Le Bar 1802 est rapidement devenu un incontournable dans le petit monde du rhum parisien. Un choix très vaste dont pas mal de collectors, des cocktails très rhum, des événements et quelques embouteillages exclusifs pour le lieu, voilà des arguments sérieux pour avoir obtenu ce statut.
Très récemment ont été invités (par l’entremise de Yann, merci :)) quelques chanceux pour y découvrir les futurs rhums aux couleurs du 1802. Le seul qui avait dévoilé a priori – par Rumporter – était le Mhoba le plus vieux jamais embouteillé, un glass cask vieilli 6 ans avec des douelles dans la dame jeanne. Pour le reste il nous a fallu le découvrir sur place.
Alors cap vers l’Hôtel Montecristo, rue Pascal et son bar à rhum !
Rendez-vous était donné à 11h00 pile (nous tairons le nom du retardataire). J’arrive avec quelques minutes d’avance et salue les autres convives, puis Florian, notre hôte, nous accueille et nous invite à le suivre vers la salle très cosy du 1802 où les tables avaient été préparées à notre intention : verres déjà remplis et couverts, carafe d’eau et pas mal d’espace entre les dégustateurs. Adrian et Cris, les tauliers du bar, sont déjà à pied d’œuvre et notre arrivée est rapidement suivie d’une grosse tournée de checks. Mais je vois également un autre visage connu : Morgan, patron de Famille Ricci, jeune – mais actif – embouteilleur du sud de la France que j’avais rencontré au Marché de Noël du Rhum Society. Mon intellect surdéveloppé se dit à ce moment-là que ça sent la collaboration entre tout ce petit monde.

Mhoba Rum pour le Bar 1802 – 6 ans – 59%
Mais chaque chose en son temps et nous ouvrons donc les hostilités par le Mhoba. Il n’existe que 36 exemplaires de ce rhum, qui sont issus de la réserve personnel du boss Robert Greaves. Aucune ne sera mise en vente, elles seront toutes réservées pour le 1802 à la dégustation, alors vous savez ce qu’il vous reste à faire si vous souhaitez y tremper les lèvres.
Voilà ce que j’en ai pensé :
Le nez est très plaisant en offrant cette trame double : les esters avec leur ananas trop mûr et acide et une grosse gourmandise caramélisée et vanillée. L’ensemble fonctionne bien et sa nature de rhum high esters permet d’équilibrer son profil chaud et beurré. En bouche, on démarre par une sucrosité marquée et une belle intensité. C’est sa facette pâtissière qui prend le dessus et les esters passent un peu en retrait. L’alcool est très bien dosé et sert la concentration. La finale est longue sur des notes boisées, vanillées et torréfiées.
Il est bon et sacrément gourmand ce Mhoba et il est intéressant de voir ce que plus d’années au contact du bois peuvent apporter à ces ovnis sud-africains. Le seul regret que je peux avoir c’est la disparition quasi totale de la matière première, le jus de canne à sucre.
C’est après cette entrée en matière que Cris et Morgan nous ont expliqué en quoi la Famille Ricci était impliquée dans les trois autres produits à déguster. L’embouteilleur indépendant a sélectionné des rhums en dehors de sa zone de confort pour proposer non pas trois mais six rhums. La sélection s’est portée sur trois single casks de trois origines différentes et aux profils très variés, dans l’idée d’un voyage organoleptique. Ce voyage reprend l’imaginaire du Comte de Monte-Cristo et des transformations et pérégrinations de ce dernier, dont ont découlé le nom des bouteilles. Il y a donc un chemin à suivre pour déguster ces rhums, en démarrant par le plus abordable (qui est entièrement distillé sur colonne), pour finir par le plus caractériel (lui étant 100% pot still). Allons-y !

Dantes – Nicaragua 17 ans – 62%
Ce rhum, sans sucre ajouté, a passé 14 ans sous les tropiques, puis 3 en Europe, l’ensemble en fût de bourbon.
Au nez, ce sont des notes de fruits à coque et des arômes torréfiés qui se remarquent immédiatement. L’alcool se remarque un peu mais n’entame pas la gourmandise épaisse et chaude qui se dégage de ce rhum. La vanille se joint à la fête, ainsi qu’un côté balsamique qui témoigne de la marque des années et d’une belle concentration. Cette dernière se confirme en bouche, l’alcool est finalement bien intégré et sa texture soyeuse. On retrouve nos marqueurs torréfiés et la noix. Le boisé gourmand est également très présent, la vanille et la mélasse réglissée au second plan. La finale est longue, toujours sur cette trame très chaude et torréfiée. De manière agréable, de légers tannins restent sur la langue.
Vraiment pas mal du tout, et bien que marqué par le fût, c’est loin d’être un jus de planche ; ce sont les accents gourmands du bois qui ont été gardés. Un ron qui se démarque ; je n’aurais absolument pas pensé au Nicaragua.
Sinbad – Barbade 11 ans – 62%
En provenance de la distillerie Foursquare, ce rhum est un assemblage 75% pot still et 25% colonne, et il n’a passé qu’une seule année sous un climat continental.
Son nez est dans un premier temps un peu moins expressif que le précédent mais l’on y retrouve certains marqueurs : fruits à coque, arômes torréfiés et vanillés. Il y a cependant un dernier invité qui marque bien son territoire : la noix de coco. Il y a d’autres différences : ici le représentant des fruits à coque est plus la noisette et l’impression globale est moins chaude et sombre. L’alcool passe très bien en bouche et c’est un surprenant duo qui attire les papilles : le sucre et le sel. Sans être trop marqué, il apporte de l’originalité et un côté caramel au beurre salé comme dirait Morgan. Niveau saveurs, ce sont les classiques coco, vanille et pâtissier qui se mettent en place. La concentration se remarque une nouvelle fois. Sur la finale, on garde notre noix de coco, ici grillée, notre vanille et notre boisé torréfié gourmand.
Un Foursquare dont on reconnait l’ascendance mais qui parvient de se distinguer grâce à cette pointe salée et son caractère torréfié.
Wilmore – Jamaïque 14 ans – 63%
C’est après 11 ans passés chez Clarendon (où il a été distillé sur pot still), qu’il aura été ramené sous des latitudes moins clémentes pour trois années supplémentaires de vieillissement.
Le nez démarre sur une bouffée d’ananas, qui va s’éteindre assez rapidement pour dévoiler un profil très expressif et puissant dominé par la réglisse, des notes brûlées, ainsi que des arômes végétaux, épicés et médicinaux. Ajoutez-y le cuir et vous avez une idée de ce nez. Dès la mise en bouche, on se rend compte, là aussi, que l’on a dans le verre un rhum très concentré. Réglisse, épices et côté médicinal sont bien en place. L’amande fait son apparition et tient le rôle du fruit à coque. La finale, très longue, est menée par le duo fumé et réglisse.
Je ne vous le cache pas, avant qu’ils ne dévoilent ce que nous dégustions, j’aurais mis un billet sur le Guyana et plus précisément l’alambic Port Mourant, ce qui est rarement à mon goût. Une facette de la distillerie Clarendon que je ne connaissais pas.

Je vois deux points communs à ces rhums ; tout d’abord ils sont tous, d’une manière ou d’une autre, légèrement écartés des trames habituelles de ces provenances/distilleries. Seconde similitude, ils offrent tous une grosse concentration, qui est vraiment plaisante. Bref, des sélections bien faites.
Pour ceux qui ont suivi, j’ai bien évoqué six rhums et pas seulement trois. En effet, outre la sélection de ces fûts, Famille Ricci va également réaliser trois assemblages avec ces rhums, mélangeant toutes ces origines par paires. Ces blends n’étaient pas encore prêts lors de cette journée, aussi devrons nous attendre le Rhum Society 2021 pour les déguster (pour patienter, voici mon article sur la première édition du Rhum Society).
Pingback: Famille Ricci : Collection Exception, Ovni et Cuvée Hommage | Les rhums de l'homme à la poussette
Pingback: Le Marché de Noël 2021 du Rhum Society | Les rhums de l'homme à la poussette