfait” dans ce cognac, une sorte de Neisson en quelque sorte 😀

Mana’o blanc et paille
Bon et si on parlait un peu rhum maintenant !
Juste à côté de Grosperrin : Mana’o. Ça tombe bien, je n’avais pas pu goûter leur dernière cuvée en blanc et juste à côté trônait le paille. Je débute par le non vieilli et y retrouve cette canne opulente et organique rehaussée d’agrumes. Si on y ajoute la sucrosité naturelle en bouche, on a presque un ti-punch tout prêt dans la bouteille.
Le Paille est à 43% et a été élevé 12 mois en fût d’armagnac. Au nez, des épices (dont poivre et vanille) et un côté beurrer se font remarquer. Ce n’est qu’en bouche qu’on retrouve la canne. Je pense avoir fait une erreur en dégustant le blanc en premier, outre sa puissance alcoolique plus élevée, je crois que son nez de canne à sucre exubérante m’a empêché de détecter cette même canne dans le Paille. La prochaine fois je le ferai dans l’ordre inverse.

BOWS, HEOC et VE-NI-DOR

Rhum Bercloux
Trois rhums de métropole ensuite avec Bows, Bercloux et La Distillerie de Paris.
J’étais bien content de pouvoir enfin me frotter aux rhums de cette distillerie du sud de la France donc j’avais entendu parler à plusieurs reprises et qui a vu le jour en 2016. Deux bouteilles étaient disponibles, un 12 mois de vieillissement et un blanc boosté aux amphétamines ! Les deux sont élaborés à partir de mélasse bio thaï et la fermentation se fait avec des levures indigènes sans ajout.
Cet élevé sous bois va bénéficier d’une longue fermentation (je crois une semaine mais à confirmer) et le fût dans lequel il passera douze mois est un fût de vin blanc du coin. Le nez est marqué par cette longue fermentation. Il se fait également médicinal et empyreumatique. On peut y trouver un parallèle avec le Lontan de Savanna. La bouche est dominée par la fumée et les herbes, avec un léger sucre en cadeau. La finale est, comme prévu, longue et très portée sur les cendres et la fumée.
On passe sur le blanc qui répond au doux nom de HEOC (high esters occitan). La mélasse va fermenter pendant pas loin d’un mois. Après trois semaines sera ajoutée dans la cuve une carcasse de canard faisandée, qui aidera à booster les bactéries – oui ça nous fait penser à certaines pratiques des caraïbes. On nez on y retrouve d’ailleurs ce côté jamaïcain, avec des fruits pourris par exemple. Mais des notes fermentaires se font aussi sentir ainsi que du bâton de réglisse. L’attaque est caractérisée par une énorme fraicheur, qui s’estompe ensuite au profit de notes brûlées.
J’ai préféré ce HEOC au premier, entre autres grâce à cette fraicheur ravageuse. Cependant je ne suis pas franchement client de ces profils. Je suis intéressé par ces “expériences” et ces nouveaux profils mais je n’achèterai pas une bouteille.
Le Bercloux, qui est un quatre ans, s’inscrit aussi dans cette catégorie que je viens de décrire, avec ici des notes médicinales et beurrées. Là aussi une longue fermentation d’environ deux semaines (avec ajout de levures cette fois) marque ce rhum.

Rum Panela – Distillerie de Paris
On finit ce petit tour des distilleries de métropole avec le dernier rhum de la Distillerie de Paris : Panela rhum. Le (ou la) panela est une sorte de miel de canne obtenu par réduction de jus de canne. Nicolas Juhlès insiste sur l’importance de la chauffe de ce jus, qui ne doit pas être trop intense afin de conserver les éléments importants de ce jus et de ne perdre que l’eau, il s’agit donc d’une concentration et non réellement d’une transformation. Au nez, ce sont des arômes d’agrumes (citron et orange) et d’épices – dont un poivre très net – qui dominent, avec une petite touche fumée. En bouche, c’est vraiment ce poivre noir qui m’a marqué ! Sans surprise mais avec plaisir, le poivre nous accompagne sur la finale, accompagné d’une fraicheur végétale.
Des quatre rhums dégustés, c’est sans doute le moins exubérant mais c’est aussi celui qui m’a le plus plu.
Il y avait un peu plus de rhum sur le salon avec entre autres Karukera et La Mauny, mais pas de nouveauté de ce côté, j’ai donc fait l’impasse, ainsi que sur les rhums arrangés, assez nombreux, que je n’ai pas non plus testé – ce qui ne m’aura pas empêché d’aller saluer Cédric et de conseiller à quelques personnes d’aller goûter le Graal Ananas Framboise 🙂

Les eaux-de-vie Metté
Histoire de ne pas mourir idiot, je suis ensuite allé déguster des produits que je connais franchement mal (et il y en a un paquet…).
La maison Metté par exemple, et leurs eaux-de-vie élaborées en Alsace. Je les connaissais juste de nom mais j’ai pu mettre le nez dedans, avec d’abord l’abricot, très fin et délicat auquel il faut donner du temps. Le marc de muscat ensuite, bien plus intense (presque trop) où l’on a instantanément le muscat en bouche et qui procure un plaisir immédiat. Et pour finir, le poivre de Sichuan, qui explose littéralement au nez et qui est d’une fraicheur époustouflante. Il était trop tard dans le salon pour que je goûte tout mais il est à noter que chacune de leurs eaux-de-vie reposent 6 ans en cuve – voire 12 pour deux de leurs cuvées. Cuvées qui sont extrêmement nombreuses, dont certains fruits dont je n’avais jamais entendu parler et d’autres assez surprenant, telle qu’une eau-de-vie d’ail… Plus pour la cuisine (des grands chefs) que la dégustation.
Un très court arrêt au Domaine des Hautes Glaces pour essayer les deux whiskys qui étaient disponibles. Je ne sais pas pourquoi mais je n’ai pas pris de notes et je ne vais que pouvoir vous dire qu’entre le malt et le seigle, j’ai préféré le second. Voilà, voilà…

Calvados Christian Drouin
Pour conclure cette belle journée, je suis allé faire un tour chez Drouin et leurs calvados. J’ai pu y apprendre que le calvados est un spiritueux fait à base de cidre et non de jus de pomme et que les variétés de pommes qui peuvent être utilisées sont nombreuses et uniquement cultivées à cette fin. De plus, une proportion de poire peut également rentrer dans l’élaboration de cette eau-de-vie.
J’ai dégusté les cinq produits disponibles et ai naturellement commencé par la blanche, à savoir l’alcool non vieilli. Ça ne surprendra personne, c’est très porté sur la pomme 😀 Le VSOP ensuite, plus complexe alors qu’on perd le fruit frais mais que l’on reste tout de même sur la pomme. Le XO est plus sec et apparait une étonnante poudre à canon (comme sur quelques rhums vieillis en fût de vin). Les millésimes 1999 et 1990 sont respectivement très pomme et épicé, avec un retour de la poudre à canon. Intéressant de pouvoir déguster cette pomme dans tous ses états au fur et à mesure que l’on monte dans la gamme.
C’est sur cette ultime dégustation que nous nous sommes sympathiquement fait pousser vers la sortie par les vigiles. Sur le fil 😀
Ce fut une bonne expérience que mon premier France Quintessence, je reviendrai !
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