Un salon ? Comment ça un salon ? Vous voulez dire un salon dédié aux spiritueux, cette année ? Non je ne crois pas non…
Et bien si ! France Quintessence, où les spiritueux français sont mis à l’honneur, s’est bien tenu cette rentrée, contre toute attente (retrouvez ici mes impressions de France Quintessence 2019). Nouveau lieu, du côté de la Villette, suffisamment spacieux pour également abriter Planète Bière et Paris Cocktail Festival. Vous vous doutez bien que je ne suis pas passé à côté 🙂 Du rhum, bien sûr, mais pas que, loin de là. C’est le genre d’événement qui me permet d’élargir mes horizons et de toucher à d’autres spiritueux, cognac et whisky en tête ; et qui sait, peut-être même me suis-je un peu rafraichi le gosier à la bière…

Aller hop ! Arrivée sur place dans un espace qui m’a semblé relativement réduit de prime abord, pour très rapidement réaliser que le nombre d’exposants était vraiment important. Ce qui ne gâte rien, c’est bien sûr rencontrer des potes et autres connaissances de rhum, avec cette fois-ci entre autres, Laurent et Ben de la Table du Loup, Jérôme de Rhum Héritage (et désormais bien plus avec sa chaine YouTube), Simon de Préférence Rhum et bien sûr Christine Lambert de La Soif du Malt (et bien d’autres choses). Et justement mon premier arrêt a été là où j’ai rencontré ces gentlemen de la Table du Loup : Twelve, la distillerie de l’Aubrac où je retrouvais une vielle connaissance : Florent (rappelez-vous, Louviers), désormais maître distillateur chez Twelve.
C’est parti !

Twelve
Si vous avez besoin de vous rafraichir la mémoire et les papilles sur les embouteillages rhum de Lagiole, vous pouvez consulter ces trois articles : le premier, le deuxième et le troisième.
Twelve Rhum Nicaragua/ Jamaïque 43%
Bien plus abordable que les autres de la gamme, avec comme claire volonté d’avoir un rhum plus facile, tout en ayant quand même les marqueurs Jamaïque.
Après cette gentille entrée en matière rhum, passons aux whiskies.
Twelve Basalt (je n’ai pas marqué le degré :/)
Il passe d’abord deux ans dans quatre fûts différents (vin rouge, PX, rhum, fut neuf) puis un an, assemblé en fût de Sauternes.
Le nez est intéressant car complexe et non linéaire ; il est non dénué d’une certaine douceur.
La bouche est plus simple mais avec une belle texture et des notes empyreumatiques apparaissent sur la finale.
Twelve Albarisa – entre 55% et 60%
Nom du cépage Pedro Ximenez en Espagne. Double maturation PX 18 mois d’abord dans un fût de deuxième remplissage puis 18 mois dans un fût de premier remplissage.
Au nez l’alcool est discret, le PX est très marqué, avec de la noix et une certaine fraîcheur fruits rouges, noyau de cerise. En bouche l’alcool se fait plus présent – et tant mieux – avec encore le PX qui, ici, n’est pas du tout sur une veine douce. La finale est assez longue et chaude avec un beau retour de l’eau de vie de malt.
Moi qui n’y connais rien, j’ai trouvé ça sympa et ça satisfera les amateurs de Sherry bomb, comme on les appelle.
Twelve Andesite – entre 58% et 59%
Il aura passé trois ans en fût de Ledaig.
Le nez est marqué par la tourbe mais sans excès avec aussi une impression de douceur ; l’alcool est super bien dosé. En bouche, l’alcool est plus marqué mais sans brûlure et une légère sucrosité se remarque. Il est très long évidemment mais pas sur une tourbe asséchante.
Celui-ci aussi se boit assez facilement et n’est pas dans l’excès.
Twelve Jamaïque Barbade
On a commencé par un rhum, finissons par un rhum. Il s’agit du batch 2 de ce blend. La gourmandise de la Barbade relevée par l’identité et la fougue jamaïcaines ! Sucrosité et puissance sont au rendez-vous. Cette nouvelle version est un peu plus Barbade que la précédente, ce qui le rend un peu plus abordable. En tout cas, je l’ai trouvé réussi et j’espère pouvoir vous en parler plus longuement bientôt.

Domaine des Hautes Glaces
Si vous souhaitez en savoir plus sur cette distillerie alpine, jetez un œil à cet article.
Moisson Single malt – 44.8%
Le nez est doux avec un mix entre minéral, céréales et beurré. La bouche est complètement dans cette ligne avec beaucoup de finesse.
Moisson Single rye – 44.8%
Plus rustique autant en nez qu’en bouche, on retrouve bien le sègle. Il offre même un certain voile “moelleux” (ce n’est pas le bon terme mais je n’en trouve pas de meilleur, en tout cas, ce n’est définitivement pas dans le sens sucré), que je retrouve sur les rye et qui apporte une certaine gourmandise.
Ceros 2015 – 53%
Il s’agit d’un Rye whisky d’abord vieilli en fût de vin jaune pendant deux ans, avant de passer trois ans en fût roux de cognac. Il est plus rond avec un alcool bien dosé et une discrète trace de poudre à canon.

Manao (cannes bio) – 50%
Pas de nouveauté cette année, la nouvelle récolte se faisant attendre mais j’ai trempé les lèvres une nouvelle fois dans celle de l’année dernière et quel plaisir que cette canne tellement expressive et cette douceur velouté.

Copalli
Je vous rappelle qu’il s’agit d’un rhum pur jus de canne produit à Bélize dont je vous avais déjà parlé dans mon article sur le Bordeaux Rhum Festival.
Copalli White Rum – 42%
Jus de canne sympa au nez, avec une touche de coco et une bouche qui mériterait plus de degrés.
Copalli Cacao – 40%
Il s’agit d’une infusion de fèves de cacao dans le rhum blanc pendant quelques jours.
On ne peut pas se tromper tant le cacao est présent et puissant – mais sans sucre. Pas à boire tel quel, j’imagine qu’il pourrait constituer un super ingrédient à cocktails.

Franc-Tireur Rhum – 43%
La distillerie se trouve du côté de Rouen et elle utilise de la mélasse bio du Paraguay. La fermentation dure entre 7 et 10 jours, et la distillation se fait sur un alambic à repasse avec colonne de rectification. Seul le blanc était en dégustation (ainsi que du gin) mais une partie de la production est partie en vieillissement. A ajouter qu’un second rhum, un high ester celui-là est également en fût.
Le nez et la bouche sont très expressifs, vraiment un distillat qui marque, autant l’air ambient que la bouche.
J’ai toujours du mal avec ces distillats de mélasse hexagonaux, mais celui-ci malgré ses 43% est vraiment explosif en arômes et en fraîcheur. J’ai été plus emballé par la bouche et la finale que le nez.
Et maintenant, c’est parti pour une session cognac !

Bâche Gabrielsen Amercian Oak – 40%
Il s’agit d’un cognac VSOP dont le vieillissement partiel en fût de chêne américain apporte fruits exotiques et épices au nez et rondeur en bouche avec une vanille bien présente. Très facile et si j’ai bien compris, une petite révolution dans l’univers du cognac que l’utilisation de chêne américain.
Pour les anciens qui suivent ce blog, j’avais eu quelques émotions sur deux cognacs de chez Bache Gabrielsen lors du Salon Dugas 2015.

Planat 10 ans (100% bio) – 40%
Voilà encore un cognac et même une maison singulière dans ce monde puisque depuis quelques années, ils travaillent le bio, exclusivement !
Au nez, on a une belle alliance bois et fruits (exotiques, abricot, orange), ainsi que des épices. Bouche douce et concentrée, très facile et un peu plus boisée. Un cognac plaisir.
Planat Overproof 7 ans 65%
Ce cognac destiné à la mixologie aura tout de même vieilli 7 ans. Sa particularité est évidemment son haut degré. A la dégustation il est étonnant et sa puissance demandera un peu de temps pour laisser place aux arômes fruités, bien présents. La fin de bouche et la finale sont très expressives.

Tesseron
Tesseron est une vielle maison de cognac qui a entre autres particularités d’avoir énormément stocké pendant des dizaines d’années avant de finalement se mettre à vendre sous son propre nom. Un grand nombre de très vieux cognacs dorment dans leurs trois “Paradis”, dont certains du 19ème siècle. Tout est proposé à 40%.
Tesseron lot n°90
Un nez très fruité (surtout les fruits exotiques), de l’amande et de la vanille, de quoi créer un profil facile et la douceur en bouche ne va pas contredire ce nez. Un cognac très simple à aborder tant il est aimable.
Tesseron lot n°76 Grande Champagne
Les fruits exotiques sont toujours là mais son profil offre plus de matière et il se fait plus chaleureux, entre autres grâce à des arômes torréfiés, qui vont aller croissant sur la finale.
Tesseron lot n°53 Grande Champagne
Nous sommes ici sur un assemblage de 250 eaux-de-vie, qui ont au minimum 50 ans ; ça commence à faire. Les fruits sont-ils toujours présents ? Absolument, avec en tête le fruit de la passion. Les notes torréfiées sont toujours là – surtout sur le cacao – alors que le boisé se réserve une place un peu plus grande. Le rancio se joint aussi à la partie, pour mon plus grand plaisir.
Tesseron lot n°29 Grande Champagne
Cette fois-ci ce sont 400 eaux-de-vie qui ont été assemblées, sans qu’aucune ne soit en dessous des 75 ans ; ah quand même ! Malgré son grand âge c’est le plus expressif des quatre. Il se passe énormément de choses et l’évolution dans le verre est remarquable. Le raisin, la vanille, le noyau, la noix, le rancio… tout ça en ne se déparant pas d’une fraicheur bienvenue. Je ne l’ai gardé qu’une vingtaine de minutes et de nouveaux arômes n’avaient de cesse d’apparaitre. Vraiment un beau spiritueux, malgré ses petits 40% !
Et on repart se faire un « rhum » particulier, avant de faire un tour du côté de l’orge maltée.

Bows
Distillerie de Montauban, connue chez les amateurs de rhum pour le HEOC, cet ovni à tendance Oscillococcinum (désolé pour ceux qui ne comprendraient pas cette référence pourrie). Et bien il se pourrait qu’un second “rhum” atypique attire l’attention des curieux. Benoit Garcia, personnage haut en couleurs et au bonnet rouge, a eu l’idée un peu folle un jour d’inventer l’école. Ah non pardon, ça ce n’est pas lui. Non, il a planté de la canne sucrière (et pas de la canne à sucre), une variété de sorgho, à côté de chez lui pour en faire un spiritueux à partir de son jus, à la manière d’un rhum agricole. J’y ai goûté et ça m’a plu.
C’est avant tout une fraicheur hors du commun qui sort du verre, on retrouve la parfum de la canne mais aussi le citron vert, des notes végétales et de légume frais, comme le fenouil. On a un peu ce profil jus de canne distillé sur petit alambic, avec des notes marines. La bouche est une explosion de fraicheur : agrumes, canne, chlorophylle, le tout porté par un alcool puissant mais mesuré. La finale est longue, végétale et légèrement poivrée. Ce n’est que plus tard que j’ai appris que ce rhum n’était pas réduit et était donc aux alentours des 70%… Punaise il y a vraiment un truc intéressant là ! A suivre de près.

Benjamin Kuentz
Quelques whiskies pour continuer, avec un acteur du monde du whisky français assez particulier. Pas distillateur, Benjamin Kuentz a une démarche unique : il imagine le profil gustatif recherché et va se fournir en eau-de-vie de malt dans des distilleries françaises, qu’il fera vieillir dans des fûts bien précis et très variés pour arriver au résultat imaginé et escompté. Cela donne des whiskies très différents les uns des autres, à déguster dans des environnements particuliers et/ou à des moments de la journée bien distincts. Mais est-ce que c’est bon tout ça ?
D’un Verre Printanier – 46%
Un nez très fruité (fruits blancs et jaunes) et très frais. En bouche, on garde une relative fraicheur et les fruits, toujours présents, sont rejoints par les fleurs. Le fût, presque absent, laisse toute la place au distillat. La finale est relativement longue grâce à l’apparition de notes légèrement empyreumatiques. Loin d’être désagréable, ce n’est pas mon style.
Fin de Partie – 46%
Au nez il nous propose tout de suite des notes plus chaudes, plus rondes et un côté céréales torréfiées. En bouche il est plus chaud et gourmand mais l’alcool ressort un peu plus. La finale se développe sur un léger fumé. Déjà plus sympa cette Fin de Partie.
Aveux Gourmands – 46%
Le nez est plaisant, sur les fruits à coque, les céréales et un côté pâtissier. En bouche, la salinité saute aux papilles (elle restera sur la finale) et ce sont les notes pâtissières qui dominent. Surprenant, gourmand, j’ai trouvé qu’il fonctionnait vraiment bien cet Aveux Gourmand et c’est d’ailleurs mon préféré chez Benjamin Kuentz.
Deux autres références étaient à la dégustation : Aux Particules Vines 4 et 5. Je passe, elles m’ont moins plu.

Grosperrin
Retour aux cognacs, avec la maison que l’on ne présente plus ; Grosperrin. J’avais repéré leur emplacement dès mon arrivée et ne comptais en aucun cas les louper. Axelle et Guilhem étaient là tous les deux pour partager leur passion et faire déguster les chanceux à leur stand. Voilà donc ce que le chanceux que je suis a retenu.
Grosperrin Ile d’Oléron 1990 – 45.6%
Le bois est plus présent que ce à quoi je m’attendais et il est rejoint par une jolie fraicheur pour une résultat agréable et facile d’accès.
Grosperrin Petite Champagne 1974 – 47.5%
Il est bien plus expressif que le précédent et offre des arômes un peu plus sombres (en plus du raisin) : notes de noix et de torréfaction. La bouche est intense et nous emmène sur une finale très longue dominée par les fruits et l’amande.
Grosperrin Petite Champagne 1973 – 50.6%
Moins de fraicheur sur ce 1973 mais aussi plus de torréfié et une belle orange. En bouche il est explosif et l’on décèle une sucrosité qui rend ce cognac presque trop facile à boire – si tant est qu’une telle chose existe. La finale, elle, est plus boisée.
Grosperrin Grande Champagne Héritage n°80 – 58.1%
Voilà encore un profil bien différent des autres, plus vif, il développe au nez et en bouche des arômes de fruits compotés relevés d’une certaine acidité, et l’amande n’est, encore une fois, pas bien loin. La finale est là aussi vraiment longue et reste intense sur des notes épicées de cardamome et de cannelle (normalement je n’aime pas ça, mais là…).

Grosperrin Fins Bois Héritage n°45 – 50.8%
Je commencerai par dire que si quelqu’un veut m’offrir une bouteille je suis preneur. Pourquoi de celui-ci me demanderez-vous ? Parce qu’à mon goût il n’est pas loin du sans faute, il a tout : il ouvre les hostilités sur des notes torréfiées et de rancio, puis se met à évoluer très rapidement. Les fruits frais et à coque sont là mais sont escortés par des arômes pâtissiers et caramélisés, alors qu’une facette plus sombre, menée par le tabac, apporte encore plus de complexité. Sur la suite de la dégustation, il réussit le tour de force de s’exprimer à la fois dans des registres vifs et frais mais aussi plus noirs, le tout soutenu par une texture qui se remarque… Ou comme dirait LE Boulay : “C’est bon”.
Grosperrin Grande Champagne Héritage 35/41 – 45.8%
On termine par le plus vieux Grosperrin présenté lors de ce salon France Quintessence 2020. Encore un papi qui en a sous le capot, avec un très joli nez sur des arômes de raisins, de cacao, de noyau, d’amande, le tout lié dans une impression pâtissière et une étonnante fraicheur. Il est ensuite plus doux que le précédent et également plus chaud en fin de bouche, bouche entre autres marquée par l’orange. Il laisse une belle impression en déposant comme un voile de tannins fins et légers.

Et voilà pour les spiritueux, mais la proximité de bières a été trop forte et je suis donc allé déguster quelques bières américaines, qui je dois bien avouer, m’ont laissé un peu sur ma faim, pour finir au stand de la brasserie de Pantin, Gallia. Et là, Jérôme et moi avons pu déguster des bières absolument uniques et délicieuses. Leur gamme de bières sauvages – sur des bases de sour si je me souviens bien – est vraiment surprenante. Je n’aime pas les bières acides mais ici, il n’y a pas d’excès, l’équilibre est là pour des sensations nouvelles. Une belle découverte !

Ce n’est qu’après presque huit heures passées à déguster et à discuter, que je me suis résolu à quitter le seul salon de la rentrée (de l’année ?!). Je suis bien content d’y avoir passé autant de temps !
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