Aller, on ne perd pas le rythme ! Cette rentrée (comme toutes les rentrées) est chargée, en nouveauté et en foie. Après France Quintessence dont je vous parlais très récemment, c’était au tour de Dugas (plus gros distributeur de spiritueux en France à ma connaissance) de présenter toute sa gamme et ses nouveautés, lors de son événement annuel : le Salon Club Expert. Si vous êtes des lecteurs plus moins assidus de ce blog, vous avez dû tomber sur des articles relatant mes aventures sur les années précédentes (2014, 2015, 2016, 2017).

Salon Club Expert Dugas 2019 – Un bâtiment discret
Innovations cette année : le lieu, puisque ce millésime 2019 s’est tenu au Palais Brongniart à Paris (dans un quartier où si vous avez de l’or à vendre ou à acheter vous êtes bien) et l’ouverture sur deux jours, dont une pour le public. L’endroit était vraiment joli, je n’y avais jamais mis les pieds et non seulement c’est spacieux mais même majestueux.
Comme je vous le disais, Dugas distribue des spiritueux (et du vin), mais pas que du rhum, loin de là. Aussi pourrez-vous tomber sur un stand de saké, d’armagnac, de porto, de vodka, de cognac, de calvados, de Sherry, de Gin, de vin de Madeire ou encore l’un des très nombreux stands de whisky (un catalogue impressionnant, même si je n’y connais pas loin de rien). Et le rhum dans tout ça ? Eh bien, là aussi il y a l’embarras du choix, surtout entre les agricoles, qu’il s’agisse d’AOC Martinique, de Guadeloupe ou encore de Tahiti, et les traditions espagnoles, les Amériques Centrales et du Sud sont très bien représentées. Et c’est alors que j’écris ces lignes que je réalise qu’il y a tout de même un manque sur les rhums issus des anciennes colonies anglaises, Jamaïque, Barbade, Guyana… Et c’est peut-être là l’un des différences majeures entre ce salon et le Whisky Live.

Salon Club Expert Dugas 2019 – C’était bien joli et franchement sympa de s’y promener
Bref, tout ça pour dire, qu’une journée n’aura pas été de trop. Je comptais et devais normalement y passer deux jours mais une bonne vieille rhinopharyngite m’a gentiment proposé de rester chez moi le dimanche, ce que j’ai poliment accepté. Il a donc fallu que je case tout sur une journée, en me concentrant avant tout sur les essentiels, à savoir en ce qui me concerne, les agricoles.
Mais avant de passer aux (nombreuses et variées) dégustations, un mot sur ce “gros rhume”. Je me suis demandé à quelques reprises si mon nez et mon palais n’étaient pas mis à rude épreuve par la maladie (ou les médicaments qui peuvent aussi altérer le goût). Dans l’ensemble je ne pense pas que ça ait été le cas sur les arômes, en revanche sur la puissance alcoolique, j’ai clairement été plus sensible, gardez cela en tête pour certains commentaires que je vous livrerai tel quels. Un autre effet majeur de cette rhinopharyngite aura été ma capacité à temporairement anéantir une bonne partie du monde du rhum français ! Je nous prévois une semaine à venir bien calme ! 😀
Allez, c’est parti pour un marathon de dégustation !
Comme à mon habitude, j’ai démarré par les blancs pur jus de canne (mais il n’y en a pas eu tant que ça), puis suis revenu sur certains stands pour m’attaquer aux vieux, mais je ne vais pas vous le raconter comme ça, je vais faire stand par stand, ça devrait être plus digeste et plus logique à la lecture, enfin on verra ^^

Salon Club Expert Dugas 2019 – Depaz avec la douceur à gauche et la puissance a droite
L’ouverture du salon s’est faite pour moi sur Depaz. Cette maison du nord Martinique fait de belles choses et vous connaissez mon amour pour le classique blanc à 50% (dont j’ai récemment racheté un cubis, parce que depuis que madame s’est mise aux ti-punchs, ça se vide bien plus vite), ou encore l’ancien XO qui est LE rhum qui m’avait fait arriver sur les agricoles et plus récemment le 2002 qui est d’un imbattable rapport qualité prix. J’ai avant tout désiré redéguster le Cuvée de la Montagne. C’est désormais l’unique blanc disponible en métropole, à mon grand dam, puisque je n’y retrouve pas ce qui fait les charmes de “l’ancienne” gamme classique. Après cette nouvelle dégustation, ça ne change pas, trop florale pour moi que cette cuvée, alors que les 45% ne m’ont pas ennuyé. J’y ai également, pour la première fois je crois, décelé des notes poivrées.
J’ai ensuite dégusté – petit gourmand que je suis – le 2002, vraiment juste pour le plaisir et il ne me déçoit jamais ! Cela m’a aussi permis de passer par un vieux Depaz avant de m’attaquer aux deux bruts de fût. Avant de vous en parler et pour être vraiment complet, j’ai pu, au détour d’une allée, mettre le nez dans un verre à l’aveugle. J’ai beaucoup aimé les fruits à coque et la gourmandise générale. Il s’agissait du Depaz XO, que je gouterai à nouveau à l’occasion du coup.
Et donc ces deux bruts de fût. En fait, les deux sont des 2005 du même âge et de degré identique à 58.2%. Les deux (502 et 503) sont pour le marché français. Le 503 est très porté sur le bois, avec quelques notes de fruits à coque et d’orange. Ce nez est intense mais dominé par un bois qui n’est pas franchement gourmand. La bouche est très puissante, j’ai eu du mal avec l’alcool et en plus de ça, le boisé du nez devient amère ici, pas franchement plaisant à mon goût. La finale n’arrange rien à vrai dire. Bon, relative déception là quand même. Apparemment certaines personnes l’ont bien apprécié, j’attends de lire d’autres retours sur son sujet 🙂
Le 502 est différent du premier dès le début de la dégustation. Il ne présente pas cette amertume et est plus fin. L’alcool a aussi été un problème pour mon palais fragilisé du jour. La finale est longue et plus agréable que sur le 503.
Cela fait maintenant quelques années que Depaz sort des bruts de fût et je n’avais pu, jusqu’alors, que déguster le 2000, qui me semble bien supérieur à ces 2005. Peut-être en attendais-je trop.

Salon Club Expert Dugas 2019 – Toucan et une veste très rouge 😉
On s’éloigne de la Martinique et on arrive sur le continent sud américain avec les rhums Toucan et la pétillante Cat. J’ai pu remettre le nez dans le blanc classique, qui se défend bien. A noter qu’il s’agit d’un mono-variétal, que toutes les cannes sont récoltées à la main et que la réduction se fait très lentement en métropole. Ce ne sont pas des informations qui étaient claires dans mon esprit, alors je mets ça là, ça pourra sans doute servir à d’autres personnes 🙂

Salon Club Expert Dugas 2019 – Manutea avec ses blancs et son tout nouveau vieux
Cette fois-ci on fait un bond bien plus grand, direction le milieu du Pacifique à Tahiti avec les rhums Manutea. J’ai découvert Manutea il doit y avoir deux ans de ça précisément lors d’une autre édition du Salon Club Expert. J’avais trouvé ces blancs pur jus de canne vraiment bien foutus ! J’ai voulu me rafraichir la mémoire olfactive.
Le 40% est déjà très expressif sur des notes de canne et de réglisse. En bouche, il se fait un peu trop plat du fait du degré relativement faible, et on garde les mêmes marqueurs.
Le 50% joue vraiment dans la cour des grands. C’est encore la canne qui domine, mais elle est ici plus fruitée, plus fraiche et est mieux portée par les degrés supplémentaires. Ajoutez-y un petit quelque chose d’organique et vous avez un grand rhum blanc.
Nouveauté cette année, le premier rhum vieux de la marque avec un 3 ans, à 43%. Le vieillissement se fait à 60% dans d’ex-fûts de bourbon et à 40% en ex-fûts de Banyuls. Au nez, le bois est très présent, un boisé gourmand et séducteur mais on perd un peu trop la canne, cette canne si expressive et particulière des blancs. La bouche manque un peu de relief et la vanille apparait. La finale, elle, repart sur des accents boisés. Certains fûts sont toujours en vieillissement pour la sortie future d’un VSOP et d’un XO, j’espère qu’il se passera quelque chose lors de ces années supplémentaires passées en fût pour que le résultat soit au rendez-vous.

Salon Club Expert Dugas 2019 – Séverin, pas convaincu à gauche et mieux à droite
Un petit tour en Guadeloupe, chez Séverin maintenant. De nouveaux contenants et désormais (peut-être depuis quelques temps déjà, je ne saurais dire) que du pur jus de canne ; plus de blend avec de la mélasse comme ça a longtemps été le cas chez eux. Quatre blancs sont à leur catalogue mais ils n’en présentaient qu’un lors du salon, le 55%, qui est un canne rouge. Le nez m’a surpris, on arrive sur des notes un peu épicées, en plus de la canne et malheureusement je lui ai trouvé un défaut, avec des arômes pas franchement “naturels”, métallique et un peu plastique
Sur les conseils de Freddy de chez A’Rhûm, j’ai plus tard testé le XO, selon lui le meilleur dans les vieux de la maison. Six années en fût de bourbon, puis un finish en fût de cognac (pas indiqué sur la bouteille) pour un rhum à 45%. Au nez, on est plus sur un profil doux que frais avec la présence de caramel mais aussi de poudre à canon, pas désagréable. La bouche est dans la même veine avec l’apparition des épices et un alcool bien dosé. La finale est longue, épicée et légèrement amère sans que cela soit gênant. Ma foi, Freddy n’a pas été de mauvais conseil 🙂

Salon Club Expert Dugas 2019 – La Favorite, il y en a pour tous les goûts
On revient à l’île voisine, chez La Favorite cette fois. Je voulais redéguster La Digue, qui m’avait vraiment beaucoup plu en Martinique, et qui à cette nouvelle dégustation à confirmer tout le bien que j’en pensais. Histoire de faire le comparatif avec l’autre blanc parcellaire de la maison, et sur les conseils de Franck Dormoy, le patron, j’ai également mis le nez dans le Rivière Bel Air 2018, qui se fait moins expressif, plus minéral et de fait, un peu moins gourmand et donc moins mon truc (aaaahhh, ce millésime 2016 du Bel Air, qu’est-ce qu’il était bon !). Franck m’a également confirmé que la quantité de cannes récoltées et de rhum produit cette année sonttrès faibles mais que les cannes étaient très sucrées, on verra ce que ça donne dans la bouteille l’année prochaine !
Les vieux maintenant, avec pour commencer le 2010, un brut de fût à 52.8%, dans lequel j’avais déjà trempé les lèvres auparavant. Mon souvenir s’est confirmé avec un rhum trop porté sur les notes de poivre du début à la fin. A noter un alcool très bien maitrisé. Pas pour moi ce 2010.
La “petite” nouvelle chez La Favorite, c’est la nouvelle cuvée Privilège “pour Lulu”. Après avoir fait une Privilège 1999 pour son grand-père, est venue l’idée à Franck et à l’équipe de faire une cuvée pour sa grand-mère, Lulu (Lucie, Lucienne, Lucette… l’histoire ne nous le dit pas). Une approche très différente de la 1999, puisqu’ici nous avons un assemblage de plusieurs millésimes : 1998, 2000, 2001, 2002 et 2008. Il aura fallu 9 mois de gestation pour faire naitre ce beau bébé, avec différents ajustements et entre autres l’ajout d’un rhum plus jeune pour venir assouplir le boisé très marqué du 1998. Au nez, oui j’ai ce poivre que je retrouve sur plusieurs vieux de la Favorite, mais il vient avec un pote que j’apprécie tout particulièrement : le pâtissier. L’association de ce dernier et du poivre, du bois et des épices donne un résultat réussi et gourmand. On retrouve bien ce côté pâtissier en bouche et le degré alcoolique à 45 est bien choisi. Un joli rhum !

Salon Club Expert Dugas 2019 – Trois Rivières avec de belles choses !
On reste sur l’île aux fleurs, avec, pour moi, un rendez-vous incontournable du salon : Trois Rivières ! J’aurais pu y ajouter La Mauny, mais il y a habituellement plus de nouvelles bouteilles à la marque au moulin, ce qui s’est encore vérifié cette année. J’ai donc pris un long moment en compagnie de Daniel Baudin, maître de chais de la maison et un monsieur toujours dans l’éducation, ce qui fait plaisir. D’ailleurs, quand je suis arrivé sur le stand, il était en train de faire un tour d’horizon du monde du rhum (niveau production) en cinq minutes, à une dame qui était là et qui en avait besoin.
Connaissant la Cuvée de l’Océan, je suis directement passé aux vieux, avec un rhum qui m’avait fait forte impression dans les chais chez La Mauny, le nouveau triple millésime, 1999, 2000, 2010. Le nez est frais et complexe, avec des fruits à coque (noisette) super agréables, du zest d’orange, ainsi que des épices (dont un léger poivre) et une touche de chocolat au lait. Un super nez, vraiment. On garde la fraicheur en bouche avec peut-être un peu moins de gourmandise et la finale est longue et se fait plus boisée et épicée (dont de la vanille). Je confirme, cette nouvelle mouture est une réussite.
J’ai voulu ensuite repasser sur des bouteilles que j’avais déjà pu déguster mais sur lesquelles ma mémoire défaillante avait besoin d’être rafraichie.
Le millésime 2000 tout d’abord, qui a vieilli 8 ans, puis qui a passé une dizaine d’années en cuve inox (je dois avouer ne plus me souvenir de la raison de ce processus assez singulier). Cela vient sans doute de là, au nez, c’est très rond. La gourmandise, elle, vient principalement de la noisette (qui est sans doute apportée dans le triple millésime par ce 2000 du coup). Sur la suite de la dégustation on se dirige successivement vers des notes plus boisées et épicées, et même sur une finale plus sèche. Il remonte un peu dans mon estime ce millésime de Trois Rivières, sans pour autant me conquérir totalement.
Une autre référence disponible depuis un moment mais qui a subi un léger lifting (autant de contenant que de contenu) est le 12 ans. Son nez est plus puissant que le précédent, moins gourmand également et plus chaud. La bouche est bien avec une bonne texture et la puissance (bienvenue) se confirme, alors qu’elle est légèrement asséchante et que des notes de tabac apparaissent. La finale est intense, longtemps, sur le tabac, le bois et les épices. Sensiblement différent des deux premiers sur un profil moins gourmand et “facile” il ne m’a pas laissé de marbre et je l’ai redécouvert.

Salon Club Expert Dugas 2019 – Trois Rivières et ses nouveautés
Place maintenant à deux nouveaux single casks, tous deux mis en bouteille en 2015 et qui ont attendu quelques années bien sagement pour ne pas surcharger le marché. Je ne vais pas m’étendre sur ces deux-là, qui ne m’ont pas convaincu, alors que pas mal de monde a eu un faible pour l’un des deux mais je ne sais plus lequel 😡
Le premier est un 2007 vieilli en ex-fût de cognac. Alors que le nez est sympa avec des fruits à coque toastés, de la vanille et du fruit, la bouche m’a déçu et la finale se décline sur la vanille et le bois.
Le second est lui un 2004 qui passé 11 ans en ex-fût de bourbon. Au nez, le bois bourbon est bien présent, accompagné de vanille et de caramel, le tout sans être écœurant. C’est sur la bouche qu’il m’a semblé manquer de fraicheur, manque qui marquera aussi la finale, que j’ai trouvé un peu plate.
Bon voilà.
Dernière nouveauté chez Trois Rivières cette année, l’ultime partie de la trilogie qui avait démarré il y a plusieurs années de cela avec la cuvée Oman, en 2016. Elle avait été poursuivie l’année dernière avec la cuvée Bois d’Inde, pour donc se conclure en 2019 avec la cuvée Saint Pierre. Je ne pouvais bien sûr pas passer à côté. Mais avant de déguster LA nouveauté Trois Rivières, j’ai d’abord souhaité me frotter à nouveau à la précédente, Bois d’Inde. Un nez vraiment superbe ! Il est intense, complexe, gourmand, frais, on y retrouve les meilleurs marqueurs Trois Rivières. Du bois, des zests d’orange, des fruits à coque, de la vanille, des épices et un côté pâtissier. Punaise ! En bouche, on retombe sur nos pattes en retrouvant la plupart des arômes et la finale, longue, se fait plus épicée.
Il est temps de déguster la Cuvée Saint Pierre. Un nez bien différent du précédent sur des notes chaudes, avec entre autres du sucre roux, de la vanille et des fruits à coque (encore eux) légèrement torréfiés. La bouche offre une certaine sucrosité et des épices mais on garde cette trame chaleureuse. La finale est un peu en deçà sur l’impression générale bien que de discrètes notes fumées viennent s’y glisser. C’est assez réussi, sur une fois de plus, une autre identité gustative, mais le meilleur des trois reste pour moi le Bois d’Inde, qui confirme mon impression de Martinique.
Et voilà pour mon tour des purs jus de canne et s’est là-dessus que s’achève cette première partie. La seconde, comme vous le verrez, sera très différente 😉
La suite : Salon Dugas Club Expert 2019 partie 2
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