Second salon de cette rentrée spiritueuse, après France Quintessence : le Salon Dugas Club Expert. Il y a un an, il s’agissait DU salon qu’il ne fallait pas manquer quand on s’intéresse aux rhums purs jus de canne. Mais voilà, depuis l’année dernière, bon nombre de marques de rhums agricoles ne sont plus distribuées par Dugas : Depaz, HSE, Père Labat, Saint James… Aussi m’étais-je demandé si la partie rhum n’allait pas être trop mince.
Finalement, comme vous allez le voir, il y avait tout de même pas mal à faire, en rhum bien sûr, mais aussi en whisky. Cela m’a fait un programme bien chargé, d’autant que je n’ai pu m’y rendre qu’une seule journée. Je n’ai pas chômé !

Je vais diviser en deux mon expérience 2022 du Salon Dugas Club Expert, avec dans cette première moitié, justement les rhums purs jus de canne et les whisky français. Dans la seconde, vous aurez droit aux rhums de mélasse et aux whiskys d’autres origines, essentiellement britanniques.
Les Rhums Purs Jus de Canne
La Favorite
Rivière Bel Air 2021 – 53%
Nez : velouté, canne et léger poivre. Sympa
Bouche : sucrosité vraiment envoutante, avec notes poivrées et terreuses (un peu trop)
Finale : un mix de ce que l’on a trouvé avant
J’avais déjà eu la chance de dégusté cette nouvelle récolte lors du Rhum Fest cette année et, il m’avait beaucoup plu.
Il faut noter qu’il n’y aura pas de récolte 2022 du Ririvère Bel Air puisque la parcelle est en jachère. De plus, cela sera une autre variété de canne qui sera replantée l’année prochaine.

CENT QUATRE-VINGTS récoltes pour la distillerie ! Ça commence à faire, du coup, pour fêter ça, ils ont eu l’excellente idée de sortir une série de rhums blancs. Franck Dormoy a sélectionné au fil de la saison des distillations particulières afin de les rassembler par mois de récolte. Il s’agit de distillats des deux colonnes de chez La Favorite.
La Favorite 180ème Récolte de Mars – 56%
Nez : fraîcheur et légèreté, léger poivre/terreux typique, léger citron vert, très léger air marin. Assez tendu
Bouche : sucrosité, gourmandise et on confirme la canne un peu terreuse et poivrée
Finale : association végétale, poivrée et canne
La Favorite 180ème Récolte d’Avril – 56%
Nez : plus canne fraîche tout de suite, très agréable ! C’est vraiment ce qui domine, viennent ensuite des pointes d’agrumes et de poivre
Bouche : un peu moins doux que Mars mais avec une profil parallèle au nez
Finale : on retrouve notre canne poivrée avec une petit note saline
La Favorite 180ème Récolte de Mai – 56%
Nez : canne avec une belle fraîcheur mais me semble, d’une certaine manière, un peu fermé
Bouche : la bouche est mieux, elle s’ouvre. On garde la fraîcheur du citron vert
Finale : on sera semblable aux autres, sur un canne un peu plus végétale et poivrée
La Favorite 180ème Récolte de Juin – 56%
Nez : semble plus puissant, ce qui titille les poils du nez mais qui accentue également le côté frais
Bouche : l’alcool est finalement bien présent mais ne brûle pas et fait vraiment exploser le rhum
Finale : il reste hyper frais longtemps et possède une belle longueur
Sans doute celui qui se démarque le plus et sans doute mon préféré.
Un exercice fort intéressant et de réelles différences entre ces quatre bouteilles. Bien sûr il faudrait aussi savoir quelques parcelles/quelles variétés de cannes ont été récoltées quand.
Un rapide mot sur les étiquettes, que je trouve vraiment réussies. Chacune arbore une plante dont la floraison a lieu durant le mois de récolte.

La Favorite 2016 – 46%
Il est encore en brassage avant d’être prêt pour remplacer le 2015. 100% fûts de bourbon.
Nez : un nez évolutif qui va changer entre jus de canne typique de la Favorite avec ce côté poivré et le fût de bourbon et sa gourmandise boisée. Et puis ça se stabilise sur une association des deux qui fonctionne.
Bouche : Il manque peut-être un peu de structure mais on retrouve bien sa dualité
Finale : fraîche, boisée et poivrée, encore la ça marche bien
La Favorite 2013 Brut de Fûts – 48,5%
Vieillissement bourbon et cognac.
Nez : plus de complexité, sans doute le double vieillissement, plus fruité aussi
Bouche : l’alcool est très bien dosé et il mérite d’être gardé en bouche un certain temps pour en apprécier les différents facettes
Manutea

Manutea Quintessence – 59%
Nez : fraîcheur, canne truffée, énorme gourmandise. Une grande pureté
Bouche : « aucun défaut », texture, fraîcheur, douceur, vivacité, alcool mesuré
Finale : on perd un peu en fraîcheur pour retomber sur la canne
Punaise ce que c’est bon cette petite chose !
Manutea VO Single Cask Banyuls – 44%
Nez : les trois ans de fût ont laisser leur emprunte mais l’essence du jus est toujours là et devient beurrée
Bouche : légère douceur, texture bien grâce au fût et on a bien les deux familles d’arômes
Finale : légèrement tannique et toujours très beurrée
Manutea VSOP – 41%
Ex-bourbon et ex-Banyuls
Nez : bourbon très marqué mais avec cette canne si particulière qui fait de la résistance
Bouche : les 41% sont plus présents que prévu et tant mieux, c’est ici surtout le boisé qui domine, mais moins typé US
Finale : le boisé reste, avec tout de même une certaine fraîcheur
Confirmation de la qualité du blanc et plutôt bonne surprise sur les vieux, d’autant que j’avais trouvé trop boisé le premier VO que j’avais dégusté lors du Salon Dugas 2019.
Baie des Trésors

Baie des Trésors Plein Soleil – 54%
Il s’agit de la Récolte 2021.
Nez : canne veloutée et grasse et zest de citron vert, on l’imagine très suave
Bouche : on a notre sucrosité mais aussi une belle explosion de fraîcheur avec ce zest de citron vert et l’alcool – la texture est vraiment épaisse et soyeuse
Finale : on garde notre canne mais qui se fait un peu plus florale. On ne tombe pas dans l’écueil verdeur et on continue sur la fraicheur
Peut-être un peu moins bien que la récolte précédente (dont je vous parlais dans cet article) mais ça reste très bon.
Sampan

On connait surtout Sampan grâce à leurs rhums blancs (déclinaisons en trois % vol. différentes), mais les vieillissements ont été démarrés peu de temps après le début de l’aventure. Les premières créations vieillies arrivent donc dans nos contrées. Après m’y être frotté au Rhum Fest cette année, sur une version non définitive, j’étais curieux de voir ce que le résultat final pourrait donner.
Sampan Cellar Series 2018 – 47,1%
Nez : dominé par le bois, avec quand même pas mal de fruits
Bouche : assez facile avec un alcool qui pique juste un peu. Pas de côté boisé grossier, le choix du fût ex-cognac était sans doute le meilleur
Finale : sympa même si moyennement longue, on a encore des fruits en plus du bois
Sampan Cellar Series 4 ans brut de fût, Barrel 11 – 55,5%
Nez : semble un peu trop puissant – un peu de fruits, pas mal de bois, de la vanille
Bouche : finalement pas si fort, quoi que (pas non plus à 37,5%…), un boisé légèrement poivré
Finale : l’élevage prend de plus en plus le pas sur le reste avec un boisé légèrement tannique beurré et vanillé
Un peu le même constat que lors du Rhum Fest 2022, on perd en grande partie l’identité du jus, même s’il ne m’a pas semblé absent comme ça avait été le cas en avril.
Saint Benevolence

Saint Benevolence blanc – 50%
Voilà un produit et un projet qui ont retenu mon attention, avant même de tremper les lèvres dans le verre. En effet, 100% des bénéfices réalisés sur les ventes de ce clairin sont reversés à Haïti, sous formes d’aides à l’éducation et aux soins. Lorsque j’ai demandé comment cela était possible, ils m’ont expliqué que le créateur/propriétaire de la marque dégageait suffisamment de revenus grâce à d’autres activités et qu’il pouvait donc se le permettre. Beau geste.
Niveau élaboration : 60% pur jus, 40% sirop ; uniquement levure indigène, fermentation entre 5 et 7 jours ; distillation sur alambic on ne peut plus artisanal.
Nez : profil intéressant, avec une certaine fraîcheur du jus mais aussi un côté plus « lourd ». Très éloigné des clairins Velier, avec un petit quelque chose « d’asiatique », dur de dire pourquoi.
Bouche : intense, légèrement organique et notes fumées. Légère astringence qui fait agréablement saliver. Étonnamment il n’est pas sans rappeler certains purs jus des Antilles françaises par certains côtés.
Finale : on garde la fraîcheur, le coté végétale et la note légèrement fumée (qui fait un peu penser à du mezcal)
Il n’a pas forcément fait n’unanimité d’après mes conversations, mais moi il m’a bien plu.
Saint Benevolence vieilli 18 mois en fût de chêne américain neuf – 50%
(pas sur le marché français avant au moins 1 an)
Nez : on a du bois neuf mais on pressent une acidité qui demandera à y revenir, également agrumes et beurre
Bouche : on perd notre fumé et on a un produit moins atypique, avec un parallèle à faire sur les clairins vieillis que l’on connaît déjà. L’acidité est là
Finale : on continue sur cette acidité et un peu d’amertume arrive. Le boisé américain domine.
Moins mon truc que la version blanche.
Chamarel

On se rafraîchit la mémoire avec le blanc double distillation, qui est assez unique dans cette catégorie des pur jus ; cela vient sans doute de sa méthode l’élaboration.
Chamarel 3 ans – 40%
Colonne et vieillissement en fût de chêne américain neuf
Nez : le fût est justement le seul acteur
Bouche : pareil
Finale : encore plus
Chamarel 4 ans – 41%
20% pot et 80% colonne
2 ans fut US neuf et 2 ans fut FR neuf
Nez : vraiment mieux avec ce double vieillissement
Bouche : fruits secs, vanille
Finale : boisé beurré, la matière première me manque cependant
Chamarel 6 ans – 43%
30% pot et 70% colonne
Fût de chêne FR neuf
Nez : il confirme qu’on est quand même vraiment sur des profils où c’est le vieillissement qui est en tête d’affiche
Bouche : plus de profondeur, d’épices, de fruits
Finale : torréfié, plus long
Plus intéressant que les précédents mais toujours sur une identité bois.
Chamarel Moscatel Cask Finish – 45%
2 ans de plus sur une base de XO
Nez : plus de gourmandise, léger vineux et noix, prune
Bouche : plus sec que prévu, tant mieux, gourmandise sèche et boisée
Finale : longue plutôt asséchante
Chamarel Olorosso Cask Finish – 45%
Nez : un peu plus fruité et vanillé et à l’alcool un peu plus marqué. Le côté vineux est là aussi
Bouche : plus écœurant, moins fin
Bon… Le meilleur des cinq est selon moi le finish Moscatel. Mais de manière générale, je regrette que le jus de canne ne soit qu’un détail.
Rhums de Ced’

Deux nouveautés chez Ced’ cette année :
Rhums de Ced’ Vintage 2019 – 39%
Cet arrangé aura passé plusieurs années en bouteille (3 ans) et est un blend de rhums de Guadeloupe (à 50%) et de Martinique (en brut de colonne). C’est ce qui explique le volume alcoométrique supérieur.
Un ananas confit et un rhum agricole qui ressort. La fraîcheur et la canne balancent bien l’ananas cuit. Très très efficace, j’ai bien aimé.
Rhums de Ced’ Mirabelle fût de Porto – 32%
2 ans en fût de Porto
Moins la mirabelle, et plus de sucrosité. Un peu mitigé sur celui-là, où je n’ai pas vraiment trouvé ni les fruits, ni le rhum.
Rhums de Ced’ Graal mangue pamplemousse – 45,4%
Et puis j’ai eu envie de me repencher sur le troisième Graal sorti 😊
Ça m’a permis de confirmer ma bonne impression avec dans les acteurs principaux, le rhum et ça, ça fait plaisir !
Les Whisky Français
Rozelieures

J’ai commencé par deux produits qui ne sont pas à vendre mais qui étaient à déguster pour pouvoir se rendre compte des différences entre des jus tout juste distillés, et donc sans l’influence du bois.
New Make argileux – 60%
Très fruité sur la pomme mais aussi les céréales et semble grasse, ce qui se confirme très rapidement en bouche. Mais aussi un côté un peu métallique, moi à mon goût.
New Make argilo calcaire – 60%
Pas grand-chose à voir avec le précédent : un côté vraiment fermier, animal, organique mais aussi chaud.
Rozelieures Parcellaire argilo calcaire Mont Poiroux – 43%
Gourmand, rond, céréales, pomme, plutôt facile
Rozelieures Parcellaire limoneux Blanches Terres – 43%
Pas si éloigné que ça du précédent mais plus riche et plus grains, et d’une certaine manière plus whisky, avec une notion grillée.
Rozelieures Bourgogne Cask brut de fût – 53,2%
Nez : côté vineux et plus chaud, légèrement tourbé, fruits confits et fruits secs
Bouche : la tourbe est là mais comme l’alcool, elle est bien fondue et ne prend pas le pas sur les autres éléments
Finale : longueur entre gourmandise et tourbe
Whisky P&M

Whisky corse que j’avais pu déguster sur place l’été dernier, il me tardait de découvrir leur gamme.
P&M Signature – 42%
Nez : étonnamment agrumes, un peu de cacao, complètement en dehors de ce à quoi je pouvais m’attendre
Bouche : on garde l’orange mais on a aussi de la vanille
Finale : décidément ces agrumes encore une fois
P&M Red Oak – 42%
Plus d’épices mais sinon on garde la colonne vertébrale de la distillerie
P&M Tourbé – 42%
Mon nez préféré des trois, avec un équilibre entre les agrumes et la tourbe, puis cette dernière prend trop le pas
Impression en demi-teinte, avec cette note d’orange – pour moi – trop présente.
Une bonne trentaine de spiritueux dégustés dans cette première partie, il est temps de faire une pause ! 😀 A très vite pour encore plus de rhum et de whisky !
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