Oui, j’ai définitivement passé une bonne partie de ce Rhum Fest 2018 à déguster des rhums blancs ; vous avez déjà pu vous en rendre compte la semaine dernière, mais comme je vous le disais, il en reste un bon paquet à vous présenter ! J’espère donc que vous en vouliez encore ; de toute manière, ce n’est pas comme si vous aviez le choix 😛
Dans le précédent article, j’ai fait la part belle aux rhums blancs pur jus de Martinique et de Guadeloupe ; cette semaine nous allons nous pencher sur d’autres rhums pur jus de canne, de provenances différentes et un peu moins habituelles, pour nous autres petits français. Puis nous irons voir du côté de quelques rhums blancs, mais de mélasse.
Retournons dans le sud de la France, retrouver notre historien/savant fou : Guillaume Ferroni ! Depuis quelques années maintenant, il nous régale de différentes expressions de blancs (surtout des pur jus de canne, à une exception près) dans sa série des Dame Jeanne. Le premier du nom, le Fresh Cane, avant que la série naissante ne soit baptisée Dame Jeanne, nous venait de l’Île Maurice ; le second a pour matière première la mélasse, c’est le seule de la série, et est un assemblage de rhum de l’Île Maurice (Chamarel) et de Martinique (Le Galion) ; pour le troisième on revient sur le pur jus avec l’association de deux rhums monovariétaux canne rouge, l’un de l’Île Maurice (oui encore) et l’autre de Guadeloupe, pour un résultat très gourmand.

Ferroni Dame Jeanne 4
Le quatrième, nommé L’Atlantique, nous vient lui… de l’Atlantique, et donc de Madère en l’occurrence (en tout cas c’est ma déduction ^^) et l’on est donc sur un rhum agricole. Ayant récemment dégusté chez A’Rhûm des rhums de cette île, j’étais impatient de me frotter à celui-ci !
Son nez est frais et acide, sur le poivre et la canne. Clairement un profil atypique.
En bouche l’alcool est bien dosé (il est à 57% comme les autres de la série), et on retrouve la canne (légèrement sucrée) dans la veine végétale. Intéressant là aussi, mais avec, pour moi, un certain manque de gourmandise.
La finale, assez longue, est marquée par des notes végétales et devient sèche après un moment.
Originale que cette Dame Jeanne numéro 4, mais je pense lui préférer les 1 et 3 ; peut-être l’habitude et les attentes de ce qu’un pur jus peut m’apporter.

Ferroni & Issan
Et vous croyez qu’il se serait arrêté là ? Ben non, il avait autre chose à me faire découvrir, le fruit – encore immature – d’un projet sur lequel il travaille depuis un moment déjà avec David de chez Issan (piqûre de rappel) !
David produit avec son équipe du rhum pur jus en Thaïlande, la législation dans ce pays interdit de mettre en bouteille/commercialiser un rhum au-delà des 40% – au grand dam des chanceux qui ont pu déguster des versions brut d’alambic 🙂
Mais voilà que Ferroni arrive dans l’équation et pense à redistiller le Issan classique afin de pouvoir, entre autres, augmenter sa puissance. Il parvient à obtenir un rhum à environ 60%, qui a ensuite été mis en vieillissement dans des fûts ayant contenu du rye whisky. Nous n’en sommes pour l’instant qu’à un an de vieillissement mais il est déjà intéressant d’y tremper les lèvres. On retrouve à toutes les étapes de la dégustation les marqueurs de Issan, mais avec plus de fougue (en bouche l’alcool se fait même bien sentir). Le bois est très peu marqué, et j’ai trouvé que son influence se fait surtout sentir sur les céréales (typique du rye whisky à ce que je sache) allié au côté “huileux” du Issan pour aboutir sur un très agréable arôme de pain !
Il ne sortira que dans quelques années, mais cet avant-goût donne envie de faire un petit bon dans le futur 😉

Laodi 56%
Restons un moment en Asie, avec le rhum laotien Laodi. Ce n’est pas la première fois que j’y goûte. En effet, non seulement j’ai une vieille version à la maison de leur blanc à 56%, mais j’ai pu déguster leur production plus récente (à 42%) lors du Rhum Fest de l’année dernière. Cette année, ils ont pu nous présenter une version à 56%, sur laquelle j’ai rapidement sauté le premier jour du salon. Positionnés juste en face de A1710, je suis allé déguster ce Laodi juste après avoir goûté aux deux rhums bio de la petite dernière martiniquaise. Je crains pour nos amis laotiens qu’ils n’aient un peu souffert de la comparaison, avec un profil bien moins gourmand et moins porté sur la canne. Ce qui est sûr c’est que ce rhum se distingue de ce à quoi nous sommes habitués et qu’il est meilleur que la version antérieure, rangée dans mon placard 😀

William Hinton 69%
Avant de naviguer vers les rhums du Pacifique, faisons à nouveau une escale dans l’Atlantique, à Madère, avec la marque William Hinton. Je n’ai dégusté que leur blanc – ça tombe bien, c’est ça dont on parle ici. Il est intéressant de voir, comme un pays/une île productrice de rhum peut soudain se retrouver sous les projecteurs assez rapidement. Madère commence définitivement à se faire connaitre avec ses rhums agricoles ; tant mieux pour nous ! Comme je le disais plus haut, j’avais pu déguster (et acquérir) des rhums de Madère avec Freddy chez A’Rhûm à Paris et avais été conquis par le Branca à 50%, très canne et très gourmand, et pas dénué d’une identité marquée. Raison de plus pour être impatient de goûter ce William Hinton.
Au nez, on se rend tout de suite compte que l’on a affaire à un rhum qui ne ressemble à aucun autre (en tous cas à aucun que j’ai pu goûter jusqu’alors). Un étrange mélange entre fruits exotiques très mûrs, à la limite d’être pourris, mais néanmoins très agréables et de l’essence… Oui, oui de l’essence, de celles que l’on trouve dans les stations-service (non pas Caroni, bande de petits malins !), et ça, c’est moins sympa. Heureusement, au fil des minutes, ce dernier temps à se faire plus discret.
En bouche, on a partiellement le même profil, avec l’essence sur l’attaque, suivi des fruits exotiques en fin de vie et de la canne. Ah ! La voilà enfin celle-là ! Pas mal de plaisir ici 🙂
La finale, elle, est passée un peu inaperçue…
Atypique que ce rhum de Madère, même si cette nappe d’essence qui surnage n’est pas très plaisante. Petit conseil (merci les sudistes) : avec un petit zest de citron, ce qu’il y a dans le verre se transforme totalement et devient tout simplement très bon !
Il est temps de se rendre dans les îles paradisiaques de Polynésie Française. Depuis quelques années, commencent à être disponibles sur le continent des rhums pur jus de canne originaires de Tahiti et des îles alentour.
Le premier que j’ai goûté, il y a trois ans de cela, était le Mana’o sur sa récolte 2015 et j’avais été impressionné par son caractère, très canne mais aussi “organique” et gourmand, épais. Une très belle découverte.
Cette année, trois marques de rhum de Polynésie Française proposaient des rhums à déguster au Rhum Fest.

Mana’o classique et Mana’o Rangiroa
Commençons donc par la dernière récolte Mana’o.
On y retrouve quelques-unes des caractéristiques des années précédentes, avec par exemple la canne qui est au rendez-vous. Mais je n’ai pas retrouvé l’identité de Mana’o cette année. Le côté organique, qui m’avait beaucoup plu, a disparu ; sont plus présentes, ce que je qualifierais de notes de distillation. Il m’a aussi paru plus complexe et moins gourmand et “franc” que les récoltes antérieures que j’ai pu déguster.
Bref, un peu déçu.
Il faut savoir que Mana’o utilise des cannes de trois îles différentes pour réaliser leur rhum. Mais ils ont eu la bonne idée de faire un rhum uniquement utilisant les cannes provenant de Rangiroa. Cela donne quelques bouteilles d’un rhum toujours à 50%.
Au nez, j’y ai retrouvé le profil des anciens Mana’o, avec la canne, le côté organique, la fraicheur…
En bouche, la canne se fait plus sèche avec une présence d’agrumes. C’est bon, mais plus “classique” et proche des Antilles Françaises.
La finale perdure sur cette canne sèche ainsi que le zest de citron vert.
Il y a une vraie différence entre ce rhum “mono-île” et le classique. J’ai eu une vraie préférence pour le Rangiroa.

Rhum T de Taha’a
Passons chez Taha’a où est produit le rhum T, rhum que j’ai découvert l’année dernière au Salon de l’Agriculture – et qui m’avait positivement marqué.
Je l’ai goûté deux fois, sur deux jours et mon expérience a été très différente les deux fois. La première, j’ai été franchement déçu (raison pour laquelle j’ai voulu y retremper les lèvres le lendemain), avec une acidité trop prononcée et un réel manque de gourmandise. Mais voilà, à la seconde dégustation, j’y ai retrouvé ce qui m’avait plu l’année dernière… Autrement dit, ce n’est pas à l’occasion de ce Rhum Fest que j’ai pu me faire une opinion tranchée ou définitive sur ce rhum

Rhum Manutea
Allons voir du côté du troisième rhum blanc de Polynésie Française avec Manutea. Ils proposent deux rhums blancs, un à 40% et l’autre à 50%. Ils sont très différents l’un de l’autre mais tous deux intéressants et bons ; j’ai eu une préférence pour le plus puissant des deux. Contrairement aux deux autres rhums dégustés précédemment, celui-ci va-t-il confirmer tout le bien que j’en pensais ?
Dès le nez mis dans le verre, j’y ai retrouvé son profil très expressif sur une canne organique et gourmande, des notes de truffe, ainsi qu’un poivre discret. Toujours aussi plaisant !
Il est explosif en bouche et non dépourvu d’une légère sucrosité. J’ai été surpris de lui trouver un côté anis si marqué, plus que dans mon souvenir et presque trop à côté de la canne.
La finale est très longue sur une canne végétale et l’anis occupant toujours le premier rôle.
Je le trouve vraiment bien ce Manutea 50, même si cet anis est très présent et déséquilibre quelque peu l’impression générale. Il faudra que je regoûte celui que j’ai dans mes placards.
Eh bien voilà pour ce petit tour dans le Pacifique, avec une préférence pour le dernier dégusté, ainsi que le Mana’o Rangiroa.
Nous avons fait le tour des rhums blancs pur jus de canne ! Je vous avais prévenu que j’en avais dégusté un bon paquet. Il nous reste quelques blancs à passer en revue, mais nous allons maintenant brièvement parler de mélasse et de sirop de canne.

Clairin Le Rocher
Pour commencer, un rhum, ou plutôt un clairin, justement fait à partir de sirop de canne (jus chauffé et mis à réduire). Ce clairin rejoint la petite famille de ces alcools de canne d’Haïti dénichés par Velier, aux côtés de Sajous, Vaval et Casimir. Le Rocher – c’est son nom – m’avait impressionné lors du Whisky Live 2017. Son originalité avec des notes fermières (carrément d’étable) et fumées, à tendance mezcal, m’avait vraiment plu.
Je me suis rapidement rendu compte que la version qui était disponible au Rhum Fest était différente. Les vaches ne sont plus dans leur étable et une acidité pas super agréable a fait son apparition… La bouche, elle, est toujours séduisante, très expressive, organique et au fumé qui commence à se manifester, avant de devenir conquérant sur la finale, qui est assez logiquement très longue.
Impression en demi-teinte. Peut-être que si je l’avais goûté pour la première fois, il m’aurait plu pour ce qu’il est, mais après mon premier contact l’année dernière, j’en attendais plus, et différemment.

Rum Bougainville White
Un rhum un peu “inattendu” ensuite, qui était disponible au Bar des Nouveautés et que Marc, aux commandes derrière le comptoir, m’a conseillé de goûter. Le rhum Bougainville nous vient de l’Île Maurice, est élaboré à base de mélasse et nous est présenté à 40%.
Le nez nous laisse tout de suite penser que la phase de fermentation a été longue et l’on n’est pas sans retrouver quelque chose de jamaïcain là-dedans, mais évidemment sans la fougue, souvent porté par le haut degré l’alcool des rhums de l’île de Bob Marley.
La bouche est moins “extrême” et l’attaque est un peu beurrée, alors que la texture est “épaisse”. Les épices viennent réveiller l’ensemble de manière bienvenue.
La finale, elle, n’est pas très longue, mais l’impression globale est positive. Un rhum intéressant, qui gagnerait à avoir plus de puissance.

L’Esprit – South Pacific et Port Mourant (les deux de gauche)
Parmi toutes les nouveautés présentées au Rhum Fest cette année, certaines étaient sur ma liste de dégustations à faire, d’autres non (le nouveau Don Papa au finish Cherry Coke n’était par exemple, pas sur la liste). Certains enfin, non seulement étaient sur ma liste, mais l’étaient aussi sur celle de nombreux autres visiteurs 😀 Parmi ces “attractions”, nous trouvons entre autres les nouveautés de chez L’Esprit. Nous avons déjà parlé du pur jus de canne en brut de colonne, mais ce n’était pas l’unique blanc brut à faire partie de la nouvelle gamme de l’embouteilleur breton. En effet, Tristan a réussi à mettre la main sur un Port Mourant (Guyana) et un South Pacific (Fidji) en brut d’alambic (pot still) et donc en version non-vieillie (je me suis demandé si je pouvais faire en sorte d’intégrer une 4ème parenthèse dans cette phrase pour battre un record personnel mais je n’ai rien trouver à écrire :P).
Bon, je m’excuse tout de suite, parce qu’après vous avoir chauffé avec cette description, je vais vous refroidir très rapidement ! Je les ai dégustés mais ils sont tellement expressifs et puissants qu’ils méritent beaucoup d’attention. Or je les gardais pour la fin de journée (afin de ne pas griller mes papilles) et ça n’aura pas aidé non plus à les décortiquer. Je peux juste vous dire que j’ai trouvé le Port Mourant supérieur à celui de chez Habitation Velier et doté d’une très surprenante bouche sucrée. Le South Pacific est très marqué amande.
Voilà. Je sais j’ai un peu déconné sur le coup, mais – car il y a un mais – je compte bien les déguster plus attentivement à la maison quand j’aurai mis la main sur des samples et vous en faire une note de dégustation un peu plus développée 😉
Bon, je vais m’arrêter là pour cet article et cela conclue la dégustation de rhums blancs pour ce Rhum Fest 2018. J’espère que vous aurez autant apprécier la lecture de ces deux articles que j’ai apprécié leur dégustation 😉
Là où je suis un peu inquiet c’est pour la suite des articles dédiés à ce salon, puisque j’ai dégusté 55 rhums vieux… Et je vais éviter de faire un compte-rendu en 12 parties 😀
Je vais réfléchir à la manière de vous parler de tout ça pour que vous ne vous endormiez pas plus que nécessaire à la lecture de ces articles.
Bref, à la prochaine pour la suite de mes aventures Rhum Fest-iennes ! 😉
SI vous avez loupé la première partie, c’est par-ici !
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