On termine (j’espère seulement provisoirement) avec deux Neisson qui ont – encore plus que tous les autres – bien mérité leur statut de licorne. Le Armada Drop by Drop est une création mutante embouteillée pour les 85 ans de la distillerie martiniquaise. N’existant qu’en dix exemplaires, il s’agit d’un blend des millésimes Armada (dont je vous parle dans cet article), réalisé au goutte-à-goutte (oui le nom était bien un indice). Les carafes Armada sont des objets d’une grande valeur (tant au niveau du contenu que du contenant) et d’une grande rareté, alors imaginez ces millésimes 1991, 1992, 1993 et 1995 assemblés dans une unique bouteille…
Le second Neisson que je m’apprête à déguster représente, d’une certaine manière, une rhum encore plus exceptionnel. Comment est-ce possible me direz-vous ? Eh bien, tout simplement du fait que ce rhum n’a pour l’instant jamais été mis en bouteille et possède un compte d’âge plus élevé que le titanesquement merveilleux 21 ans ! C’est grâce à une vente caritative organisée par l’association au but non lucratif Ma Part des Anges en avril 2020 et bien sûr à la distillerie du Carbet qui avait donné quelques centilitres pour ces enchères, que j’ai pu mettre la main – fébrile – sur ce flacon. Distillé en 1997 et mise en flacon en 2019, nous sommes face à une licorne parmi les licornes.
Je suis un peu nerveux à l’idée d’ouvrir ces bouteilles miniatures, peur d’être déçu mais encore plus peur de voir leur niveau baisser vers une inexorable petite mort.
Neisson Armada Drop by Drop – 46%

Un nez expressif, très Neisson, avec un boisé fin, des notes torréfiées, des agrumes, une pointe végétale et des fruits à coque (un peu en retrait). Intensité, profondeur, équilibre, ce rhum démarre très fort et rend vraiment curieux de la suite. À noter une fraîcheur plus présente que sur beaucoup d’autres rhums de la maison et même un petit tour de moulin à poivre. Avec du repos (et après être passé sur le 1997), il semble un peu moins opulent et a perdu de cette fraîcheur, au profit du caramel, très bien dosé et de la pêche. Mes fruits à coque préférés ont également gagné en présence et se font remarquer.
Le second nez nous emmène vers des contrées plus sombres où il serait comme plus difficile de se frayer un chemin. Heureusement, le tabac, les épices douces, un fût fortement chauffé, une vanille grasse et des fruits à coque torréfiés ponctuent notre balade et nous guident vers un but pâtissier. Le voyage est ici tout aussi important que la destination. Les minutes s’égrainant vont doucement – un peu comme le 15 ans batch 3 – amener ce rhum à l’équilibre, alliant toutes ses facettes en une identité forte, complexe et ô combien succulente.
Le rhum prend immédiatement la bouche grâce à un alcool parfaitement dosé, il explose à peine les lèvres franchies. On retrouve le chocolat, le boisé, les fruits (frais et à coque) et le tabac. Pour mon plus grand plaisir, on peut le garder en bouche un bon moment jusqu’à ce qu’il dévoile, en fin de bouche, une pointe de fraîcheur du plus bel effet.
La finale n’est qu’une étape de plus et porte mal son nom, puisqu’elle n’en finit pas… Un boisé toasté et cacaoté ne compte tout simplement pas laisser le palais en paix. Ce n’est qu’après plusieurs minutes que la chaleur torréfiée décroit progressivement pour ne laisser qu’un souvenir ému et repu.
Exceptionnel ! Hors du commun ! Quel voyage et quel plaisir d’avoir pris le temps de déguster et d’honorer ce rhum.
Neisson 1997 – 2019 – ? %

Ouh là ! Me voilà face à un nez encore plus concentré que le précédent ; peut-être le degré d’alcool est-il un peu plus élevé, ce qui ne se sentirait que grâce aux arômes portés un cran plus haut. Ce sont mes fruits à coque tant aimés qui ouvrent les hostilités et donnent le ton. La fraîcheur est également de mise et conduit le rhum vers une dimension aérienne. Une orange bien mûre et surtout un boisé légèrement torréfié le retiennent et le maintiennent dans une dimension plus terrienne, agricole. Une touche de tabac et des airs pâtissiers complètent cette première impression, et quelle première impression ! Plus de temps passé dans le verre ne le fait pas changer, il demeure tout aussi intense, fondu et gourmand.
Faire tourner le liquide dans le verre, va encore en accroître la concentration et cette impression de faire face à des arômes parfaitement entrelacés. Comme sur le Drop by Drop, il devient plus chaud, le tabac prend de l’assurance et le chocolat embrasse la noisette. Le boisé est là et observe la scène du début à la fin. Le temps le fera évoluer vers un visage plus pâtissier, sans que les autres arômes disparaissent. Je suis conquis.
Il lui faudra deux ou trois secondes pour se livrer et se mettre à coller à chaque recoin de la bouche, ce qui me fait penser que son degré ne doit pas être loin des 50. Fraîcheur et fruité vont occuper la première partie de cette bouche, avant que des acteurs plus sombres et gourmands ne fassent irruption. C’est alors un festival de fruits à coque vanillés, de boisé toasté et de tabac léger. À la manière de ces rhums que je pourrais respirer des heures durant, je n’ai pas envie d’avaler celui-ci, tant je m’éclate. La fin de bouche et la rétro-olfaction forment et définissent l’une des expériences rhumesques les plus jouissives qu’il m’ait été donné de vivre.
La finale est tout aussi interminable que celle du Drop by Drop. Et là aussi, c’est le fût et le cacao qui ne bougent pas d’un pouce pendant ce qui parait être une éternité, non sans que la noisette et la noix aient ouvert cette ultime étape.
Je suis amoureux. Je vais prendre le reste du fût, merci.
Je reste sans voix… Ces rhums jouent tous deux dans la catégorie du Neisson 21 ans, qui était le rhum qui m’avait le plus ému et qui m’avait donné le plus de plaisir jusqu’alors.
*mic drop*
Neisson d’exception – partie 1
Neisson d’exception – partie 2
Neisson d’exception – partie 3
Neisson d’exception – partie 4
Pingback: Neisson 15 ans batch 3 et Neisson 19 ans | Les rhums de l'homme à la poussette
Pingback: Neisson 15 ans batch 1, Neisson 18 ans batch 1 et Neisson 2007 (Velier) | Les rhums de l'homme à la poussette
Pingback: Neisson 1991, Neisson 1992, Neisson 1993, Neisson 1995 (Velier), Neisson 1997 (Velier) et Neisson 1997 Single Cask (Velier) | Les rhums de l'homme à la poussette
Pingback: Neisson 2007 Single Cask LMDW, Neisson 2005, Neisson 2005 (Velier) et Neisson XO brut de fût batch 1 | Les rhums de l'homme à la poussette
Pingback: Neisson 2004 (LMDW) et Neisson 21 ans batch 1 | Les rhums de l'homme à la poussette
Pingback: Neisson 15 ans batch 4, Neisson 18 ans batch 3, Neisson Nonaginta et Neisson 21 ans batch 2 | Les rhums de l'homme à la poussette