1975, la monnaie nationale chilienne, l’escudo devient le peso…

… et l’alambic Port Mourant de Guyane Anglaise, dans la région du Demerara, produit beaucoup de rhum qui sera mis en bouteilles par différents embouteilleurs indépendants européens, de (très) nombreuses années plus tard.

J’ai eu la chance il y a environ deux ans de ça, si je me souviens bien, de mettre la main sur cinq échantillons de ces ancêtres (désolé pour les personnes nées en 1975 :P). Ils m’avaient été envoyés par un amateur italien, que je ne connaissais pas bien à l’époque mais avec lequel j’ai pas mal papoté depuis et que j’ai même rencontré lors d’une mémorable événement (coucou Pietro et merci !), et il n’était donc que naturel que j’y goûte en Italie lors de mes dernières vacances (dont je vous parlais récemment dans cet article et dans celui-ci). Dégustation qui a dû être réalisée sur plusieurs soirées, tant certains de ces rhums marquent le palais ; et puis de toute manière, quand il y a du brut de fût, mieux vaut ne pas tenter d’en déguster trop à la suite.

Laissez-moi donc vous raconter tout ça, suivant l’ordre dans lequel je les ai goûtés, les degrés alcooliques allant crescendo.

Cadenheard mod

Cedenhead’s Green Label (crédit photo Référence Rhum)

On commence par le Cadenhead’s Green Label, 33 ans de vieillissement en sa version 40%. Il existe d’autres versions où le degré diffère légèrement ; j’ai par exemple fini il y a quelques temps une bouteille de la version à 38.5%.
Au nez, c’est immédiatement la réglisse et la mélasse qui s’imposent. Le caramel vient juste après, suivi, de manière plus discrète par un côté médicinal et une touche de noix. Les 40% sont bien présents, on pourrait penser qu’il est un tout petit peu plus fort. Dans l’ensemble il est agréable sur des notes très sombres.
En bouche, il se fait relativement épais et la réglisse l’emporte haut la main. Arrivent ensuite le caramel cuit et le boisé. Une légère sucrosité se fait remarquer tandis que l’alcool confirme être bien dosé.
La finale est longue et les repères changent un peu, puisqu’il nous offre maintenant un profil empyreumatique/brulé et très torréfié sur le café. La réglisse (très noire) n’a pas totalement disparu non plus. Après quelques instants il se fait tannique et si on lui laisse encore plus de temps, d’agréables notes de sucre roux font leur apparition.
J’aime assez ce genre de profil, même s’il a un côté écœurant. Bon, il faut aimer la réglisse (que je n’aime d’ailleurs pas du tout en dehors du rhum ^^).

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Berry’s Reserve Demerara Rum 1975 (crédit photo The Lone Caner)

On passe à 46% avec Berry Bros et son Berry’s Reserve Demerara Rum, toujours un Port Mourant de 1975, vous avez compris le thème.
Au nez on a pas mal de choses et des arômes très intenses et pas trop équilibrés. Par où commencer ? Sans doute par un aspect de son profil que l’on retrouvera sur d’autres de ces PM 1975, un côté chimique, quelque part entre cire et peinture. Je sais, ça ne fait pas forcément rêver, mais heureusement pour nous, ce rhum a bien plus à proposer. La réglisse est encore là et des fruits se joignent à la fête : la pomme, le pruneau et l’amande sous forme d’une goutte d’amande amère. Pour finir le boisé ne manque pas à l’appel, il est acide et légèrement piquant. Un nez intéressant mais qui, malgré l’apport des fruits, manque cruellement de gourmandise.
En bouche, c’est l’association réglisse et “mélange chimique” qui domine, toujours de manière intense. Le boisé se fait une place tandis que les épices apparaissent (avec un peu de sel en prime). Paradoxalement, bien que les fruits aient disparu, il m’a paru plus gourmand à cette étape.
La finale se présente sur de accents de café brûlé et se fera très longue. Le pruneau essaye bien de se ménager un peu d’espace et y parvient, mais c’est un tout petit espace. Il se fait également très tannique, plus que le précédent.
Pour moi ce Berry Bross est plus classique Port Mourant, et il n’est pas mauvais mais il manque, lui aussi, de gourmandise.

SS 37yo mod

Silver Seal Port Morant 1975 37 years old (crédit photo Référence Rhum)

Un embouteilleur italien maintenant : Silver Seal, qui nous propose ici un rhum de 37 ans (OMG !) à 49.9%.
Comme vous avez dû vous en rendre compte, je ne parle pour ainsi dire jamais du visuel des rhums que je déguste mais là je n’ai pas eu le choix. Sa robe est d’une teinte tellement foncée qu’on pourrait le méprendre avec un café, si ce n’étaient ces reflets rouges qui parcourent le verre !
Au nez, le parallèle avec le Berry est immanquable sur le côté cire/peinture, ainsi que sur la présence du bois et de la réglisse. Mais voilà, la comparaison s’arrête là. Les raisins et l’orange viennent compléter ce nez et apportent la gourmandise qui nous faisait défaut jusqu’alors. Il y a également comme une sensation torréfiée. Il mérite qu’on aille y chercher ses différentes facettes et vous aurez alors un rhum complexe et équilibré.
En bouche, les degrés semblent parfaits. Il devient moins fruité qu’au nez et met en avant une facette bien plus sombre de sa personnalité, sur un mélange bois (avec les tannins) et mélasse. Les fruits secs ne sont cependant pas absents avec le retour des raisins, ce sont d’ailleurs peut-être eux qui apportent une très légère sensation sucrée. Au final la bouche est un peu moins équilibrée que le nez.
La finale est très longue (oui ça devient une habitude pour les rhums de cette sélection) et tannique, même astringente mais sans que cela ne devienne dérangeant. C’est la réglisse qui s’octroie la part du lion, tandis qu’une pointe de tabac se fraye un chemin jusqu’à nos papilles.
Je dois bien avouer avoir été impressionné par ce rhum, qui fait partie de la famille, aux membres trop peu nombreux, qui allie complexité et gourmandise.

High Spirits mod

High Spirit Selection Demerara Rum 1975 (crédit photo Référence Rhum)

On arrive à 52% avec le High Spirit Selection.
Au nez, c’est sans doute celui-ci qui est plus intense sur ces notes de cire et de peinture fraiche (je ne suis pas complètement satisfait de la description de cet arôme relativement chimique mais je ne trouve rien de mieux pour le qualifier). Vient s’y greffer un côté bois humide très présent, et l’alcool est marqué. Heureusement ça ne s’arrête pas là, puisqu’il a aussi à nous offrir des notes de pruneau, de mélasse, de café mais aussi, de manière moins nette, du tabac et du cuir. Avec du repos et de l’aération, l’alcool apparait moins présent.
En bouche, l’alcool, comme prévu, se fait remarquer. Il présente un profil très, mais alors très noir. Il est boisé, torréfié, balsamique, amère et légèrement acide. Plus on le garde dans la bouche, plus extrême devient ce côté sombre.
La finale, très longue, est marquée par le café, un cacao amer mais aussi la réglisse et un boisé aux accents encore plus profonds et à l’amertume bien présente.
Ce rhum est trop ! Trop sombre, trop amer et vraisemblablement resté trop longtemps en fût. C’est une expérience, mais pas franchement positive…

Velier mod

Velier Port Mourant 1975 (crédit photo Référence Rhum – même si cette photo vient de chez moi :D)

Le dernier de notre line up et pas des moindres : le Velier Port Mourant 1975 (56.7%).
Au nez, il apparait moins intense que le précédent, moins alcooleux aussi, cependant il semble plus complexe. On retrouve une fois de plus ce grand mix de mélasse, cire, bois, peinture, pruneau mais il est moins “pan dans ta gueule”. Le bois est moins humide et le caramel et la vanille se fraient un petit passage. Il se fait légèrement balsamique et un peu acide, mais il offre aussi une facette tropicale bienvenue. Pour finir, il y a comme un petit quelque chose de noyau d’amande, si l’amande avait un noyau…
En bouche, l’alcool est très discret sur l’attaque mais accentue sa puissance au fil des secondes. La texture est épaisse et recouvre bien le palais d’une manière très fort agréable. Il est très différent du High Spirit puisqu’il est loin d’être aussi sombre. La mélasse est là mais des épices poivrées occupent l’espace. J’ai même eu une touche florale sur la première gorgée, mais qui a ensuite disparue.
La finale est très longue, boisée et amère, mais aussi épicée et chaleureuse. Après un bon moment, l’apparition discrète du miel se fait remarquer.
Ce rhum se démarque des autres mais sans parvenir à réellement se transcender.

Line up

Les jolies petites fioles de 3cl 🙂

Eh beh, quel tour d’horizon ! Des profils différents les uns des autres mais suivant une trame commune. Si l’on devait choisir un vainqueur ce serait le Silver Seal, qui est celui de la série qui propose une réelle alternative gourmande aux notes habituellement très noires de ces rhums et qui, malgré son grand âge, n’est pas du tout dominé par le fût. Le Velier ensuite pour son nez complexe et équilibré où l’alcool ne sert qu’à porter les arômes. C’est ensuite que ça se complique ; si je voulais continuer le classement, je pense que je me tournerais vers le Green Label, même s’il n’est pas très complexe, avec sa réglisse exacerbée. Viendrait en quatrième position le Berry Bros avec un profil très Port Mourant, noir, réglissé et cette note chimique. Et donc le dernier serait le High Spirit, qui est vraiment trop déséquilibré, où tous les arômes, déjà sombres, sont comme englués dans la mélasse, pour être ensuite torréfiés et conservés dans un vieux fût humide pendant de trop nombreuses années.

2 thoughts on “1975, la monnaie nationale chilienne, l’escudo devient le peso…

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