La sortie de rhums au compte d’âge élevé chez Neisson est toujours un petit événement dans le monde du rhum. Cette année, la distillerie familiale nous gâte avec quatre nouveautés (si l’on omet les carafes de 3 litres), 90ème anniversaire oblige ! C’est avec beaucoup d’impatience et aussi un peu de fébrilité que je me suis lancé dans cette dégustation d’exception.
Neisson 15 ans batch 4 – 49.1%

Il s’agit déjà du quatrième 15 ans de la distillerie du Carbet. Distillé fin 2005, il a passé 15 ans (et oui !) en fût de chêne français, pour être dépoté en octobre 2021.
Nez : Expressif, il commence à faire de siennes dès le verre porté au menton. Il se distingue assez nettement de mon contact initial lors du Whisky Live. Moins droit et plus tropical, cette différence n’est pas pour me déplaire. Dès le premier nez, il se passe pas mal de choses. C’est avant tout un profil chaud, fruité et torréfié qui marque cette première impression. Beaucoup d’exotisme sur des fruits bien mûrs, du chocolat noir et des épices. La gourmandise est portée par des fruits à coque caramélisés, à la manière des chouchous. La fraicheur n’est pas en reste et amène l’équilibre nécessaire. Le boisé, fondu, se manifeste par des notes de bois précieux et ciré.
Le second nez « ne fait que » monter le volume d’un cran. On imagine un jus concentré et collant, nous verrons. Les épices se font poivrées, ce qui a tendance à accentuer la fraicheur.
Je le préfère reposé dans le fond du verre, d’autant qu’un peu de beurre en surgit. En tout cas, on ne s’ennuie pas !
Les minutes qui s’égrènent ne lui sont pas vraiment bénéfiques, il s’assagit et perd en complexité et en gourmandise.
Bouche : heureusement, la bouche, saisissante, le remet d’aplomb. On retrouve un très joli melting-pot des arômes trouvés sur le nez, le tout servi par un alcool proche de la perfection.
Finale : la fin de bouche est hyper gourmande et intense – peut-être le meilleur moment de la dégustation – puis va progressivement évoluer vers plus de fraicheur, de bois, de tabac et de beurre.
Le niveau est élevé, c’est certain. Cependant, le nez, changeant, n’est pas toujours à mon goût, surtout avec beaucoup de repos.
Neisson 18 ans batch 3 – 49.4%

Pour ce troisième batch, Alex Bobbi a réalisé un assemblage de jus vieillis en ex-fût de cognac et ex-fût de bourbon. C’est d’avril 2004 à avril 2022 que le rhum blanc se sera imprégné et marié aux arômes du bois.
Nez : on retrouve un profil très tropical mais un peu plus sombre que le 15 ans. Les fruits deviennent compotés, les épices sont plus chaudes, le fût se fait plus présent, le chocolat gagne en pourcentage de cacao et une pointe de tabac fait son apparition. Les fruits à coque – que j’aime si souvent chez Neisson – se taillent également une belle place, noisette en tête. De la fraicheur ? Oui, il y en a aussi, menée par un zeste d’agrume bien en place.
Il gagne en concentration sur le second nez ; le tabac prend du poil de la bête et une impression balsamique surnage. Vraiment très agréable, on se demande simplement si le bois ne sera pas un peu trop présent en bouche. Patience.
Après plus d’une heure dans le verre, il garde sa concentration remarquable. Cette dernière est au service de cette gourmandise torréfiée et maintenant légèrement réglissée. Très beau.
Bouche : cette exceptionnelle concentration (sous un jour balsamique encore) est entièrement confirmée et elle garde le même objectif : le plaisir. Le bois est présent mais ne gêne en rien, puisqu’il est accompagné des fruits (sous de multiple formes) et des épices. La sensation est soyeuse et pleine.
Finale : très longue, elle débute sur un air pâtissier fort agréable, avant de voguer vers des rivages plus obscurs où le tabac, la torréfaction, la réglisse et le boisé dominent.
Le nez et la bouche sont en adéquation, avec deux mots d’ordre : concentration et plaisir. Sur les 18 ans, je crois que ce troisième batch est mon préféré.
Neisson Nonaginta – 47.6%

Voici la réalisation qui célèbre les 90 ans de la distillerie. Il s’agit du fruit d’un assemblage, dont voici les proportions :
– 300 litres du 18 ans (celui dont je parle juste au-dessus)
– 20 litres d’Armada 2000
– 20 litres d’Armada 1997
Nez : sans doute un peu moins intense que le précédent, on gagne en finesse. Il se livre plus crémeux, plus rond. Fruits à coque caramélisés, fruits secs vanillés, fruits exotiques frais et compotés, dont de la banane et du fruit de la passion (non, nous ne sommes pas en reste sur les fruits !), épices douces et boisé velouté. Là aussi, la fraicheur se manifeste sous les traits d’une orange et de son zeste. C’est une goutte de café (voire une tasse de ristretto) qui nous apporte la torréfaction.
Le deuxième nez nous livre un rhum encore plus profond et complexe où une étrange – mais réussie – mixture de tabac, de cacao et de beurre vient ajouter un second niveau de lecture tout en accentuant la concentration.
Un long repos ne le fait pas bouger, il garde sa rondeur fruitée et vanillée.
Bouche : la texture apparait moins épaisse et soyeuse que celle du précédent, en revanche l’intensité est bien là. Nos fruits sont bien plus timides et laissent la place aux épices et au bois. Moins aimable que ce que le nez laissait présager, il dévoile une facette de sa personnalité plus sombre et presque austère.
Finale : longue, elle est dominée par les épices, le boisé et le sucre roux.
Le nez est vraiment réussi et agréable mais la suite de la dégustation m’a un peu déçu.
Neisson 21 ans batch 2 – 49.8%

Il faut remonter à l’an 2000 pour retrouver l’année de distillation du rhum blanc qui aura vieilli 21 ans durant, intégralement en ex-fût de bourbon.
Nez : magie ou sorcellerie, je ne saurais dire mais il y a quelque chose chez ce 21 ans qui n’est que pure gourmandise, comme si la multiplicité d’arômes, la complexité, l’intensité, la concentration n’avaient pour unique but le seul plaisir. L’association, ou plutôt le mariage, des fruits à coque, de la vanille, des épices et des fruits fonctionne à merveille. D’autant que tous ces acteurs ont été travaillés, cuits ou torréfiés pour en extraire la quintessence aromatique. Une caresse. Il y a simplement ici un je-ne-sais-quoi qui fonctionne mieux. Il n’est pas plus complexe ou plus concentré que d’autres et pourtant…
Le second nez donne davantage envie de s’y perdre, de s’y noyer.
Je pourrais le humer des heures. Je n’en suis d’ailleurs pas loin, alors que j’écris ces lignes. « Une drogue à sniffer ? Pas besoin, j’ai mon Neisson 21 ! »
Le repos n’y fera rien, il demeure tout aussi adorable. Je crois que la dominante fruits à coque (noisette, noix et cacahuète) n’y est pas pour rien.
Bouche : après la caresse, la claque ! Concentration et intensité atteignent leur paroxysme. Et il est en même temps tellement facile à boire, c’est troublant. Son identité n’a pas bougé entre la première et la deuxième étape de la dégustation, il a gardé cet incroyable plaisir procuré.
Finale : très longue, on débute sur cette impeccable partition entièrement tournée vers la gourmandise et ce n’est qu’après quelques instants, que bois et épices vont doucement prendre le dessus.
Nom d’une pipe ! Quelle expérience et quel voyage ! Ce second batch est une grande réussite. Est-il au niveau du premier ? Dur à dire mais si quelqu’un m’envoie un échantillon de chaque, je veux bien réaliser la dégustation croisée 😉
Décidément, certains rhums vieux de chez Neisson me procurent des émotions comme aucun autre. Sur cette série, ce sont le 18 ans et bien sûr le 21 ans, qui m’ont véritablement touché.
Neisson d’exception – partie 1
Neisson d’exception – partie 2
Neisson d’exception – partie 3
Neisson d’exception – partie 4
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