Un événement rhum en 2020 ? Impossible ! Ils ont tous été reportés, quand ils n’ont pas tout simplement été annulés. Et donc là, vous voulez me faire croire qu’un salon dédié aux eaux de vie de canne a eu lieu ?!
Et bien oui, vous ne rêvez pas, le premier week-end (un second est à venir) d’un salon rhum a bien eu lieu les samedi et dimanche derniers. Evidemment je ne pouvais pas louper ça, car outre mon intérêt pour ce genre de rassemblement, j’étais sévèrement en manque !
Ce qui ne gâche rien c’est la forme tout à fait unique de ce salon. En effet, La Rhum Society (c’est son nom) se déroule dans les chambres d’un hôtel parisien, le Monte Cristo dans le 5ème arrondissement. Moyen astucieux de respecter les gestes barrières – le nombre de places par chambre étant limité à trois voire quatre personnes – cela permet également de créer un lien particulier entre les visiteurs et les exposants.
C’est sur deux week-ends qu’une petite quarantaine de marques (20 sur chaque week-end) ont pris possession des chambres de cet hôtel quatre étoiles. Un peu de déco, des bouteilles installées sur les oreillers et les tables de nuit ; le décor est posé.

Mais avant d’en arriver aux chambres, un mot sur l’organisation de l’événement, qui est vraiment remarquable pour une première édition. L’achat d’un billet (pour 29€) vous donne droit à un créneau de 2 heures pour vous balader d’étage en étage pour papoter avec les ambassadeurs des marques et déguster leurs rhums. Vous repartez également avec un verre sérigraphié (celui qui vous aura servi lors de vos dégustations) et un échantillon d’un excellent rhum Bielle par Old Brothers embouteillé pour le Bar 1802 (le bar à rhum et à cocktails de l’hôtel), non sans avoir bu un cocktail offert au Bar 1802. Il faut être à l’heure pour votre fenêtre de tir, l’organisation étant très ponctuelle, vous ne voulez pas louper une minute de votre visite, le temps passe très vite.
C’est armé d’un petit fascicule détaillant la présence des différentes maisons de rhums et de leurs bouteilles présentées, que vous vous engagez dans l’escalier à la recherche de votre première chambre. Sur chaque palier, un membre du staff est à votre disposition pour vous aiguiller. Comme je vous disais, deux heures c’est court, alors vous voulez vraiment cibler ce que vous souhaitez découvrir et avec quel “rhumier” vous souhaitez parler – quitte à ne déguster qu’une seule cuvée chez certaines marques. C’est bien sûr ce que j’ai fait. J’étais même arrivé en avance, ce qui m’a permis de mettre au point un plan de bataille (et de boire un cocktail). Ayant guetté les posts sur les réseaux sociaux des précédents visiteurs, j’avais une idée assez précise des rhums à ne pas manquer. Et c’est comme à mon habitude que j’ai débuté par les purs jus de canne blancs – même s’il était impossible de s’y tenir très longtemps.
C’est parti !
Je grimpe les marches pour me rendre immédiatement au troisième étage, à la découverte de deux nouveautés martiniquaises, issues d’une même distillerie mais arborant une marque différente.
Depaz Cuvée Papao 2019 – 48%

Qu’est-ce qui le différencie du classique Cuvée de la Montagne (que j’ai d’ailleurs goûté à nouveau et qui n’est toujours pas ma came) ? L’accent est mis sur sa nature parcellaire et, dans un second temps, sur sa réduction plus lente. Ajoutez à cela que c’est un 100% canne bleue et qu’il est proposé à 48% et vous avez sa carte d’identité. C’est surtout sa fraicheur et ses agrumes qui m’ont frappé. La canne manque cependant un peu de gourmandise et se présente sous une facette plutôt végétale. La bouche confirme cette première impression et les 48% sont plutôt bien choisis (pourquoi 48%, je ne sais pas). Il reste un bon moment en bouche mais à nouveau, un peu trop sous un angle végétal. Meilleur que le classique ? Oui, c’est certain, mais pas exceptionnel pour autant selon moi.
Dillon Canne Rouge 2019 – 50%

Dillon nous avait déjà sorti un Canne Rouge l’année dernière, voici donc la récolte 2019, dans un contenant qui se marie avec la nouvelle identité d’une partie de la gamme. Au nez, j’ai retrouvé avec grand plaisir la gourmandise fruitée de la canne rouge. Sa texture en bouche accroit sa générosité ; l’alcool est discret et l’équilibre se créé. La finale est longue et se caractérise par la fraicheur.
Ben voilà, Dillon nous sort encore une bien belle bouteille, qui j’imagine sera vendue à un prix plus que raisonnable, connaissant la maison.

Après cette entrée en matière, je file au cinquième étage pour me frotter aux nouveautés de l’embouteilleur indépendant Old Brothers. J’attends quelques minutes que le groupe précédent ait fini de profiter d’Anto (l’un des deux vieux frères), puis m’engouffre dans la pièce où je m’assois sur le lit.
Au programme, un grogue (rhum du Cap Vert), mis en bouteille suite à la visite d’Anto – accompagné de Guillaume Ferroni, Luc Litschgi et Jean-Pierre Engelbach – au Cap Vert, dont il est tombé amoureux. Les rhums du Cap Vert – ici produits sur l’île de San Antao – sont très typés, sauvages et d’une certaine manière “pleins de défauts”, mais c’est ce qui fait leur identité. Ils ont beaucoup d’amateurs mais je n’en fais pas vraiment partie. Intéressants, certes mais pas très plaisir à mes papilles.
Old Brothers 45.9 Dans les Arbres

Je crois qu’avec cette nouvelle sortie, Old Brothers vient de créer le grogue qui me plait. L’équilibre du nez est là, entre canne fraiche, paille, fruits, acidité et impression de douceur, tout en gardant la typicité propre à l’île. La bouche de ce brut d’alambic est grasse et “sucrée”, il enrobe et flatte le palais. La canne domine est on lui trouve un lointain lien de parenté avec les clairins haïtiens mais en plus mesuré. Moins âcre/acide que d’autres grogues, il est définitivement bien plus à mon goût.
Old Brothers FWI et LPCH
Après ces trois purs jus, et toujours chez Old Brothers, on va faire un tour sur les nouveaux blends Barbade et Jamaïque en petite bouteille noire. Il semblerait que la première fournée ait bien marché puisqu’Anto remet le couvert mais voit les choses en trois fois plus grand, puisqu’il y aura le triple de bouteilles produites. Les proportions dans les deux blends changent un peu (avec 20% de Foursquare dans le FWI, contre 10% sur la première version) mais l’objectif reste le même : offrir un instantané d’une origine. Et le contrat est totalement rempli, puisqu’il n’y a aucun doute à la dégustation. Le FWI nous emmène tout droit à la Barbade et sa gourmandise coco, tandis que le LPCH exhale la Jamaïque par tous ses pores.
Anto explique qu’il est bien plus satisfait de ces seconds batchs, personnellement il faudrait que je fasse face to face pour voir les différences.
Un autre exposant que je ne voulais pas louper était au premier étage au fond du couloir à gauche : Les Frères de la Côte. Vous les connaissez, d’autant que je vous en parlais déjà ici et là. Cette année, trois rhums transportés par voilier, dont deux Reimonenq. Mais avant ça, dégustons le Palma XIV anos.

Tres Hombres Palma XI anos – 43%
Toujours issue de la distillerie Aldea, nous avons à faire à du pur jus de canne vieilli selon la méthode solera, donc non, ce n’est pas un quatorze ans. Le vieillissement s’est probablement fait en fût de vin dans en premier temps (et ses arômes de poudre à canon), puis en fût de bourbon dans un second. Ce dernier a bien marqué le rhum, qui bien que sec, reste gourmand et offre un côté chaleureux sur la finale.
Reimonenq Rhum Agricole Dynamique – 50%
C’est en fait le cœur de chauffe de la distillerie qui a passé 5 mois en fût de Porto à bord du Tres Hombres, puis un dernier mois à Saint Etienne avant la mise en bouteille. La couleur est troublante mais au nez on retrouve principalement l’influence de la canne, même si le bois pointe le bout de sa douelle. La bouche propose une sucrosité marquée, sans doute venue de l’association d’un rhum “doux” et du vieillissement en fût de Porto.
Reimonenq Brut double colonne – 76%
Toutes les distilleries agricoles se mettent à sortir un brut de colonne, voilà celui de la petite distillerie guadeloupéenne. Là encore il s’agit du cœur de chauffe (mais à plein degré). Au nez, on a une vraie identité et un agréable fruité qui invite à y tremper les lèvres. Et là, la sucrosité qui caractérise son attaque est juste incroyable et c’est d’ailleurs ce qui marque pour moi cette dégustation, tant cette douceur est exacerbée. La fraicheur est là aussi et l’alcool brûle à peine. Un des meilleurs bruts de colonne que j’ai pu déguster.
J’ajoute que les Frères de la Côte sont en train de lever des fonds pour réhabiliter un voilier-cargo et ainsi disposer d’un bateau de plus pour augmenter leurs capacités de transport, alors si vous souhaitez les soutenir, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

Je souhaitais ensuite passer dans la chambre de La Favorite, car y était ouverte une Digue 2019, pas encore dégustée par votre serviteur. J’en ai profité pour me replonger dans le Cœur de Canne, toujours égal à lui-même et qui m’aura régalé de nombre de ti-punchs à la maison 🙂
La Favorite La Digue 2019 – 52%
Ce second opus est toujours 100% canne roseau et est réduit sur une durée de 8 mois. Le nez est frais, herbacé et fruité et la bouche, à l’attaque marquée par une forte sucrosité et une belle texture, est gourmande sur la canne fraiche. La finale en revanche, gagne en verdeur et est dominée par une canne plus végétale. Un joli rhum, bien que sa finale soit un peu en deçà à mon goût.
Je vous passe ma brève dégustation du Cœur Ambré qui ne présente pas grand intérêt.
C’est à ce moment-là que mes deux heures s’achevèrent, alors qu’il me manquait – entre autres – Ferroni et ses nouveautés. J’ai heureusement eu la chance de croiser Mathieu et Xabi (désolé si j’écorche ton nom) du Rhum Club de L’ouest, du Rhum Live Nantes et du très attendu Wiki Rhum (remplaçant tant désiré de feu Référence Rhum), car en plus de me faire une petite démo très prometteuse de leur site/application à sortir, ils avaient une place supplémentaire pour le créneau suivant, place qu’ils m’ont très généreusement offerte. Merci 😉

C’est en leur compagnie que je suis donc allé dans la chambre d’Audrey et Guillaume, ce dernier nous accueillant en peignoir et pantoufles ! Ce n’est qu’après avoir pu admirer ses pectoraux et avoir appris qu’il ne porte pas de sous-vêtements que l’on passe à la dégustation de trois des futures sortie Ferroni (parmi les 4 ou 5 qui seront normalement commercialisées pour la fin d’année).
Ferroni Terres de Pur Jus – 63.2%
J’appelle régulièrement Guillaume Ferroni le savant fou ou l’expérimentateur de génie, et bien, il mérite une fois de plus ces sobriquets, puisque ce rhum est d’un blend de rhums pur jus de canne 7 ou 8 origines : Martinique, Guadeloupe (et Marie-Galante), Madère, Cap Vert, Maurice, Thaïlande et Guyane Française. Ce “pot-pourri” a ensuite passé un an dans un fût de La Favorite et se sera même vu bonifié d’une bouteille de la Cuvée Privilège de cette même distillerie. Grosse fraicheur, du beurre et de la complexité. Madère et le Cap Vert apportent un vrai plus de par leur identité forte, au nez et en bouche. L’attaque est relativement douce mais les 63% ne se font pas oublier non plus. Ah et j’ai oublié : la gourmandise est au rendez-vous. Une expérience réussie.

Ferroni Australie – 60.2%
D’abord vieilli environ 3 ans en fût de Bourbon en Australie, il passera ensuite 3 ans et demi en fût de Muscat de Beaumes de Venise dans le sud de la France. Ce dernier fût était très frais (à peine le Muscat vidé, le rhum y a été versé), ce qui permet d’avoir une grosse influence du précédent alcool contenu et de ne pas mécher le fût. Au nez, on a certes de la coco mais également un surprenant et agréable rancio, ainsi que des notes pâtissières. La bouche confirme la gourmandise avec une influence marquée des deux maturations, dont du sucre apporté par le vin doux naturel. Il a suffisamment de puissance pour que la dégustation ne soit quand même pas “trop facile” ^^ La finale est longue et pâtissière, avec le retour du rancio. Ça doit se boire bien trop vite cette petite chose 🙂
Ferroni Torna Viagem – 64%
Sous ce nom mystérieux (pas tant que ça, il s’agit du nom d’un vin dessert de Madère qui a fait la traversée de l’Atlantique en bateau), se cache une autre idée saugrenue de Guillaume Ferroni : assembler un rhum du Bélize de 2007 avec un rhum grand arôme du Galion de 2016. Le résultat est étonnant ! Le profil Bélize et sa coco grillée dominent mais le léger ajout de grand arôme – il a fallu trouver la juste mesure tant ces rhums sont expressifs – se fait sentir et apporte une autre dimension lors de la dégustation (en plus de rallonger la finale). Bien que l’attaque soit non dénuée d’une certaine sucrosité, c’est un rhum sec, qui vous invite à en reprendre une lampée.
Bien content d’avoir pris le temps chez Ferroni, les trois rhums dégustés ont une vraie identité et – comme souvent avec cette maison – le goût de la nouveauté.

Comme il me restait pas mal de temps sur cette seconde session, je me suis demandé qui je pouvais bien aller voir ensuite et me suis retrouvé chez Clément, qui proposait une jolie sélection de quatre rhums. Je n’en ai dégusté que trois, faisant l’impasse sur le VSOP.
Clément Colonne Créole Vieux – 40.7%
Jamais encore dégusté, c’était l’occasion ; je partais cependant avec un a priori négatif, n’était pas fan du blanc. Eh bien, malgré une identité indéniable, il a été loin de me convaincre. On passe.
Clément Cuvée Homère – 44%
Il s’agit d’un assemblage de rhums de 6 à 10 ans élevés en fût de Bourbon. Le nez est plutôt bien foutu avec des fruits, de la vanille, des épices et un boisé très fondu et discret. On retrouve en bouche cet équilibre et cette gourmandise. Un rhum résolument facile et plaisir, avec un petit manque d'”accroche” à mon goût.
Clément Elixir – 42%
Celui-ci est un assemblage de rhums de 6 ans et plus. Il se distingue du précédent par un boisé plus marqué et une certaine acidité. C’est confirmé par la bouche, qui est moins abordable, moins facile dès la première gorgée. La finale est plus sèche, entre bois et vanille. Il aurait sans doute mérité un peu plus de temps d’ouverture mais je suis tout de même content d’y avoir trempé les lèvres.

Je souhaitais terminer par un rhum qui envoie – et qui rend compliqué les dégustations suivantes. Je me suis naturellement tourné vers l’Afrique du Sud et Mhoba, et plus précisément vers le Strand 101, création bâtarde de l’ambassadeur de la marque Knud Strand, qui un soir s’est amusé à associer le Glass Cask et le High Ester. Je ne vous le cache pas, j’ai été super content de remettre le nez dedans ! Ce mariage pur jus de canne et high ester a vraiment quelque chose de magique. C’est extrêmement gourmand et les deux ascendances se complètent et se complimentent l’une l’autre. Merci Knud ! 😉

Fin des dégustations et début des hostilités au bar 1802 en bonne compagnie (coucou Flo et les autres o/). Des cocktails, des shots mais – finalement aussi – des dégustations 😀 Frais comme un gardon je fus, le lendemain.
Quel plaisir de retrouver mes camarades amateurs ! Ce n’est pas la première fois que je vous le dis, mais ces salons rhums sont aussi – voire surtout – l’occasion de se retrouver entre amoureux de rhum ; bref, de revoir les potes 🙂
Un regret ? Oui, de ne pouvoir y retourner le second week-end !
Guillaume était sans sous-vêtements , mais tu n’as pas précisé pour Audrey !!!😂
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