Travellers est LA distillerie connue du Belize, et même si l’on connait désormais Copalli, qui fait du jus de canne, c’est bien Travellers qui occupe la scène rhum en provenance de ce petit pays d’Amérique Centrale – où l’on parle anglais – limitrophe du Mexique et du Guatemala. On trouve des rhums de cette distillerie chez bon nombre d’embouteilleurs indépendants et ce depuis plusieurs années. Mes premiers Travellers, achetés il y a entre 5 et 6 ans, étaient estampillés L’Esprit ou encore The Rum Cask. Ce sont désormais la plupart des embouteilleurs qui proposent à leur catalogue : FAIR, Compagnie des Indes, Ferroni, SBS, Mezan, Kill Devil, Bristol et j’en passe…
Ce qui les caractérise avant tout c’est leur gourmandise et leur facilité (même quand ils sont embouteillés à très haut degré), grâce entre autres à une noix de coco grillée très intense, qui vous oblige à y revenir. Mais ça peut également être ce qui fait leur faiblesse, dans la mesure où ce coco peut avoir tendance à prendre le pas sur les autres arômes et à rendre le rhum monolithique – du moins dans la tête de certains. Aussi ai-je rassemblé quelques échantillons de Travellers – tous à haut degré – de chez différents embouteilleurs indépendants afin de procéder à une petite comparaison. Merci à tous ceux qui m’ont aidé à les rassembler et merci à Loïc, Ad, Pietro et Vincent pour les photos 🙂
Belize – Travellers – Ferroni 2007-2016 – 61%

Au premier nez, sans surprise, on retrouve ce qui fait la signature organoleptique de la distillerie : coco grillé, écorce et jus d’orange, vanille, boisé (relativement discret ici). Simple, efficace et gourmand, avec la noix de coco qui occupe fièrement le devant de la scène, scène marquée par l’exotisme. Etonnamment, il y a comme une lointaine parenté avec la Jamaïque de son côté vieillissement continental. Après l’avoir consciencieusement étalé sur les parois du verre, il s’exprime assez différemment et devient bien plus sombre. Son exotisme est toujours là mais nous apparait maintenant sur des notes empyreumatiques, voire même caroniennes ! Voilà une sacrée surprise. Imaginez un « cocktail » coco grillé et caoutchouc/goudron, le tout saupoudré de vanille… en effet ce n’est pas simple.
En bouche, la puissance de l’alcool est bien mesurée même si plus présente qu’au nez. Il est assez frais grâce à cet alcool et à l’orange, beaucoup moins sombre que précédemment. Coco et vanille sont au rendez-vous.
La finale est longue et démarre sur la noix de coco grillée, qui aurait trempé dans le jus d’orange. Elle est évolutive et c’est le bois et le tabac qui vont ensuite être au premier rang, sans oublier tout à fait le coco. Elle demeure gourmande même si une légère amertume apparait sur la fin, un peu comme un thé qui aurait trop infusé. Cette sacrée noix de coco refait même une apparition, comme un baroud d’honneur.
Il m’a beaucoup plu. Un nez complexe, gourmand et déroutant ; on se demande ce que Trinidad et la Jamaïque font là mais c’est pour le meilleur.
Belize – Travellers – Compagnie des Indes 2005-2014 – 64%

Au premier nez, moins exotique que le précédent, avec une noix de coco moins conquérante et une orange pour ainsi dire disparue. C’est ici le bois qui ressort, un bois serré et légèrement vanillé ; on imagine le fût carbonisé. On pourrait presque être sur un Barbade bien typé. Après aération, il gagne en intensité noix de coco-esque ce qui accentue la gourmandise et c’est ici une note fumée qui apparait et offre un peu de complexité bienvenue mais il y a aussi quelque chose d’un peu « terne », difficile à décrire.
En bouche, attaque puissante mais encore du domaine de l’acceptable (ça chauffe quand même un peu, pas évident de le garder trop longtemps en bouche), ainsi qu’un peu sucrée, ce qui ne contrebalance que modérément l’alcool. On reste dans le domaine du connu avec la noix de coco, la vanille et le bois.
La finale est très bois/coco/vanille dans la droite continuité de la bouche et va avoir tendance, là encore, à s’obscurcir, avec le bois qui se fait un peu tannique et le tabac qui le rejoint, ce dernier devenant de plus en plus présent. Et comme si, restée en embuscade elle avait vu une ouverture, la noix de coco – dont on ne se sépare pas si facilement – ressurgit jusqu’à n’en plus pouvoir.
Loin d’être désagréable, on y trouve la gourmandise habituelle très coco des rhums de Travellers. Un petit quelque chose qui m’aura un peu dérangé sur le nez et un alcool à la limite font qu’il ne sera pas dans mes favoris.
Belize – Travellers – Cadenhead’s 2005-2015 – 64.6%

Au premier nez, aucune noix de coco présente… non je plaisante, elle est bien là et est de mèche avec un boisé mais plus léger que sur le Compagnie des Indes. De manière générale, il semble moins lourd et opulent que les deux précédents, plus fin ou plus volatile. Lui aussi, avec du temps passé dans le verre, va se dévoiler un peu plus et ce sont des arômes de citron et de tabac qui font surface. Comme les deux précédents, il a également tendance à devenir plus sombre.
En bouche, l’alcool est présent là aussi mais chauffe peut-être un peu moins que sur le précédent. La noix de coco est franche et « juteuse ». L’impression globale est légèrement sucrée/vanillée et plutôt fraiche. Un tout petit peu de noix vient compléter cette bouche.
La finale garde un peu de cette impression de fruit à coque, en plus du coco. Et puis, l’évolution – que l’on peut désormais appeler habituelle – suit son cours et le côté tannique du bois mâtiné de notes de tabac laissent leur empreinte.
Peut-être le plus classique, avec une absence de défaut mais aussi une absence de réelle identité. Sympa tout de même.
Belize – Travellers – The Wild Parrot 2007-2018 – 65.1%

Au premier nez, on perd la vanille mais on gagne en boisé. Il donne une impression assez concentrée et riche, presque tropicale, sans que le degré élevé ne se remarque vraiment. Ici après aération, le profil ne change pas outre mesure et la puissance alcoolique ressort. Une petite note florale apparait cependant mais ce sont clairement le bois, secondé du coco qui dominent sans partage
En bouche, je me suis malheureusement rendu compte que mon sample n’était en meilleure forme puisque que j’ai eu une dominante… lessive, voire adoucissant. Bref, la dégustation s’arrête là ☹
Bon, on arrête sur cette fausse note la première partie, avec une nette préférence pour le Ferroni qui tire son épingle de la noix de coco de belle manière !
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